After Earth (James Newton Howard)

Le chasseur du futur

Disques • Publié le 01/07/2013 par

After EarthAFTER EARTH (2013)
AFTER EARTH
Compositeur :
James Newton Howard
Durée : 57:23 | 28 pistes
Éditeur : Sony

 

3 out of 5 stars

S’enthousiasmer pour le parcours de James Newton Howard ces trois dernières années n’a pas été chose évidente. Ce ne sont pourtant pas les projets a priori excitants qui ont manqué mais ceux-ci, gâtés par des traitements souvent indigents, n’ont suscité de la part du compositeur qu’au mieux des contributions sensiblement bancales (Snow White And The Huntsman), la plupart s’avérant terriblement génériques (The Hunger Games, The Bourne Legacy, Gnomeo & Juliet, Larry Crowne, Salt, The Tourist…) quand elles ne furent pas de franches et… vertes déconvenues (Green Lantern, Green Hornet). Il s’en fallut même d’un cheveu, en l’occurrence la très belle partition pour Water for Elephants (De l’Eau pour les Eléphants), pour considérer que le bonhomme n’était plus que l’ombre de lui-même depuis sa précédente collaboration avec M. Night Shyamalan, The Last Airbender (Le Dernier Maître de l’Air) en 2010. Alors bien entendu, la perspective que s’inscrive une nouvelle ligne au curriculum vitae commun aux deux hommes, et ce quoi qu’on pense de la qualité elle aussi excessivement relative (pour ne pas dire infinitésimale) des derniers longs métrages du réalisateur, résonnait d’emblée comme une promesse de se rassurer.

 

Sur le papier, un récit mêlant la science-fiction et l’aventure, le survival et le cheminement initiatique, l’intime et le spectaculaire, a tout pour exciter l’inspiration d’un musicien. Et de fait, Newton Howard multiplie les ingrédients et les dose avec une indubitable acuité à l’image : des élans cuivrés soutiennent vaillamment l’imagerie spatiale ; un piano tourmenté mais lumineux dessine avec délicatesse la relation père/fils ; des sonorités aux aguets, tantôt imitatives, tantôt tribales, souvent agressives, nourrissent convenablement le décorum sauvage d’une Terre devenue hostile et terra incognita pour l’Homme ; et de beaux phrasés de violoncelle initient joliment une quête intérieure qui trouvera son accomplissement dans un crescendo final de belle ampleur. Bien sûr, on peut toujours regretter que tout cela se mâtine un peu trop systématiquement d’un arrière-goût de « déjà entendu » chez le compositeur, sentiment dont il est difficile de se défaire au fur et à mesure que nous reviennent à l’esprit en particulier les autres sujets post apocalyptiques qui ont jalonné sa carrière, tels que Waterworld, The Postman ou I Am Legend, et chacune des précédentes collaborations avec M. Night Shyamalan. Même l’effet sonore rattaché un premier temps au ghosting (du nom de la technique qui permet aux personnages d’être indétectables auprès des créatures qu’ils affrontent) ne peut que rappeler celui de la cape d’invisibilité dans les deux premiers… Harry Potter !

 

After Earth

 

Pour autant, ces quelques réserves seraient bien peu de choses si elles ne s’accompagnaient d’une plus fâcheuse impression d’inachèvement permanent, d’un bout à l’autre ou presque des 100 minutes de After Earth. Alors que les obstacles inhérents à la désespérante mise en œuvre de The Last Airbender ne se sont jamais révélés entièrement insurmontables pour lui, il semble bien que Howard n’ait cette fois pas pu être en position d’accomplir son (petit) miracle. Car comme jamais auparavant pour Shyamalan, pas même à l’occasion de The Happening (Phénomènes), il apparaît clairement que sa partition souffre ici avant tout ni plus ni moins des innombrables insuffisances du film lui-même (rythme bafoué, écriture sommaire, climax convenus ou carrément ratés…), lesquelles obligent le compositeur à cumuler témérairement les formules sans avoir les coudées franches pour les explorer pleinement. On se surprend donc par exemple à penser qu’on ne fait que deviner la robustesse mélodique de thèmes qui sont en fait à peine esquissés, faute de bénéficier à l’écran de l’espace suffisant pour être exposés. Pareillement, on se dit que l’environnement musical de la planète aurait pu appeler une approche beaucoup plus radicale et ambitieuse si les péripéties du jeune héros avaient été bien mieux traitées. Et au bout du compte, noyée au sein d’émotions trop vite distillées, c’est la Peur en tant que constituant essentiel, pourtant matérialisé à l’écran et censément moteur d’une large partie du récit, qui ne trouve finalement ici, très curieusement, aucun véritable équivalent musical.

 

De là à en déduire que l’inspiration du musicien a purement et simplement été sabordée, une fois de plus, il n’y a qu’un pas qu’on franchira aisément. Alors on peut bien clamer haut et fort que After Earth est à ce jour la plus faible collaboration entre James Newton Howard et M. Night Shyamalan, l’affirmation n’est qu’un raccourci commode qui oublie que la pertinence de la musique dans The Happening était par moment carrément sujette à caution (ce n’est jamais le cas ici) et qui masque le fait que les qualités de cette nouvelle partition sont elles, au fond, bien réelles et adéquates même si elles sont imparfaites. En clair, After Earth est d’un point de vue musical plus volontiers frustrant qu’irrévocablement décevant.

 

After Earth

Florent Groult
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