THE BOURNE ULTIMATUM (2007)
LA VENGEANCE DANS LA PEAU
Compositeur : John Powell
Durée : 55:01 | 10 pistes
Éditeur : Decca Records
La conclusion de la trilogie consacrée à Jason Bourne était attendue. Si l’identité civile du personnage joué par Matt Damon est une inconnue, son identité musicale a laissé son empreinte dans l’équation posée par les deux premiers volets et il est heureux que le travail de John Powell puisse enfin aboutir dans The Bourne Ultimatum et donner définitivement à l’ensemble de ses compositions pour ce triptyque cinématographique le titre de pierre angulaire de la musique d’action de ce début de siècle.
Dès Six Weeks Ago, les célèbres ostinati de cordes nous rappellent à leur bon souvenir, sonnant cette fois avec plus d’ampleur, d’autant qu’ils sont soutenus par des cuivres. Après un passage d’ambiance fait d’électronique, de percussions lointaines et clairsemées et de cordes variant de ton, résonne l’esquisse du thème au basson, brutalement interrompue par la reprise d’un ostinato de cordes agressif qui sonne comme le démarrage d’un gros moteur. Le morceau est un retour aux origines, un flashback à la fin duquel ressurgit l’agent Jason Bourne, telle une machine qui se remet en service. Les enjeux du personnage réapparaissent de manière évidente et l’action qui s’ensuit achève de replonger l’auditeur dans ses péripéties.
Tangiers met rapidement en place un rythme joué par des percussions locales et laisse s’exprimer les attaques très agressives de cordes aux sonorités arabisantes, pour une poursuite infernale dans la ville marocaine. Ces dernières développent un nouveau thème, savamment soutenues par les cuivres, gagnent en intensité puis reviennent vers l’ostinato que l’on connaît bien, alors que le folklore qui marque le début du morceau s’estompe pour laisser l’action s’occidentaliser. Powell reprend donc les éléments musicaux des films précédents, parvient à y insuffler du mouvement et à leur donner une toute nouvelle tessiture. Finalement, si l’on ressortait à genoux de Bim Bam Smash dans The Bourne Supremacy (La Mort dans la Peau), Tangiers ne nous épargne pas non plus !
C’est également dans l’émotion que se révèle ce troisième volet de la trilogie, notamment avec un Thinking Of Marie tout en finesse qui touche au cœur et souligne la grande solitude de Jason Bourne : personnage d’action, ce dernier vit des moments véritablement dramatiques, appuyés par des mouvements de cordes tristes et amples. On se rend compte que l’essentiel de la musique était auparavant commandé par l’instinct du personnage, jusqu’à ce que Faces Without Names replace l’auditeur dans l’émotion et mette en exergue les sentiments de cette machine à tuer. De manière inattendue, le thème de l’absence d’identité habituellement joué au basson est ici interprété par les cordes, avec un ton tragique complètement assumé.
L’album propose deux morceaux qui, même s’ils ne versent jamais dans l’action pure et dure, comptent parmi les plus longs du disque et s’avèrent tout à fait passionnants. Assets And Targets dépeint brillamment une mise en place teintée de suspense grâce à une narration portée par des cordes agiles et à une progression dramatique bien pensée. Waterloo n’entre pas non plus dans le répertoire tonitruant, mais il épate par sa virtuosité et ses mouvements perpétuels. Dans sa dernière partie, l’apparition des cuivres apporte un souffle assez méconnu jusque-là dans la franchise et réinjecte un sang neuf aux mouvements de cordes.
Coming Home sonnera pour Jason Bourne comme un retour douloureux. Guetté par la désillusion, l’homme n’a d’autre choix que d’aller de l’avant et c’est encore la tragédie exprimée par les cordes qui l’attend à l’arrivée. Jason Reborn cultive également une certaine tristesse en reprenant le thème de Thinking Of Marie d’une manière aussi délicate, avant de passer une dernière fois à l’action. À ce moment, les cordes restent lyriques, même si elles trouvent le soutien des percussions en arrière-plan, puis débouchent de nouveau sur le thème de Coming Home. Enfin, le thème au basson émerge dans les dernières secondes pour mourir doucement et clore le récit…
On s’aperçoit que globalement, les cordes se placent à l’avant-plan et s’expriment dans une veine plus classique que dans les deux volets précédents. L’écriture est donc plus traditionnelle, y compris dans les passages d’action où la présence des percussions est moins marquée et le dosage électronique s’avère parcimonieux. De plus, alors que la vivacité des violons reste prégnante, la gravité des violoncelles et des contrebasses apporte une signification supplémentaire à l’action, tandis qu’un poids supplémentaire est fourni par des cuivres certes sporadiques mais efficaces. Bref, le score s’avère plus acoustique, le but étant sans doute de donner plus d’humanité au personnage principal à la fin de ses aventures. C’est en cela que The Bourne Ultimatum se pose comme une véritable fin qui fonctionne autant dans la continuité que dans l’innovation, pour en somme réactualiser son discours et y mettre un terme avec brio. Si la suprématie de John Powell est un épisode explosif, sa vengeance est d’une richesse qui l’amène au rang de chef-d’œuvre.