IRON MAN 2 (2010)
IRON MAN 2
Compositeur : John Debney
Durée : 72:26 | 25 pistes
Éditeur : Sony Classical / Columbi
Pour ce second opus à nouveau réalisé par Jon Favreau, le mal semble réparé puisque cette fois, c’est bel et bien le compositeur John Debney qui prend les commandes. Ce changement suffit à indiquer que Ramin Djawadi ne devait certainement pas être le premier choix du réalisateur et que le succès au box-office du film précédent lui a enfin permis d’imposer ses vues en faisant revenir l’auteur des scores d’Elf et de Zathura. Ceux qui attendaient pour Iron Man 2 un score de super-héros plus traditionnel avec grand orchestre et mélodies mémorables vont donc sans doute être satisfaits : en effet, depuis Cutthroat Island (L’Île aux Pirates), Debney affirme régulièrement sa prédilection pour le genre épique, comme l’a encore prouvé il y a trois ans la fastueuse musique du jeu vidéo Lair. En 2010, le voici de retour avec rien moins qu’Iron Man 2, Predators et Machete : que du lourd ! En effet, loin de faire dans la finesse, le compositeur persiste et signe dans la grosse cavalerie et c’est exactement ce qu’on attendait pour le film, par ailleurs sponsorisé par le groupe AC/DC qui prête au héros quantité de ses chansons et a droit à un album rien que pour lui.
Ravi de se mettre à la page (de toute façon il est toujours ravi de ce qu’on lui demande et en outre, dit-il, il est fan d’AC/DC !), Debney ne bannit pas totalement l’approche exigée pour le premier film et allie à l’orchestre symphonique traditionnel les instrumentations rock de rigueur. Tout comme dans The Scorpion King (Le Roi Scorpion), on voit donc arriver la guitare électrique, la batterie et les synthétiseurs. En résulte une nouvelle fois un son très fun cependant affligé des défauts inhérents à cette approche : un aspect un peu trop artificiel amenant le travail du compositeur à être comparé à son détriment aux chansons d’AC/DC, mais surtout un manque flagrant de personnalité et d’originalité. Des titres comme Rhodey Dons Suit, Gun Show ou encore les deux Sledgehammer sont fort bien rythmés et agréables à écouter, mais également très passe-partout et peu mémorables.
Si dans le registre symphonique, John Debney bat Ramin Djawadi à plate couture et s’avère à même de satisfaire les béophiles, force est de reconnaître que dans le registre du rock il ne s’éloigne guère de son fade prédécesseur et que bon nombre de passages d’Iron Man 2 proposent un son très proche de celui des productions Remote Control. Croyant avoir trouvé la formule-miracle pour accrocher un public amateur de grosses machines et ratisser le plus large possible, il en a oublié à son tour de soigner ce qui aurait dû être l’un des fondements de sa partition : les thèmes. Au moins un, sinon plusieurs thème(s) marquant(s), dans un film de super-héros, c’est quand même le minimum exigible et il est très surprenant que le compositeur (à la demande du réalisateur ?) ne se soit pas davantage focalisé sur cet aspect. On a certes l’enveloppe, l’armure du score, autrement dit les orchestrations, qui font souvent l’essentiel chez Debney, mais l’on n’a point le cœur, à savoir les mélodies. La musique souffre des mêmes défauts que le film : c’est trop long et trop touffu tout en passant à côté de ce qui est vraiment important, c’est passablement ennuyeux malgré de bons moments et au bout du compte superficiel. Pourtant, il y avait de la matière, avec des enjeux potentiellement plus développés et des personnages plus charismatiques que dans le premier opus.
Le comble, c’est que John Debney en a écrit, des thèmes, mais il ne les utilise presque pas ! Celui du héros en armure, lumineux et triomphal à souhait, interprété par un grand orchestre dans lequel brillent des violons lyriques, des cuivres et des chœurs pompeux, une guitare électrique racoleuse, des percussions et des cloches tonitruantes, convient tout à fait au personnage et aurait vraiment pu faire décoller le score. Mais ce thème n’apparaît en tout et pour tout que deux minutes trente, à la fin de Mayhem In Monaco et dans le trop bref I Am Iron Man… Le thème associé au méchant Ivan, tout aussi satisfaisant que celui du héros, est le seul à être correctement représenté via plusieurs variations, d’abord dans Ivan’s Metamorphosis puis dans Ivan Creates Drones, Mayhem In Monaco, Ivan Escapes, New RT et Ivan’s Demise. Si tous les motifs avaient été développés au même titre que celui-ci, la partition y aurait trouvé une véritable structure et une puissance bien supérieure. Au lieu de ça, l’album édité par Sony, fort long mais très inégalement réparti (soixante-douze minutes pour vingt-cinq pistes dont six vont de cinq à huit minutes), aligne quantité de morceaux d’action fonctionnels bien que sympathiques (House Fight V1), de courtes pauses assez neutres (Making Pepper CEO) ou de longs moments atmosphériques à l’émerveillement un peu surfait (Tony Discovers Dad’s Secret), sans parler des petites curiosités allant du pastiche de comédie musicale ou de publicité façon années 50 (les deux versions de Make Way For Tomorrow) au clin d’œil à David Arnold et à ses James Bond (Monaco Drive).
Au sein d’une composition globalement efficace mais qui dépasse rarement le stade de l’anecdotique, trois séquences méritent tout de même d’être retenues. Tout d’abord, Ivan’s Metamorphosis, qui constitue une excellente entrée en matière : après un début sombre et mystérieux le thème d’Ivan fait son apparition, reposant sur des chœurs funèbres façon Armée Rouge (pour un Russe, forcément, on n’évite pas les clichés !), des cordes en boucles obsessionnelles et des sonorités synthétiques évoquant déjà les crépitements électriques des redoutables fouets que le bonhomme est en train de fabriquer. Le morceau se poursuit sur une partie centrale mélancolique illustrant parfaitement tous les regrets du personnage liés à la déchéance de son père, à la gloire passée de la grande Russie et à son désir de revanche, puis entame un long crescendo de plus en plus solennel et menaçant dans lequel les cuivres, la guitare électrique et les percussions s’en donnent à cœur joie, avant de noyer le tout dans une grandiose et rageuse dissonance qui rappelle les travaux de Christopher Young et notamment Spider-Man 3.
La seconde de ces séquences, Mayhem In Monaco, est l’époustouflant morceau d’action et de bravoure qui accompagne la course de voitures donnant l’occasion à Tony Stark de prouver qu’il est encore le héros du jour : virtuose alternance de parties symphoniques trépidantes et de passages rock bien massifs, à la fois ténébreux et épique, ce titre est sans doute celui qui parvient le mieux à unir les deux approches instrumentales choisies par le compositeur. Il s’achève glorieusement sur l’apparition triomphale du thème d’Iron Man.
Enfin, la confrontation finale, depuis New RT / To The Expo jusqu’à Ivan’s Demise / The Kiss, bénéficie à son tour d’un traitement musical très honorable qui prouve que Debney n’a pas perdu la main en matière de musique qui déménage ! Conçus sous forme de montagnes russes blindées de percussions tonnantes et de cuivres rugissants qui relancent constamment la tension et l’action de façon ultra-percutante, Black Widow Kicks Ass et surtout le furieux et martial Iron Man Battles The Drones contiennent des flambées d’héroïsme de toute beauté dans lesquelles le mélange orchestrations rock/chœurs apocalyptiques fait merveille. Ces quelques moments justifient à eux seuls l’acquisition de l’album, à condition de pardonner au yes-man John Debney d’avoir raté l’occasion de livrer le grand score de super-héros qu’on espérait…