Tinker Bell (Joel McNeely)

Un doux écrin pour Tinker Bell

Disques • Publié le 27/07/2013 par

Tinker BellTINKER BELL (2008)
LA FÉE CLOCHETTE
Compositeur :
Joel McNeely
Durée : 60:07 | 26 pistes
Éditeur : Intrada

 

4 out of 5 stars

Les DisneyToon Studios sont devenus avec les années une seconde maison pour Joel McNeely. A ceux qui d’aventure estimeraient qu’il y perd peut-être son temps et y gâche à coups sûrs ses talents, il répondrait sans doute volontiers que c’est là un choix mûrement réfléchi, qu’il en est particulièrement heureux et fier, et ce pour au moins deux raisons : d’abord parce qu’en tant que père, œuvrer pour des projets on-ne-peut-plus familiaux lui procure le plaisir inestimable de permettre à ses enfants de profiter de son travail, ensuite parce qu’en tant que compositeur il y bénéficie d’un environnement protégé où la musique n’est pas la dernière roue du carrosse mais où au contraire le budget alloué pour elle s’avère particulièrement confortable compte tenu du type de productions.

 

Depuis 2002, McNeely a donc eu cœur à fournir de fort jolies partitions pour une demi-douzaine de productions, dont deux seulement ont trouvé le chemin officiel des salles obscures, Return To Neverland (Peter Pan 2 : Retour au Pays Imaginaire) et Pooh’s Heffalump Movie (Winnie l’Ourson et l’Efélant), les autres étant destinées exclusivement au marché des DTV (direct-to-video) : Mulan II (Mulan 2 : la Mission de l’Empeteur), Lilo & Stitch 2 : Stitch Has A Glitch (Lilo & Stitch 2 : Hawaï, nous avons un problème !), The Fox And The Hound 2 (Rox et Rouky 2 : Amis pour Toujours) et Cinderella III : A Twist In Time (Le Sortilège de Cendrillon).

 

En 2008, Tinkerbell (La Fée Clochette) devenait sans aucun doute son projet le plus ambitieux et, en tout cas, celui sur lequel il aura passé le plus de temps : quatre années, rien de moins, à faire macérer ses idées musicales au gré d’un développement des plus chaotiques. Conçu à l’origine pour l’animation traditionnelle en 2D (entre-temps abandonnée par Disney puis ressuscitée par John Lasseter), finalement développé en CGI, le projet a ainsi vu se succéder pas moins d’une petite quinzaine de réalisateurs, et sans doute autant de réécritures, le tout pimenté par l’affrontement direct entre plusieurs décisionnaires. Il faut dire que le film ainsi envisagé était à l’époque avant tout appelé à devenir le fer de lance de la nouvelle (et assurément très lucrative) franchise Disney Fairies, initiée dès 2005 par le biais d’un premier livre intitulé Fairy Dust And The Quest For The Egg (Poussière de Fées et l’Œuf Magique). Au milieu de la tourmente, McNeely est peut-être bien le seul intervenant artistique à être resté attaché au projet tout ce temps…

 

Tinker Bell

 

Au détour d’une question, un certain Danny Elfman a un jour déclaré qu’il estimait qu’un thème musical était réussi lorsqu’il s’était au préalable assuré de pouvoir en tirer un maximum de variations… De ce point de vue, celui que McNeely a ici offert à Clochette elle-même est tout simplement parfait. D’une extrême souplesse et pouvant à volonté laisser transparaître la joie, l’espièglerie, la volonté, la tristesse, le désenchantement, l’impertinence, la bravoure…, il se prête en fait à toutes les humeurs possibles du personnage à l’écran, et ce avec une aisance d’autant plus confondante que les quatre premières notes seules (deux intervalles, une quarte, une quinte) suffisent à l’évoquer telle une abréviation instantanément identifiable, d’un emploi bien commode et avantageux. A ses côtés se distingue particulièrement un deuxième thème, une mélodie franche et souvent descriptive qui elle-même peut se faire tour à tour mystérieuse (l’ouverture) ou solennelle (la cérémonie des talents) pour dépeindre le petit monde de Pixie Hollow (La Vallée des Fées) du Pays Imaginaire. Très logiquement, c’est de ce thème que McNeely a par ailleurs puisé la courte signature musicale attachée alors au logo de la franchise Disney Fairies.

 

Autre aspect essentiel, celui d’assumer pleinement le recours à un folklore d’inspiration celtique (que le compositeur a voulu «métissé») dont on pouvait un instant craindre le peu de pertinence et un côté «world music» qui chez d’autres est trop souvent un simple effet de mode (et parfois même un cache-misère) mais qui ici s’intègre très naturellement. Outre une très agréable chanson originale signée Loreena McKennit (To The Fairies They Draw Near, sur des arrangements orchestraux de McNeely), ce sont de joyeuses gigues accompagnant le travail des fées, en particulier celui des Tinker Fairies (Fées Bricoleuses), ou les jolies interventions de la violoniste Mairead Nesbitt qui en plus de rajouter au mystérieux et au charme de l’ensemble sert idéalement l’inspiration créatrice de Clochette.

 

Piou piou...

 

Les opportunités de verser dans l’action se limitant à peu de choses près à un rodéo celtique à dos de souris avec des chardons sauvages dévastateurs et à une attaque de faucon, séquence pour laquelle le compositeur rejoint plus volontiers les élans vigoureux de son Return To Neverland, la partition pour Tinkerbell se dévoile surtout telle un poème symphonique harmonieux où Nature et Magie se mêlent pour former l’argument principal. Il en émane souvent une quiétude toute pastorale et une douceur printanière pourvues comme on peut s’y attendre de mélodies chantantes, de grandes envolées fleuries, le tout somptueusement orchestré. Sur ce dernier point, McNeely a du savoir-faire à revendre et il n’a pas lésiné ! On goûtera donc pleinement aux sonorités lumineuses et aux parfums sucrés d’un effectif généreux qui, en plus des instruments d’orchestre du Hollywood Studio Symphony et du violon soliste de Mairead Nesbitt, fait appel à une cornemuse, une balalaïka, des percussions de toutes sortes venues de divers pays d’Afrique, d’Inde, d’Irlande et de Chine, d’un petit chœur d’enfants et d’un «band» composé d’une mandoline, d’une guitare, d’une vielle à roue et d’une basse, ainsi que de tout un éventail de flûtes et d’ocarinas (pour certains effets imitatifs) interprétées pour l’occasion par McNeely lui-même qui rappelle ici à notre bon souvenir qu’il reste flûtiste de formation.

 

On se souvient encore de l’enthousiasme et de la fierté du compositeur au moment de présenter longuement cette partition lors de la quatrième édition du Festival International d’Ubeda. Malgré le fait qu’elle s’inscrive tout à fait dans la longue tradition des musiques d’animation labellisées Disney (léger à la flûte, le motif n’est pas sans faire écho à la ritournelle associée au Peter Pan dans le film original, et on remarquera le clin d’œil direct mais discret à ce dernier sous la forme d’une courte citation de You Can Fly), Tinkerbell s’impose à l’évidence aux côtés de Pooh’s Heffalump Movie comme l’une des compositions les plus personnelles de McNeely, bien loin de l’ombre des musiques temporaires qui par la force des choses ont bien souvent nourries son inspiration.

 

Cinq ans après, Intrada sort la partition des placards Disney et lui fait l’honneur d’une édition discographique digne de ce nom qui enterre définitivement la ridicule suite (moins de huit petites minutes) disponible sur le CD officiel sorti à l’époque et qui témoignait fort mal (et c’est un euphémisme) de la générosité de la partition. On espère maintenant que ce premier titre sera suffisamment bien accueilli pour inciter le label à se pencher avec le même enthousiasme sur les trois suites qui ont suivi, Tinker Bell And The Lost Treasure (Clochette et la Pierre de Lune), Tinker Bell And The Great Fairy Rescue (Clochette et l’Expédition Féérique) et surtout le superbe Secret Of The Wings (Clochette et le Secret des Fées), en attendant de savoir ce que la mutine petite fée réserve à Joel McNeely en 2014 avec un nouveau titre plein de promesses : Tinker Bell And The Pirate Fairy (Clochette et la Fée Pirate). Et puisse la magie opérer de nouveau…

 

Gang Of Fairies

Florent Groult
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