Batman: The Animated Series (Shirley Walker) (2/5)

Mes meilleurs ennemis

Disques • Publié le 31/01/2014 par , et

Batman: The Animated Series BATMAN: THE ANIMATED SERIES (1992 – 1995)
BATMAN
Compositeur :
Shirley Walker
Éditeur : La-La Land Records

 

 

5 out of 5 stars

Alfred Hitchcock, jamais avare de formules pichenettes servies toutes prêtes pour faire de beaux chapeaux aux interviewers peu inspirés, est l’auteur d’une petite phrase devenue un des aphorismes les plus connus du savoir-faire cinématographique : «Meilleur est le méchant, meilleur est le film.» Adage tout aussi vrai en ce qui concerne les super héros. Ils ne valent, au fond, que ce que valent leurs ennemis. Et Batman, n’importe quel connaisseur vous le dira, a les meilleurs. Puisant leur inspiration dans le sources populaires les plus hétéroclites, les scénaristes successifs du comic book finirent par créer une galerie de personnages fascinants, adaptant les archétypes les plus fascinants et les plus marquants du mal au pays de Bruce Wayne, aboutissant à une mythologie propre que les créateurs du cartoon télévisé, à quelques exceptions près, parviendront à magnifier.

 

Attardons-nous sur trois des plus célèbres vilains croisant régulièrement la route du Caped Crusader dans le show de Bruce Timm et Paul Dini : le Joker, Double-Face et un Pingouin très inspiré de la toute récente interprétation, au moment de la diffusion, donnée dans le Batman Returns de Tim Burton.

 


Christmas With The Joker

CHRISTMAS WITH THE JOKER (Joyeux Noël Batman) – Épisode 02 – LLL Vol. 1

 

L’épisode de Noël est une véritable tradition pour bien des séries outre-Atlantique et outre-Manche. BTAS ne déroge pas à la règle et emballe une petite perle grinçante qui célèbre selon les convenances l’imagerie traditionnelle et les bons sentiments qui vont avec, mais n’hésite pas au passage à appuyer là où ça fait mal. Et qui d’autre le fait mieux que le Joker ? Tout juste évadé de l’asile d’Arkham (pour fuir le repas de fêtes ?), le maniaque entreprend de kidnapper des proches de Batman pour les faire participer à un divertissement télévisé «spécial fête» dont le feu d’artifice final inclus la carbonisation totale de la «petite famille» rassemblée pour l’occasion.

 

Au diapason du scénario, les musiciens entreprennent eux aussi un détournement en règle des classiques de la musique de Noël : Jingle Bells (what else?) qui ouvre l’épisode tout en clochettes – des tintements qui vont ponctuer régulièrement la partition de cette épisode. Puis le Casse-Noisettes de Tchaïkovski, qui est bien l’occasion d’un ballet, mais meurtrier puisqu’il illustre le vol d’avions assassins aux prises avec le Chevalier Noir. Ensuite, une reprise à la Glenn Miller du thème du Joker, servant d’indicatif à son émission TV, est aussi au programme. Ne manque qu’une version crooner de White Christmas ou Santa Is Coming To Town interprétée par le clown…

 

Du tout classique pour l’action aussi, Shirley Walker s’appuyant sur ceux, alors en devenir, de la série : des cavalcades rythmées par des allers-retours sur le clavier du piano, des montées rapides ponctuées de cymbales et couronnées de coups de trompettes. Il faut dire que Joker aura donné du fil à retordre à son meilleur ennemi et l’aura envoyé cavaler aux quatre coins de Gotham. Mais pour un soir de réveillon, son «batounet» méritait bien qu’il se décarcasse un peu. Joyeux Noël Batman.

 

La magie de Noël selon le JokerUn petit spectacle de réveillon ?L'heure des cadeaux !

 


Two-FaceTWO-FACE (Double Jeu) – Épisodes 10 & 11 – LLL Vol. 1

 

Il est la lumière et l’obscurité piégées dans un même corps, la justice et le chaos s’entredéchirant sans trêve, la somme de toutes les contradictions humaines qu’un terrible destin l’a condamné à porter littéralement dans sa chair. Two-Face, pourtant, n’aurait pu que grossir le cercle des prétendants au titre de Méchant de la Semaine, arguant de son visage hideux et de ses goûts vestimentaires pour le moins tranchés. Mais il n’y a qu’à prêter l’oreille au thème hypnotique de Shirley Walker, sans doute l’un des plus riches qu’elle ait écrits, pour comprendre que le manichéisme n’est pas à l’ordre du jour. Après avoir rapidement réduit au silence une poignée d’accords lumineux, tentative avortée d’ennoblir l’incorruptible procureur Harvey Dent, les sifflements sinistres de la flûte de pan entreprennent de contaminer jusqu’aux moindres replis de la partition.

 

Ce blitzkrieg ténébreux ne s’opérera pas sans heurt. Walker, qui triture et module son leitmotiv avec une verve ayant quelque chose de morriconien, parvient à débusquer chacun des états d’âme de Two-Face, aussi profondément enfouis soient-ils. Une harpe mystérieuse, les gargouillis du contrebasson, le bref écho d’un triangle, la compositrice n’a besoin que de peu pour esquisser le cauchemar d’un homme écartelé entre deux identités ennemies. Des cordes touchantes prennent la place de la flûte sournoise dans Two-Face Remembers, et c’est alors que nous appréhendons le chagrin dévorant celui qui n’a pu renoncer à un amour désormais hors de sa portée.

 

Et Batman dans tout ça ? Pour un peu, le présent diptyque le réduirait au rang de figurant, tout juste bon à faire le coup de poing lors d’explosions cuivrées typiques de la série. La culpabilité ancrée en lui, qui le ronge comme un acide, engendre toutefois le funeste Bruce Wayne’s Nightmare, dont l’emphase dramatique suffit seule à cristalliser la sombre maturité de Two-Face. Et c’est au Dark Knight lui-même, hôte perpétuel de la nuit noire, qu’il revient in fine d’affirmer grâce à quelques friselis de cordes sa foi en de meilleurs lendemains. Car là où il y a de l’amour…

 

Futur ex-Harvey DentTwo-Face est néTwo-Face dans sa double splendeur

 


Birds Of A FeatherBIRDS OF A FEATHER (Monsieur Pingouin) – Épisode 47 – LLL Vol. 1

 

A l’instar du Sieur Cobblepot émergeant fièrement de ses égouts natifs dans Batman Returns (Batman le Défi), le Pingouin de Birds Of A Feather a des velléités de gloriole et de mondanités. C’est qu’il est sympa Oswald ! Et esthète de surcroît : en témoignent les cordes et flûtes guillerettes qui l’accompagnent dans sa «visite» d’un musée dont il apprécie particulièrement les peintures. Une légèreté qui laisse place aux cuivres quand le drôle d’oiseau fait parler sa mitraillette face à un redresseur de torts inopportun. Mais le thème du Pingouin a beau se faire pesant, Batman l’expédie dare-dare en prison.

 

Le leitmotiv revient dans That Fine Roman Nose / Penguin Vs. Muggers, solennel, comme pour accueillir le Pingouin dans la haute société à la suite d’un plan drague on ne peut plus intéressé de la part d’une aristocrate en mal de visibilité. Mais bien que cette Veronica Vreeland ait été secourue par le criminel notoire, elle et son mari ont bien l’intention de donner un dîner de cons où le Pingouin sera le dindon de la farce. Epris d’amour, il n’en est que plus en colère quand il découvre le pot aux roses : sans hésitation, la bête enlève la belle salope et son thème, soutenu par des cordes virevoltantes, se fait véloce et triomphant. Ce dernier trouve son point d’orgue dans Penguin’s Opera / High Society où le Pingouin prend des airs valkyriens. Mais grandiloquence et décadence, le leitmotiv est stoppé net lorsque le palmipède se prend les pieds dans le tapis et une réminiscence flûtée souligne la morale qui conclut le convolage raté : finalement, le Pingouin fût victime de la haute société.

 

L'esthète au travailEn matière de drague, le Pingouin n'est pas manchotLe Pingouin convole en noces volées

Sébastien Faelens