THE FORMULA (1980)
LA FORMULE
Compositeur : Bill Conti
Durée : 25:34 | 11 pistes
Éditeur : Varèse Sarabande
Bill Conti est un musicien attachant. De formation classique mais tôt attiré par le jazz et la variété, il sait écrire une musique qui «sonne», en louvoyant de manière plaisante entre les genres. Si son langage est peu original, ses compositions témoignent néanmoins d’un métier très sûr et d’une suavité mélodique caractéristique. The Formula (La Formule) appartient à une période où Conti occupait le devant de la scène, porté par le succès des premiers Rocky. En 1980, après F.I.S.T. et avant Gloria, elle montre les qualités de Conti dans un style plus «sérieux», plus soutenu que celui de ses grands tubes. Le compositeur y retrouvait son réalisateur de prédilection, John G. Avildsen. Mais malgré la présence de poids lourds comme Georges C. Scott et Marlon Brando, ce thriller où il est question d’une formule secrète élaborée par les nazis pour fabriquer du carburant artificiel n’a pas rencontré un grand succès. Sorti en vinyle à l’époque du film par un tout jeune label nommé Varèse Sarabande, The Formula nous revient aujourd’hui en CD à l’identique (et avec la même jaquette).
Délaissant donc le mélange de pop et de variété symphonique qui a fait sa gloire, le musicien livre une partition sombre, souvent chambriste et à l’écriture inhabituellement dissonante, frôlant parfois l’atonalité, peut-être la plus moderne de toute sa production. On ne retrouve pas non plus ici l’orchestre massif de F.I.S.T. ou de Masters Of The Universe (Les Maîtres de l’Univers). L’écriture est souvent fragmentée, intimiste, parfois presque pointilliste, sans longues lignes mélodiques, et l’orchestre est utilisé par touches. Conti réserve ses élans généreux aux Main Title et End Title, seuls moments d’effusion dans une partition contenue et plutôt sobre.
Le très beau Main Title est la pièce de résistance du disque pour ce qui est du déploiement orchestral et de l’impact sonore : une rumeur sourde des cordes graves amène à un passage cadentiel tendu qui débouche sur un motif de clavecin et cymbalum, puis au thème lui-même, exposé aux violons et accompagné d’un motif de sonnerie épique aux cors qui reviendra à plusieurs reprises par la suite. Avec sa rythmique puissamment marquée et ses accents tragiques, ce thème – le seul de toute la partition – est de ceux qu’on n’oublie pas. Son côté accrocheur (catchy dirait-on en anglais) est d’ailleurs typique de Conti.
L’essentiel du matériau qui sera repris et développé dans le reste de la partition est là. Au fil des plages, le compositeur reprend ces différents éléments et entretient un climat de mystère et de malaise sans effet bruyants ou tape-à-l’œil, par le biais d’une écriture fine et parfaitement maîtrisée. Obermann et The End Of Obermann sont peut-être les pièces les plus intéressantes, instillant avec beaucoup d’économie un sentiment d’angoisse tout en conservant une sorte de lyrisme fragile.
Plus miniaturiste qu’à l’accoutumée, le compositeur fait ici une large place aux instruments solo : clavecin, cymbalum (instrument incontournable des intrigues d’espionnage se déroulant en Europe), bois, harpe, piano, petites percussions. Lisa And Barney, cantilène délicate où la mélodie principale est reprise au violon solo, constitue le «thème d’amour» de la partition. Quand au End Title, il reprend lui aussi le thème principal, sur des schémas certes assez prévisibles, mais avec un bel élan. On retiendra surtout de The Formula, outre les qualités habituelles de la musique de Conti, une séduction mélodique, une fluidité et des passages plus modernes qui nous montrent une facette beaucoup plus rare de son talent.
Enregistrée à Rome sous la baguette experte de Carlo Savina (plus souvent associé à Nino Rota), la partition est interprétée par un Italian Studio Orchestra probablement composé de musiciens de l’Academia di Santa Cecilia, rompus depuis longtemps à cet exercice. Sans posséder le lissé des grandes formations londoniennes, les musiciens italiens ne déméritent pas. Le disque étant de très courte durée (25 minutes), on s’étonnerait presque que l’éditeur n’ai pas jugé utile de coupler cette musique avec une autre, s’il ne s’agissait de Varèse Sarabande.