Brian Tyler : de l’ombre à la lumière
Interviews • Publié le 29/01/2009 par

Parlez-nous maintenant de votre partition pour Darkness Falls. Avez-vous joué avec vos propres peurs ?

Oui, je fais souvent le même cauchemar avec des tas de portes et à chaque fois, je repense à Frailty et j’entends l’orchestre gronder (rires). En fait, l’histoire en elle-même est assez effrayante. J’ai vraiment eu peur la première fois que je l’ai vu, alors ça m’a été facile de composer une musique qui reflète mes réactions à la vue du film. La partition aide peut-être certains éléments du film de Jonathan Liebesman à se lier entre eux. Il est fréquent que la musique induise plus de choses que le scénario. Quand le spectateur s’assied dans son fauteuil, que la partition commence, elle raconte sa propre histoire avant même la fin de la première scène. Elle peut, ou pas, exprimer une certaine tension. Jonathan s’est rendu compte que la musique pouvait augmenter la tension inhérente au film.

 

L’album s’achève avec les sept minutes du formidable morceau du générique de fin…

Et ne croyez pas la rumeur lancée par certaines personnes sur le net qui a prétendu que le End Credits» ne figurait pas de le film. Il s’y trouve bel et bien. Les sept minutes et demi couvrent bien le générique de fin ! Je pense que ce qui a induit ces personnes en erreur, c’est qu’avant que ne commence mon morceau, on entend une chanson. Et si on quitte la salle trop tôt, on n’entend qu’elle (rires). Je l’ai enregistré en une seule prise, alors j’aurais été déçu de ne pas voir figurer ce morceau dans le film. Il y a de nombreux morceaux assez longs dans ce film et ils étaient difficiles à interpréter. Les musiciens de la section des cors m’ont particulièrement détesté pendant l’enregistrement mais ils étaient très endurants (rires). J’ai vraiment pris beaucoup de plaisir lors de ses sessions d’enregistrement. Jonathan Liebesman est venu d’Afrique de Sud où il vit afin d’y assister. Je pense vraiment qu’il a l’étoffe d’un grand réalisateur et qu’il aura une longue carrière. C’était génial de le voir à l’œuvre. Et il est si intuitif avec la musique. Nous avons vraiment passé du bon temps ensemble. Les sessions d’enregistrement ont été probablement les meilleures que j’ai jamais connues.

 

 

Vous avez également mis en musique The Hunted, de William Friedkin. Quelle a été votre approche pour cette musique ?

L’histoire présente deux personnages très différents. L’orchestre joue davantage pour le personnage de Benicio Del Toro : la musique est alors atonale et dissonante. Pour le personnage de Tommy Lee Jones, la structure musicale est plus développée, avec plus de cadence et de rythme. Vers la fin du film, les deux personnages se percutent, les deux approches musicales aussi. J’ai mélangé les deux musiques pour qu’elles soient jouées en même temps. Les éléments modernes de la musique électronique sont un aspect de la perception faussée du monde qu’a Benicio Del Toro dans le film. Son esprit est malade d’avoir vu trop d’horreurs.

 

Pourquoi avoir choisi d’enchaîner de nombreuses plages pour l’album ?

Les pistes s’enchaînent les unes aux autres tout simplement parce que je n’arrivais pas à présenter la partition comme je le voulais. Je voulais en montrer un maximum d’aspects dans le nombre de minutes imparti. Et pour gagner du temps, c’était un bon moyen ! J’ai dû abandonner des passages entiers de la partition. Les morceaux sur l’album sont assez courts alors que dans le film ils sont plus longs. C’est vraiment dommage. D’un autre côté, cet album a le mérite d’exister, surtout que le premier morceau, Assymetric Rhythms, s’y retrouve en intégralité. C’était un morceau très difficile à interpréter et il s’est présenté comme un véritable défi aux musiciens de l’orchestre.

 

Pourquoi l’album est-il aussi court ?

En fait, la partition compte 67 minutes. A cause des taxes de réutilisation imposées par le syndicat de musiciens américain, l’AFM, on n’est autorisé à réutiliser que 31 minutes de la partition pour le disque. Et pour chaque minute supplémentaire, le syndicat fait payer de quoi produire deux albums (rires). Au delà de 31 minutes, le label doit payer le double du tarif. C’est donc très coûteux. Et toutes les partitions pour le cinéma enregistrées à Los Angeles sont concernées. Cela provoque des difficultés pour les labels, car il faut mobiliser beaucoup d’argent. Ils pourraient produire deux albums enregistrés hors de la zone AFM pour le prix d’un seul sous bannière AFM. J’ai donc dû opérer des choix très difficiles. A titre de comparaison, Children Of Dune a été enregistré à Prague. Et nous avons mis autant de musique sur le disque qu’il est techniquement possible d’en mettre (rires). Et encore, la totalité de la partition fait dans les trois heures !

 

 

Olivier Soude
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