FAYZA AHMED : la Diva (1934-1983)
Grandissant au sein d’une famille mélomane, d’un père syrien et d’une mère libanaise, la carrière au cinéma de Fayza Ahmed sera assez brève. Elle ne jouera que dans six productions, de 1957 à 1963. Parmi les rares disques de ses chansons de films disponibles, on peut mentionner la compilation Best Songs, qui comprend trois extraits de Fleur de Henné (Tamr Henna -1957). Cette romance musicale, réalisé par l’égyptien Hussein Fawzi, reste très connue encore aujourd’hui pour sa chanson festive Yamah al Kamar al Bab, interprétée par Fayza, et sur laquelle Naima Akef a accompli l’une des performances qui la sacrent parmi les plus grandes de la danse orientale. Ce titre énergique, composé par Mohamed al Mougi, débute par un solo de naï et accompagne dans le film les déhanchements de Naima au son d’énergiques « ya’mma » scandés par un chœur enthousiaste. Sur le CD, on retrouve d’autres titres tirés du film, comme le sombre Albi Alaik ya Khaye, où le timbre profond et rugueux de Fayza fait merveille.
Parmi ses autres longs métrages, on retiendra également son duo musical avec le chanteur-vedette Mohamed Fawzi à la fin du film Leila, la Fille de la Plage (Layla, Bint al Shati – 1959), la chanson Hamal al Asia composée par Mohamed Abdelwahab dans Attrapez le Voleur (Imski Harami – 1958) de Fatin Abdelwahab, ainsi que Ya Halawtak Ya Gamalak, (Ô Douceur, Ô Beauté) composée par Farid al Atrache pour le film comique Le Millionaire Pauvre (Al Millionaire al Faqir – 1959) d’Hassan al Seifi.
Mais ce que l’on peut retenir dans la filmographie de Fayza Ahmed, c’est surtout sa touchante interprétation dans le mélodrame musical Moi et mes Filles (Ana wa Banati -1961) d’Hussein Helmi Elmohandès. Ce film émouvant, assez rare à visionner, brosse le portrait de quatre filles pauvres livrées à elles-mêmes suite à l’hospitalisation de leur père. Fayza Ahmed, qui tient le rôle de l’aînée, tente de trouver des moyens de survivre, en voulant faire carrière dans la chanson. Elle interprète au cours du film quatre superbes mélodies composées par Mohamed al Mougui qui définissent parfaitement bien les sentiments des jeunes filles et la violence des épreuves qu’elles traversent. Parmi les sœurs de Fayza, on remarquera le charme ténébreux de la toute jeune Nahed Sherif, qui tente elle aussi de gagner sa vie, mais par des moyens un peu moins honorables. La bande-son composée par Ibrahim Haggag est quand à elle parfaitement insignifiante. L’impact dramatique du film se cristallise dans la séquence finale avec le pathétique Taalali Yaba, qui préfigure le destin tragique de Nahed Sherif.
Mohamed al Mougui (1923-1995) a écrit plusieurs titres pour Fayza Ahmed, en particulier le célèbre Ana Albi ilik Mayal (Mon Cœur est pour Toi). Né en Égypte, c’est une figure très importante de la musique arabe, qui a eu une longue carrière comme compositeur de chansons. Au cinéma, il travaille beaucoup pour la star Abdel Halim Hafez mais aussi pour la libanaise Sabah sur La Jeunesse et la Beauté (Assiba wal Jamal – 1965), ou encore Chadia avec Le Passage des Miracles (Zoukak al Midak – 1963) (le très mambo No Johnny).
La musique d’Al Mougui comprend des orchestrations originales et audacieuses, tout en s’inscrivant parfaitement dans l’héritage modal arabe. L’une de ses compositions les plus remarquables est le fascinant Kamel el Awsaf écrit par le poète Magdi Naguib. Véritable joyau de la musique arabe, cette longue chanson de quinze minutes écrite pour chœurs, oud et orchestre de chambre a était notamment interprétée par Abdel Halim Hafez. En 1968, la comédienne Chewikar en fait également une interprétation très personnelle dans le film comique L’Homme le plus Courageux du Monde (Ashgaa Ragel fil Alam) d’Hassan al Seifi. Mohamed al Mougui a composé près de 80 musiques de films et a même fait l’acteur dans l’obscur Le Voyage de l’Amour (1957) au côté de Shoukri Sarhane. Il fait également une apparition dans son propre rôle de chanteur dans le film Moi et mon Cœur (Ana wa Qalbi – 1957) de Mahmoud Zoulfikar.
Parmi ses compositions les plus célèbres pour l’image, on peut retenir l’excellente chanson, Hawen Ya Mehawen interprété par Mohamed Kandil, sur laquelle se déhanche la flamboyante Hind Rostom, dans Lutte sur le Nil (Sira fi i Nil -1959). C’est lui aussi qui signe le thème musical enlevé d’Amour et Câlins (Hobb wa Dalaa – 1959) sur lequel se déchaînent la sensuelle Nemat Mokhtar et le comique Mahmoud Choukoukou. Autre film musical intéressant,Je t’aime Hassan (Ahibbak ya Hasan – 1958) qui comprend d’excellentes mélodies interprétées par Horia Hassan et la danseuse Naima Akef, pourtant peu habituée à pousser la chansonnette à l’écran. On retiendra notamment le sublime, Je vous aime, Ô Gary, souvent repris dans des émissions de variétés, comme The Voice, ou par la chanteuse Yasmin Ali. D’autres superbes compositions d’Al Mougui sont également mentionnées tout au long de ce dossier.