ASMAHAN : l’Étoile du Nil (1918-1944)
Asmahan est née en Syrie dans le clan respectable des Al Atrache en 1912 ou 18 (comme pour son frère, son année de naissance est sujet à controverse). Sœur du célèbre chanteur-compositeur Farid al Atrache, sa voix est à peu près la seule à pouvoir être comparée à celle d’Oum Kalthoum. Les occidentaux ont vu en elle le charme de l’orient, les musulmans une femme trop occidentalisée. Ses yeux légendaires et sa voix envoûtante, entre contralto et soprano, émotion et décontraction, vont lui ouvrir les portes du cinéma.
En 1941, elle va tourner un premier film, supervisé par son frère avec Victoire de la Jeunesse (Intisar el Chabab) du réalisateur Ahmed Badrakhan. C’est un véritable succès qui créera le culte d’Asmahan auprès du public. L’histoire, inspirée du Barbier de Séville de Rossini, est taillée sur mesure pour le couple légendaire. Elle relate l’histoire de deux jeunes amoureux (Farid et Asmahan) qui voient leur idylle contrariée par un riche marchand, bien désireux de prendre pour épouse la belle chanteuse. Ce personnage féminin d’Asmahan, angélique et déterminé, va très vite s’imposer dans les esprits comme une figure moderne de l’Égypte contemporaine, par contraste avec Oum Kalthoum, qui a si souvent personnifié de jeunes esclaves dans des films historiques.
Composée par Farid al Atrache, la musique de ce film est disponible dans la collection des archives de la musique arabe sous le titre Asmahan Volume II. C’est un classique historique, même si le style lyrique de Farid n’est pas encore arrivé à sa pleine maturité. On retiendra tout particulièrement le très Kalthoumien Elward, qui illustre l’une des plus belles scènes de danse du film, ainsi que le thème principal, ample et lyrique, interprété par Farid et Asmahan dans l’opérette qui clôt le film.
En 1944, pour sa sœur Asmahan, Farid al Atrache va composer la plupart des chansons du film Amour et Vengeance (Gharam oua Intikam) où figure l’étonnant Layali el Ounsi fi Vienna (Les Belles Nuits de Vienne), qui mélange valse viennoise et musique traditionnelle arabe. La complainte Ayouha el Naem (Ô Dormeur), composée par Riad al Sombati et la chanson de Mohamed el Kassabgi, Emta Hataraf (Où es-tu ?) seront également parmi les morceaux les plus célèbres d’Asmahan, qui incarne dans ce film une star de la chanson.
Mais au cours du tournage de ce film, en 1944, à seulement 27 ans, la mort viendra la faucher dans un mystérieux accident de voiture, provoqué dit-on par la guerre des services secrets qui sévissait au Caire durant la seconde guerre mondiale. On soupçonna même Oum Kalthoum, d’avoir était l’instigatrice de l’accident de sa prétendue rivale, même si en définitive, il peut s’agir tout aussi bien d’un simple et banal accident de la route. Le réalisateur Youssef Wahbi lui rendra hommage en faisant mourir l’héroïne à la fin du film de la même manière que l’actrice dans la réalité.
