Jacob’s Ladder (Maurice Jarre)

Paradis Perdu

Disques • Publié le 24/06/2019 par

Jacob's LadderJACOB’S LADDER (1990)
L’ÉCHELLE DE JACOB
Compositeur :
Maurice Jarre
Durée : 37:55 | 6 pistes
Éditeur : Varèse Sarabande

 

5 out of 5 stars

 

Un drame fantastique d’Adrian Lyne (dont le titre se réfère au chapitre 28 de la Genèse) avec Tim Robbins, Elizabeth Pena et Danny Aiello. Un acteur new-yorkais souffrant d’hallucinations est convaincu que ses maux proviennent d’une épreuve qu’il a subie durant la guerre du Vietnam. Le script, dont l’anecdote de départ est estompée au profit d’un récit passionnant dans sa construction, est un délire narratif métaphorique remarquablement mis en scène. Le score, énigmatique, comme prêt à s’évaporer, repose sur la création d’un climat névrotique, oppressant à souhait. L’orchestration exotique (shakuhachi, koto…) confère aux nappes synthétiques un ton d’étrangeté très particulier, manipulateur et poétique, entre conscient et inconscient. L’efficacité du film tient autant à la richesse du scénario de Bruce Joël Rubin (également auteur de Brainstorm et Ghost) plein de méandres et de fausses pistes qu’aux ambitions artistiques inattendues du réalisateur de Flashdance, qui crée ici une sorte de cauchemar éveillé perturbant et très persuasif.

 

Jacob's Ladder

 

Portée par une ample ligne mélodique sinueuse – le thème, d’une sensibilité maladive dans son minimalisme, avec ses subtiles variations de tonalités en forme de portrait éclaté, dégage une incompréhensible et langoureuse attirance pour un secret chuchoté – la partition liquide et glacée de Jarre dépasse le cadre apparent du suspense à tendance horrifique pour atteindre une certaine forme de spiritualité. Cultivant le plaisir de la sonorité et du clair-obscur, le compositeur semble là à son sommet : les timbres de sa formation électro-acoustique sont étonnants, les couleurs insolites, sans parler des flexions, du calcul du souffle, de l’intelligence des accents… La fascination pure qui se dégage ici est au-delà de tout questionnement : l’étrangeté y perd son nom commun pour se fondre dans une sorte d’extase à laquelle on s’abandonne sans bien comprendre. Tout autant troublante que mélancolique, cette perdition alanguie, mortifère, cette angoisse sourde, cette hantise donne à l’œuvre une fascinante ambiguïté. Il y a là, au sens symbolique, comme une expérience de limites. La chanson de fin, radieuse, n’a pas d’autre but que d’aérer brutalement le climat, ce qui peut ravir ou déconcerter.

 

Jacob's Ladder