HARRY POTTER AND THE DEATHLY HALLOWS – PART 1 (2010)
HARRY POTTER ET LES RELIQUES DE LA MORT – PREMIÈRE PARTIE
Compositeur : Alexandre Desplat
Durée : 89:48 | 32 pistes | 2 CD
Éditeur : WaterTower Music
Marquée en profondeur par l’esprit de John Williams, compositeur des trois premiers volets, la saga musicale des Harry Potter s’est poursuivie avec plus ou moins de bonheur depuis The Goblet Of Fire. Si l’opus composé par Patrick Doyle a globalement suscité l’enthousiasme, il n’en a pas été de même des deux scores écrits par Nicholas Hooper, très critiqués par l’ensemble de la communauté béophile, parfois de façon injuste. Le tome final de la saga étant de nouveau réalisé par David Yates, on pouvait s’attendre au maintien du compositeur, mais celui-ci a rapidement fait savoir qu’il ne voulait pas rempiler, officiellement à cause de la fatigue liée à un tel investissement. Un retour possible de Williams a aussi été évoqué, mais étant donné les distances que ce dernier a prises depuis quelques années avec le cinéma en général et Harry Potter en particulier, cela semblait peu probable. Vers quel compositeur rompu aux grandes musiques symphoniques et capable d’assumer un pareil héritage pouvait-on alors se tourner ? Howard Shore ayant déjà donné avec The Lord Of The Rings (Le Seigneur des Anneaux) et Harry Gregson-Williams avec The Chronicles Of Narnia (Le Monde de Narnia), cela ne laissait plus grand monde à Hollywood et c’est donc un certain musicien français ayant décidément le vent en poupe ces dernières années qui a été retenu…
Pour Alexandre Desplat non plus, la chose n’est guère aisée, car si sa partition pour The Twilight Saga: New Moon (Twilight, Chapitre 2 – Tentation) a obtenu un franc succès, sa précédente incursion dans le genre de la fantasy avec The Golden Compass (La Boussole d’Or) avait été fort critiquée et loin de faire l’unanimité. Il s’en trouvait donc beaucoup pour douter qu’il eût la carrure suffisante pour mettre en musique les aventures du sorcier le plus célèbre du monde… et il est probable que ce nombre ait peu diminué encore aujourd’hui. On reproche en effet au compositeur de ne pas avoir su créer des thèmes et surtout un score assez marquants pour être retenus au même titre que ceux de Williams ; mais c’est bien là le problème : depuis que l’auguste compositeur des Star Wars a quitté Hogwarts, on ne cesse de reprocher à ses successeurs de ne pas être John Williams ! C’est absurde. Doyle a été aisément pardonné car il bénéficiait déjà d’un style et d’une personnalité très affirmés, mais Hooper a été fort critiqué, comme c’est maintenant le cas de Desplat, dont on veut bien reconnaître le talent dans le genre intimiste mais beaucoup moins ailleurs…
Rien n’est plus triste que de voir un compositeur chargé de marcher sur les traces d’un autre, voire, pire encore, d’imiter son style, et c’est hélas arrivé souvent ces dernières années. Il faut donc une bonne fois pour toutes faire son deuil de Williams et de ses thèmes. Le fameux thème d’Hedwig, qui illuminait les partitions des trois premiers opus, a été très peu entendu par la suite et c’est avec raison : il fallait donner aux compositeurs suivants l’opportunité d’apporter leurs propres idées et d’imposer leur marque à la saga. Et puis, une approche ultra-thématique était-elle forcément appropriée à l’évolution des films ? On comprend tout à fait la nostalgie des fans et leur difficulté à se défaire de l’atmosphère magique des premiers films, mais une musique plus sombre et moins féérique, moins flamboyante et plus psychologique, ne correspond-elle pas aux métamorphoses des héros et de l’histoire ? L’abondance et l’omniprésence de thèmes laissent moins de place à l’errance et aux ténèbres nécessitées par la dualité Harry/Voldemort et par les déboires de l’adolescence… Certains pourront objecter que Williams s’était déjà orienté avec succès vers plus de noirceur dans The Prisoner Of Azkaban; certes, mais cela restait une musique forte de tous les thèmes composés précédemment. Et il est vrai que depuis le quatrième opus, personne n’a proposé une partition de taille à rivaliser avec les thèmes de Williams, capable de refaçonner l’univers musical de la saga et de marquer durablement le public.
Maintenant, que dire de la musique de Desplat ? Tout d’abord, et c’est ce qu’on lui demande en premier lieu, qu’elle joue parfaitement son rôle dans le film, c’est-à-dire qu’elle accompagne agréablement les images et en renforce indéniablement la portée lors de certaines scènes ; avec peut-être une grande discrétion, si bien qu’à la sortie de la séance on ne se souvient quasiment de rien. Ensuite, et cette remarque découle directement de la précédente, qu’il est absolument nécessaire de l’écouter de façon isolée afin d’en apprécier réellement les qualités et la profondeur car, comme souvent, le travail de Desplat ne fait pas dans le spectaculaire et ne dévoile ses richesses que peu à peu. À l’instar de The Golden Compass, et contrairement à Twilight : New Moon, plus démonstrative et plus accessible, Harry Potter And The Deathly Hallows demande plusieurs écoutes afin de permettre à l’auditeur de s’immerger pleinement dans l’univers du compositeur et de constater que ses choix pour le film sont bien les bons. Dans ce but, WaterTower Music a produit non seulement un album simple contenant 26 pistes et 73 minutes de musique, mais également un coffret deluxe contenant un second disque proposant six morceaux inédits pour un total de 15 minutes supplémentaires.
Pour tout le monde, la question des thèmes s’avérait cruciale : Desplat allait-il nous proposer des thèmes plus mémorables que ceux composés par Nicholas Hooper ? Seul le temps nous le dira, mais il est indéniable que le compositeur a écrit plusieurs thèmes qui structurent sa partition en profondeur, l’enjeu étant d’accorder suffisamment de temps et d’attention à la musique pour bien les identifier et les reconnaître, cités ici et là intégralement ou seulement en partie. Le premier et le plus important, tant en termes de présence quantitative que d’importance dramatique, est exposé dès la séquence d’ouverture, après une fugitive reprise du thème d’Hedwig lors de l’apparition du logo de Warner Bros. Obliviate, durant lequel on voit Hermione annihiler littéralement son existence en effaçant la mémoire de ses parents, est un très beau morceau en forme de crescendo au lyrisme à la fois grave et passionné : soutenue par des ostinatos de cordes entêtants, la mélodie principale est entonnée par des cuivres lointains et résignés bientôt rejoints par les bois, instruments de prédilection du compositeur, puis elle est reprise par des violoncelles douloureux et acquiert une belle intensité lorsque tout l’orchestre entre en scène. La tonalité résolument adulte du film est entièrement contenue dans cette scène et dans ce morceau : les héros ont définitivement quitté le paradis de l’enfance symbolisé par Hogwarts et s’embarquent dans une aventure toute de renoncement dont ils pourraient bien ne jamais revenir. Très logiquement, ce thème réapparaît sous une forme plus intimiste et désespérée au début de Death Eaters, à la fin de Dobby, puis de façon fugitive dans Hermione’s Parents et dans Ron’s Speech et enfin sur un mode très déploratif dans Captured And Tortured. Ce thème est donc bien le thème principal du film, celui des trois amis et de leur odyssée, mais il est résolument anti-triomphal et totalement opposé à l’approche de John Williams.
Face à ce thème évoquant le Bien dans toute sa fragilité et sa mélancolie, la seconde mélodie marquante est associée aux méchants et apparaît d’abord dans Snape To Malfoy Manor. De nouveau fondé sur des boucles de cordes hypnotiques accompagnées cette fois de sombres percussions et de chœurs sépulcraux, le motif se déploie rapidement dans toute sa glaçante majesté et illustre parfaitement la mainmise de la volonté cruelle et apocalyptique de Voldemort sur le monde des sorciers, comme le confirment les morceaux Death Eaters, où le thème réapparaît sur un mode totalement hypnotique, comme une ritournelle étourdissante et maléfique évoquant l’avancée inexorable du Mal, et Sky Battle, où il est repris sous une forme encore plus menaçante et insidieuse lorsque Voldemort essaie de tuer Harry. Il est intéressant de constater que ce thème, utilisé tout d’abord dans une scène aérienne où la caméra survole des paysages à grande allure pour montrer l’urgence dramatique de la situation, rappelle beaucoup Sky Ferry dans The Golden Compass et To Volterra dans Twilight : New Moon, les deux autres grandes partitions de fantasy de Desplat, où la même formule (mélodie principale et ostinato en arrière-plan) avait déjà été utilisée pour illustrer des scènes assez similaires. Du coup, si l’on pouvait encore hésiter sur l’identité du compositeur dans Obliviate, celle-ci devient évidente dès Snape To Malfoy Manor.
Autre thème à classer dans la rubrique maléfique du score, celui consacré au médaillon et à l’emprise perverse qu’il exerce sur tous ceux qui l’approchent, en tant que portion de l’âme de Voldemort (Dobby, The Locket). Il s’agit d’une étrange mélodie d’abord interprétée par des violons susurrants puis par des trompettes vaguement grinçantes, qui agit comme une sorte de berceuse empoisonnée sur l’auditeur et rappelle beaucoup la valse vénéneuse des Volturi dans Twilight : New Moon, nouveau signe de la cohérence du style du compositeur d’une partition à l’autre. Dans un registre très différent, Desplat propose un thème envoûtant dans Lovegood (morceau absent du film mais qu’on entend dans le générique de fin), sorte de ballade très cadencée et chaloupée fondée à la fois sur une mélodie simple répétée en boucle et sur une série d’instruments solistes parfois inattendus (tendance qui rapproche Desplat de Thomas Newman dans plusieurs partitions) : piano, batterie, luth, théorbe et même shakuhachi… Ce morceau rend compte avec justesse de la douce folie qui habite le père de Luna, sachant que l’aspect fantasque qui le caractérise se trouvait déjà dans un titre comme Detonators et que son motif de luth ou de théorbe est également présent dans tous les morceaux renvoyant au passé et par conséquent aux histoires racontées par Lovegood (Godric’s Hollow Graveyard, The Deathly Hallows).
Voilà donc une affaire réglée : dans Harry Potter And The Deathly Hallows, il y a des thèmes ! Mais on y trouve aussi des clins d’œil plus que marqués au style de John Williams et notamment aux partitions du maestro dans le registre fantastique ou merveilleux, qui font de la musique de Desplat celle qui se rapproche le plus de l’auteur des trois premiers Harry Potter. Cela est très sensible dans tout le segment allant de Polyjuice Potion jusqu’à The Will. Dans le premier de ces morceaux et dans At The Burrow intervient une belle mélodie chaleureuse pour cordes et cuivres associée aux retrouvailles des trois héros, dont le lyrisme très expansif renvoie immédiatement aux Home Alone ou encore à Hook, servie par des orchestrations typiques du compositeur attitré de Steven Spielberg (et c’est là que la présence de Conrad Pope, collaborateur habituel de Williams, prend tout son sens). Tandis que Polyjuice Potion s’oriente malicieusement vers un mickey mousing fort bienvenu, At The Burrow, situé après la bataille, entonne un chant funèbre très émouvant mais dénué de tout pathos maladroit. Quant au début de The Will, il s’ouvre sur une splendide mélodie interprétée par un cor accompagné de notes de glockenspiel et reprise par des cordes passionnées, ensemble encore une fois très proche de Williams tant sur le plan thématique qu’instrumental et bouleversant d’émotion. Précisons en outre que toute cette portion du score est celle qui réemploie à plusieurs reprises, même de façon très fugace, le thème d’Hedwig, comme un adieu tant à la chouette qu’à Dumbledore, dont le héros doit une nouvelle fois faire son deuil suite à la lecture du testament.
Autre élément qui se veut un hommage au compositeur des trois premiers Harry Potter : les scènes d’action. Celles-ci représentaient indéniablement un challenge pour Alexandre Desplat qui, bien que s’étant déjà essayé à cet exercice dans des pastiches de James Bond (Une Chance sur Deux, Largo Winch) et des thrillers comme Nid de Guêpes, Hostage (Otage) et Firewall, n’a jamais semblé très à l’aise dans ce domaine. Ici, force est de reconnaître qu’il s’en sort plutôt bien (même si l’on aurait aimé qu’il en fasse davantage, mais là c’est le film de David Yates qu’il faut blâmer, dont les scènes d’action très brèves semblent souvent bâclées), et notamment grâce à son parti pris de livrer des séquences acérées, très véhémentes et aux frontières de la dissonance comme les apprécie le compositeur des Jurassic Park. Sky Battle, qui s’ouvre sur un sombre crescendo aboutissant à un superbe emballement de percussions et de cuivres triomphaux, est une excellente entrée en matière : envolées de cordes frénétiques, nombreux coups de cloches et de cymbales, attaques de cuivres belliqueux rappelant tantôt Williams tantôt l’Elliot Goldenthal de Sphere… Le tout est mené à un train d’enfer et remplit sa mission divertissante avec brio. La même recette est employée sur un mode encore une fois très percutant et agressif dans Fireplaces Escape, marqué par les mêmes chœurs et les mêmes sonorités synthétiques crispantes qui font penser à Minority Report ou encore à War Of The Worlds (La Guerre des Mondes), puis dans Bathilda Bagshot et Rescuing Hermione pour un résultat des plus efficaces. En revanche, dans Captured And Tortured, Desplat opte pour une approche plus minimaliste, faisant appel uniquement à un long déploiement de percussions martiales lorsque les personnages arrivent au sinistre manoir des Malfoy.
Le reste du score se divise de façon assez attendue entre les scènes élégiaques et les morceaux de suspense. Du côté de l’émotion, Alexandre Desplat a déjà prouvé son savoir-faire à maintes reprises et en donne de nouvelles preuves ici. Dans Harry And Ginny, il illustre la romance entre les deux adolescents de façon extrêmement sobre et pudique via une mélodie d’abord interprétée par un piano hésitant et rêveur (qui semble reprendre en partie le thème entendu au début de Polyjuice Potion), bientôt rejoint par une harpe et des violons soyeux procurant une douce sensation de calme entre deux tempêtes. Plus expansives, les scènes correspondant au départ et au retour de Ron, qui brise puis reconstruit le lien entre les trois héros (Ron Leaves, Ron’s Speech), font appel au thème principal qu’elles noient dans la mélancolie puis dans des élans passionnés très conventionnels mais efficaces. On reconnaît là plus que jamais le goût de Desplat pour les belles mélodies lyriques et les instrumentations classiques (on pense plusieurs fois à Gustav Mahler), qui feront dire aux mauvaises langues qu’il n’a vraiment rien inventé… Même constat à propos de Farewell To Dobby, qui s’appuie une fois de plus sur les bois et les cordes chers au compositeur pour susciter la tristesse mais qui parvient toujours à éviter avec tact les excès lacrymaux de mauvais aloi.
Du côté des pistes à suspense, on trouve sans doute des choses plus intéressantes car le compositeur parvient à osciller avec habileté entre différents registres et différentes émotions, parfois inattendus. Ainsi met-il tout d’abord l’accent sur l’aspect humoristique des personnages et des situations (Dobby), faisant appel à une mandoline et à des rythmes sautillants, avant de s’orienter vers davantage de tension en reprenant le thème principal avec en toile de fond des cordes nerveuses ponctuées de coups de triangle cristallins et rattrapées par des cuivres dramatiques. Le spectateur est donc à la fois amusé et captivé jusqu’au moment-clé où tout est réuni pour le tenir cloué à son fauteuil : la fameuse scène de l’infiltration du ministère de la magie en vue de récupérer le médaillon. Très réussie dans le livre, elle l’est aussi dans le film et compense un peu la déception liée à la première scène d’action, la bataille dans le ciel, beaucoup trop courte et édulcorée. Cordes très rythmées et véhémentes, batterie discrète, percussions en cadence, bois et cuivres grondants suivis d’un basculement dans le mystère : le bref morceau Ministry Of Magic est un vrai moment de bonheur, tout comme Detonators, qui débute sur un mode comique avec les sifflements de la flûte à bec et les pizzicati des violons, avant de déchaîner les timbales et de sombrer à nouveau dans des méandres ténébreux et inquiétants.
À partir de The Will et dans toutes les scènes où les héros cherchent à retracer l’histoire de Dumbledore, de Voldemort et de Harry, la plongée dans le passé se fait sur un mode lancinant et contemplatif, vecteur tantôt de tristesse tantôt d’angoisse. À la lecture du testament de Dumbledore, la musique fait entendre un thème étrange et mélancolique joué par le piano, associé au vieux sorcier et qu’on réentendra dans Detonators puis fort logiquement dans The Elder Wand ; alors, des violons vaporeux, une harpe et une flûte ensorcelantes puis des percussions résonnant comme des battements de cœur et des voix (synthétiques ?) éthérées se chargent de créer une atmosphère totalement hypnotique et surnaturelle, lourde de non-dits, évoquant à merveille le mystère entourant la vie de Dumbledore, dont finalement Harry ne savait rien. Ce morceau, l’un des meilleurs de l’album, mérite une attention particulière car dans le film on ne l’entend presque pas tant il est mis en sourdine face aux images. C’est d’ailleurs le cas, on l’a dit, de l’ensemble du score (et notamment de pistes comme Godric’s Hollow Graveyard et Hermione’s Parents), ce qui a amené bon nombre de spectateurs à conclure abusivement à l’insignifiance de la musique… Très prenant encore se révèle Exodus, introduit par des violons grinçants et presque effrayants puis entourant l’auditeur de nuées opaques et menaçantes à l’aide d’une clarinette basse et de cuivres sévères.
Le voyage dans le temps, et dans les souvenirs souvent douloureux, se poursuit dans Godric’s Hollow Graveyard, Bathilda Bagshot et le très envoûtant The Deathly Hallows. Dans le premier de ces morceaux, lorsque Harry trouve enfin l’occasion de se recueillir sur la tombe de ses parents, on oscille entre noirceur quasi fantastique (le mélange cordes et piano du début rappelle beaucoup certains passages de The Ninth Gate [La Neuvième Porte] de Wojciech Kilar) et nostalgie, à l’instar de la mise en scène très soignée et très esthétique de David Yates, qui réalise ici certaines de ses plus belles scènes. En réponse à des images semblant s’inspirer tantôt de l’école flamande des XVème-XVIIème siècles tantôt des clairs-obscurs des frères Le Nain ou rappelant bon nombre d’illustrations du Don Quichotte de Cervantès – toute la séquence du Conte des Trois Frères, magnifique -, la musique adopte à son tour des accents très Renaissance grâce à l’usage du luth et du théorbe (qu’il est souvent difficile de distinguer l’un de l’autre car leurs sonorités sont assez proches), dont les notes graves et râpeuses confèrent au résultat une solennité, presque une austérité, fort bienvenue. Et si dans Bathilda Bagshot, le mystère se mue carrément en terreur, annonçant la transformation de la vieille femme par l’emploi de cordes reptiliennes, d’un shakuhachi et de percussions dont les sonorités exotiques évoquent la jungle d’où est issu le serpent Nagini, dans Hermione’s Parents il débouche au contraire sur une fascinante berceuse pour cordes et voix féminines aériennes lorsque Harry s’apprête à découvrir l’épée de Gryffindor et disparaît dans de belles envolées cuivrées. Dissonances terribles associées à Voldemort et lyrisme enivrant dû à la magie positive dégagée par l’épée donnent alors lieu à un bref mais superbe affrontement dans Destroying The Locket.
Enfin, il nous paraît nécessaire avant de conclure d’évoquer le deuxième CD contenu dans l’édition collector. Le premier album étant déjà fort bien rempli et permettant d’apprécier pleinement l’ensemble du travail accompli par Desplat, les six pistes rassemblées sur le disque bonus ne sont pas d’un intérêt aussi essentiel, fort heureusement car ce coffret, qui contient également un DVD, un vinyle, un livret explicatif, un extrait de partition dédicacé et quantité d’autres babioles inutiles, est vendu à un prix prohibitif. Voici néanmoins ce que propose l’éditeur : Voldemort, sorte de long portrait d’un personnage ayant perdu toute humanité, glacé et angoissant, plein de cordes rampantes et de sonorités synthétiques glauques, intervenant durant la scène de réunion des Death Eaters au début du film et s’achevant sur un crescendo des plus tendus ; Grimmauld Place, à nouveau un morceau très sombre et atmosphérique correspondant au moment où les héros trouvent refuge dans l’ancien repaire de l’Ordre du Phénix, hanté par la présence du professeur Moody, comme le prouve la reprise des sonneries de cuivres du début de Sky Battle et du thème entendu dans At The Burrow lorsque les personnages déplorent la mort de l’Auror ; The Dumbledores, nouvelle variation sur le thème du défunt Directeur de Hogwarts apparu dans The Will ; The Tale Of The Three Brothers, qui accompagne la séquence animée à l’aide d’une chorale aux intonations irréelles et réemploie les instrumentations de The Deathly Hallows ; Bellatrix, où le tempérament explosif de la méchante cousine de Sirius Black se déploie lors de furieuses attaques de cuivres stridents, de cordes torturées et de percussions tonnantes, pour un résultat dynamique mais hélas trop court ; et enfin My Love Is Always Here, un beau morceau choral agréable et apaisé qui renoue à son tour avec l’esprit de Williams par son aspect cantique de Noël et permet d’achever en beauté le voyage cinématographique et sonore proposé par le compositeur, au terme d’une heure et demie de musique.
Dès la première partie de Harry Potter And The Deathly Hallows, Alexandre Desplat a donc livré un score des plus réussis, écrit et orchestré avec un grand talent, efficace dans le film mais surtout passionnant en écoute isolée, d’une richesse et d’une intelligence rares. Certes il n’a pas composé des thèmes aussi mémorables mais, n’en déplaise à ses détracteurs, il se pose ici en véritable successeur de John Williams tout en imposant avec conviction son style et sa personnalité. Que pouvait-on demander de plus ?