A Christmas Carol (Alan Silvestri)

Le Fantôme de Tous les Noëls

Disques • Publié le 06/12/2010 par

A Christmas CarolA CHRISTMAS CAROL (2009)
LE DRÔLE DE NOËL DE SCROOGE
Compositeur :
Alan Silvestri
Durée : 45:28 | 18 pistes
Éditeur : Intrada

 

4 out of 5 stars

Compagnon de toujours de Robert Zemeckis, Alan Silvestri s’embarque dans l’aventure de A Christmas Carol et retrouve le réalisateur après deux autres incursions du duo dans l’univers de l’animation : The Polar Express (Le Pôle Express) et Beowulf (La Légende de Beowulf). Après deux années particulièrement maigres (seulement un film en 2007 et un autre en 2008), 2009 a été plus productive pour Silvestri avec les deux énormes partitions que sont Night At The Museum 2 (La Nuit au Musée 2) et G.I. Joe. Mais c’est clairement A Christmas Carol qui remporte la palme, puisqu’il s’agit très certainement de la meilleure partition du compositeur depuis bien longtemps. La féérie qui entoure Noël et la forme particulièrement démonstrative qu’elle prend aux États-Unis correspond en effet à merveille au style lyrique et généreux de Silvestri qui, s’il n’a pas écrit quantité de scores directement centrés sur Noël, a néanmoins souvent inséré dans ses comédies telles les Father Of The Bride (Le Père de la Mariée) ou les Stuart Little quelques morceaux évoquant la période des fêtes de fin d’année.

 

C’est donc sans surprise mais pour notre plus grand bonheur qu’il renoue avec la veine chaleureuse et enjouée qu’on lui connaît, concevant pour A Christmas Carol un thème principal particulièrement marquant et réussi qui structure la partition avec un art et une conviction admirables. À la fois majestueux et dynamique, ce thème très entraînant, qui peut apparaître sous une forme plus intimiste et émouvante (Let Us See Another Christmas), est fréquemment interprété par l’orchestre tout entier et par une chorale massive (Flight To Fezziwigs) qui en font un classique instantané au même titre que les autres cantiques de Noël apparaissant ici et là, intégrés au score de Silvestri comme c’était déjà le cas pour The Polar Express.

 

Un second thème associé à Noël est introduit dans la seconde partie de The Ghost Of Christmas Past, d’abord lorsque Scrooge est entraîné dans le passé et renoue avec des souvenirs heureux avant de réapparaître à la fin lorsqu’il retrouve sa bonne humeur d’antan (Ride On My Good Man). Assez proche de certains passages de MouseHunt (La Souris), ce thème fait à son tour état du talent inné de Silvestri pour les mélodies accrocheuses et sautillantes orchestrées avec un luxe délicieux. Secondé par les fidèles William Ross et Conrad Pope mais aussi par John Ashton Thomas, orchestrateur de John Powell, le compositeur livre une musique plus vivante, plus riche, plus colorée et chatoyante que jamais : violons langoureux, bois délicats ou malicieux, harpe rêveuse, abondance de clochettes et de carillons… Débarrassées de tout mickey mousing laborieux, la magie et l’émotion sont omniprésentes.

 

Scrooge

 

Certes, l’ensemble n’est pas vraiment original et peut rappeler quantité de travaux effectués par d’autres musiciens sur des films de Noël. Qu’à cela ne tienne, le résultat est tellement attachant qu’il emportera sans mal l’adhésion. Mais le meilleur reste encore à venir avec les grands morceaux de bravoure que tout le monde attendait de la part du compositeur de Van Helsing : les séquences consacrées aux fantômes. Silvestri avait vraiment de quoi se faire plaisir avec l’histoire imaginée par Dickens et il ne s’en est pas privé ! D’un côté, l’on trouve les titres consacrés aux spectres « positifs » : The Ghost Of Christmas Past et Touch My Robe, savants reflets musicaux de la lumière surnaturelle entourant le Fantôme des Noëls passés et celui des Noëls présents, le premier raffiné et tendre, le second truculent et fastueux, tous deux servis par des passages choraux magnifiques. De l’autre l’on trouve les pistes associées aux spectres « négatifs », apocalyptiques comme seul Silvestri sait les écrire. Les hostilités débutent avec le morceau le plus long de l’album, Marley’s Ghost Visits Scrooge, très inquiétant et digne d’un film d’horreur : cordes couinantes et crissantes, cuivres graves et sévères, chœurs sépulcraux, effets de dissonance, sursauts orchestraux pleins d’emphase et de brutalité, surdramatisation, tout l’arsenal habituel du compositeur est employé ici et l’on se croirait revenu dans What Lies Beneath (Apparences) ou Identity.

 

Cerise sur le gâteau, Silvestri tempère cette horreur d’opérette en la doublant d’une mélancolie elle aussi très théâtrale et d’un humour noir fort appréciable lorsqu’un violon tzigane frénétique s’en mêle et rappelle cette fois-ci les délires jouissifs de Christopher Young sur Drag Me To Hell (Jusqu’en Enfer). Après le solennel The Clock Tower, l’incroyable scène de poursuite Carriage Chase prouve une fois encore la virtuosité du compositeur pour les séquences d’action, de même que le grandiose Who Was That Lying Dead? et ses chœurs dantesques. Oui, A Christmas Carol constitue bel et bien une réussite frôlant le chef-d’œuvre qui nous rappelle à point nommé combien l’on a pu – et l’on peut encore – aimer l’auteur de Judge Dredd et de Lilo & Stitch. Comme cadeau de Noël, on ne pouvait pas rêver mieux !

 

A Christmas Carol

Gregory Bouak
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