Renegades (Michael Kamen)

Musicos et rebelle

Disques • Publié le 27/11/2013 par

RENEGADES (1989)
FLIC ET REBELLE
Compositeur :
Michael Kamen
Durée : 77:14 | 19 pistes
Éditeur : Intrada

 

3 out of 5 stars

Le travail de Michael Kamen n’a pas reçu d’attention particulière de la part des labels spécialisés depuis sa mort en 2003. Le catalogue de titres signés Kamen est resté désespérement le même pendant près d’une décennie. Cependant, le début d’année 2012 aura vu quatre titres apparaître, et deux d’entre eux disparaître presque aussitôt. La réédition «revue et corrigée» de Die Hard (Piège de Cristal), épuisée en quelques jours à peine, a précédé les sorties de trois partitions inédites : Back To Gaya, Road House et Renegades (Flic et Rebelle). Ce dernier n’aura pas eu beaucoup de temps pour trouver son public, l’éditeur Intrada ayant mis un terme à sa vente en mai dernier. Mais c’est bel et bien ce curieux et inattendu Renegades que l’on va évoquer ici.

 

Essentiellement interprété par Kamen lui-même, le score a été composé en 1989 pour un polar sur fond de culture amérindienne réalisé par Jack Sholder. Le musicien va redoubler d’efforts pour créer une atmosphère mystique et primitive avec des moyens réduits. Il n’a à sa disposition que son fidèle Kurzweil K250, un clavier Emax, et quelques instrumentistes pour flûtes et percussions traditionnelles amérindiennes. Selon les propos du réalisateur, cette configuration réduite à l’intime a donné la part belle à l’improvisation, ce qui se traduit par moments par le caractère déroutant voire expérimental de la musique de Renegades. Si le film est un buddy movie avec Kiefer Sutherland et Lou Diamond Phillips, c’est l’objet de leur mission, une lance sacrée dérobée par la mafia, et le parcours de l’Indien Lakota Hank, incarné par Phillips, qui vont guider et inspirer Kamen avant tout. Le Main Title plonge aussitôt l’auditeur donc un univers musical minimaliste, à la fois sombre et exotique. Les samples de flûtes, mêlés à des enregistrements acoustiques, semblent imiter des chants d’oiseaux qui résonnent dans un climat brumeux. Des percussions légères et des synthés éthérés amènent au thème de Hank, aux flûtes et à la guitare, dont les premiers accords rappellent Lethal Weapon (L’Arme Fatale). La guitare – souvent un clavier en réalité – va également définir le personnage du flic Buster (Sutherland) avec un thème de trois notes introduit dès le second morceau, Buster’s Bust, encerclé de synthés poisseux, évoquant la ville et le crime (No Man’s Land de Basil Poledouris n’est pas loin). L’utilisation des synthés et de la guitare ne sera pas étrangère aux habitués de Kamen. Le thème-motif pour Buster va revenir souvent dans la première partie du score, et notamment The Robbery, avec ses inquiétants motifs rythmiques au piano. Il va cependant souvent laisser la place au thème de Hank et les motifs indiens (Buster Takes A Bullet, First Aid), tout aussi apaisants que fantômatiques.

 

Kiefer Sutherland & Lou Diamond Phillips

 

L’action n’est pas en reste avec l’une des pistes les plus surprenantes, The Lance, qui semble faire plonger le score dans le fantastique. Flûtes, textures menaçantes, samples de cordes et de cuivres et rythmes incantatoires : les sonorités utilisées ici semblent sortir tout droit d’une musique signée Mark Snow, ami de Kamen qui composera pour la série The X-Files quelques années plus tard. Cette impression de surnaturel va perdurer tout au long de l’album et s’insinuer petit à petit dans les passages d’action qui renforcent plutôt de prime abord le cadre urbain et le côté «film noir». L’autre piste qui surprendra fortement est Beauty Parlor Source. Kamen y triture son motif pour Buster avec des samples de vocalises pop féminines et des sons pervertis pour boîte de nuit enfumée des années 80. Une mixture très osée qui relance l’album dans la poursuite pour la lance sacrée, ce que fait avec brio Department Store, enchaînant les motifs pleins d’adrénaline et les thèmes des héros. Les flûtes et textures mystiques reviennent pour un morceau majeur, Broken Stone, Broken Spirit, illustrant un Hank défait, abattu, pour se muer finalement en détermination. La fin de son aventure approche, avec sa résolution vengeresse dans Blazing Bullets, Flaming Lance. L’une des meilleures pistes de l’album achève Renegades avec une émotion retenue : Brown Bridge & Find Me, les flûtes et percussions traditionnelles laissant la place à une dernière citation du thème de Hank à la guitare.

 

On pourra hâtivement réduire Renegades a son parti pris esthétique : le mystique amérindien par le biais des samples et des synthés. Mais Michael Kamen sait que l’atmosphère seule n’offre pas d’ancrage émotionnel fort, et construit (et improvise) sa partition autour de motifs et de thèmes qui hantent l’album. C’est un score étrange, obscur, rétif. Peu oseront s’en approcher mais pour qui saura le dompter, l’écoute en sera aussi intrigante que gratifiante.

 

Kiefer Sutherland & Lou Diamond Phillips

Milio Latimier
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