Brian Tyler : de l’ombre à la lumière
Interviews • Publié le 29/01/2009 par

En 2001, vous avez mis en musique Frailty, la première réalisation du comédien Bill Paxton. Pourquoi vous a-t-il choisi ?

Contrairement à l’habitude, je ne connaissais strictement personne de la production, alors que c’est toujours comme cela qu’on arrive à travailler… En fait, la production avait en main deux des mes partitions, The Fourth Floor justement, et Panic également. Ils ont utilisés des extraits de ces deux partitions pour la musique temporaire et ils s’y sont beaucoup attachés. Ils ignoraient tout de moi, et ils ont été surpris de découvrir mon âge. Bill Paxton s’était d’abord adressé à des compositeurs plus âgés, car il voulait retrouver la sonorité des thrillers des années 60 et 70. Bien sûr, il ne pouvait plus embaucher Bernard Herrmann mais sans doute pensait-il à quelqu’un comme Elmer Bernstein. Bill Paxton a été très surpris en me rencontrant car, pour je ne sais quelles raisons, il était persuadé que j’avais au moins 50 ans ! J’avais quasiment le contrat dans la poche avant de le rencontrer mais quand nous nous sommes vus, il en est resté bouche bée. Nous avons beaucoup ri, beaucoup discuté et finalement, nous sommes devenus d’excellents amis ! Frailty a été une très bonne opportunité pour moi.

 

Comment Bill Paxton vous a-t-il présenté son film ?

Il a surtout insisté sur la nécessité de souligner la nature sombre du propos du film, mais en évitant de trop en faire musicalement pour refléter l’horreur de l’histoire. Il voulait absolument que ces éléments soient les composantes principales de la musique. Au niveau de l’approche, il fallait insister sur la tragédie familiale qui se jouait. En un sens, c’est une love-story, car ce père adore ses deux garçons. Et il déteste faire ce qu’il a «à faire». Dans les mains d’un autre réalisateur et avec une musique très différente, ce film aurait pu paraître complètement débile tellement l’horreur est omniprésente. Donc même dans les scènes les plus intenses, il y avait une nécessité d’avoir une musique sombre mais romantique. Je sais que ça peut paraître étrange, mais la partition devait être romantico-horrifique (rires) ! La façon dont la ligne mélodique fonctionne évoque plus la beauté que la monstruosité, mais en la jouant en mode mineur, sur des instruments ayant un timbre sourd, on créé un sentiment schizophrénique de peur panique (rires). C’est là tout le concept du film : mettre le public mal à l’aise avec le retournement de situation final, cette seule idée qui veut que le père n’est pas fou ni maniaque mais qu’il ne fait qu’écouter ce qu’«on» lui dit de faire. C’est de là, je pense, qu’est née la controverse au sujet du film.

 

Que pouvez-vous nous dire sur la musique de la scène du jardin ?

Le jardin des roses joue un rôle déterminant dans l’histoire. C’est cet endroit très symbolique situé juste derrière la demeure familiale, là où les garçons adorent jouer et là où tout sera anéanti. Par la musique, je voulais évoquer la destruction du jardin, car on y enterre les cadavres, et ce que ressentent les garçons à la vue de cette destruction. Le morceau s’articule sur une mesure à trois temps : je voulais créer une musique qui semblerait issue d’un rêve, une sorte de valse venue du passé. Cette danse me paraît bien illustrer la façon dont les deux frères sont liés l’un à l’autre. C’est la scène la plus intense du film parce qu’elle rappelle aux deux garçons leur passé heureux et les confronte à l’horrible réalité de ce qui est en train de se passer.

 

Pourquoi avoir enregistré la partition à Washington ?

Il y a là-bas une salle de concert que j’ai toujours adorée, le Bunerial Hall. Elle est très similaire à celle de Boston et, lorsque j’étais à Harvard, c’était mon lieu de concerts préféré. Le Boston Symphony Hall est mondialement célèbre. C’est très rare d’enregistrer des musiques de films à Washington. Personne ne le fait. La plupart des studios d’enregistrement de musiques de film sont plus petits. C’était d’ailleurs amusant d’avoir autant de sièges vides devant soi (rires) ! Je pense que l’ampleur de la salle a donné une touche sombre supplémentaire à ma musique. D’ailleurs, nous l’avons mixée comme s’il s’agissait d’un concert.

 

Qu’en est-il de votre participation à The Fast And The Furious (Fast And Furious), une rumeur vous attribuant la partition sous le pseudonyme de BT ?

En fait, j’ai travaillé sur The Fast And The Furious, mais je ne suis pas BT. Je pense que l’origine de cette confusion vient du fait que lui et moi avons tous deux écrits de la musique pour ce film et que nous partageons les mêmes initiales. J’ai écrit de la musique de film qui s’est retrouvée dans le film. Pour tout dire, la musique temporaire était de moi. Les producteurs voulaient vraiment l’utiliser dans le montage définitif, mais je travaillais alors sur Frailty (Emprise). J’ai travaillé simultanément aux mixages de ces deux films, les post-productions se faisant l’une à côté de l’autre. Les producteurs de The Fast And The Furious ont utilisé la musique temporaire, issue de différents morceaux de partitions distinctes que j’avais composées auparavant, en guise de musique définitive. C’est pourquoi j’ai récolté le titre de compositeur au générique. Le fait que je partage les mêmes initiales que BT est une pure coïncidence.

 

 

Olivier Soude
Les derniers articles par Olivier Soude (tout voir)

La rédactionContactMentions légales

Copyright © 2008-2025 UnderScores