The Twilight Saga: Breaking Dawn (Part 1) (Carter Burwell)

Mélodrame Automnal

Disques • Publié le 08/03/2012 par

The Twilight Saga: Breaking Dawn (Part 1)THE TWILIGHT SAGA: BREAKING DAWN (PART 1) (2011)
TWILIGHT – CHAPITRE 4 : RÉVÉLATION (PREMIÈRE PARTIE)
Compositeur :
Carter Burwell
Durée : 54:08 | 25 pistes
Éditeur : Summit Entertainment Records

 

4 out of 5 stars

 Si la réalisatrice Catherine Hardwicke a certainement été déçue de ne pas pouvoir rempiler sur le second opus de Twilight après avoir signé le premier, en revanche son compositeur a eu plus de chance. En effet, le metteur en scène du quatrième film, Bill Condon, avait déjà travaillé avec Carter Burwell sur Gods And Monsters (Ni Dieux ni Démons) et Kinsey (Dr. Kinsey), et c’est donc tout naturellement à ce dernier qu’il s’adresse pour The Twilight Saga : Breaking Dawn – Part 1. Celui qui trois ans plus tôt avait posé les jalons musicaux de l’univers conçu par Stephenie Meyer est donc de retour pour le volet final, après avoir passé le relais à Alexandre Desplat puis à Howard Shore : belle façon pour lui de boucler la boucle et d’affirmer la prééminence de son empreinte sur l’ensemble de la saga. Si l’on songe en outre qu’il a le privilège de signer deux scores au lieu d’un vu que le dernier épisode est dédoublé, on se dit qu’il est vraiment verni !

 

Que l’on soit ou non amateur des Twilight, il faut bien reconnaître que le premier film était le meilleur, ce qui avait permis à Burwell de s’imposer avec force et délicatesse à la fois. Quant au quatrième, tout le monde s’accordera à dire, et les détracteurs en premier, qu’il s’agit du plus mauvais : scénario plus creux que jamais, rythme d’une lenteur désespérante, images laides, acteurs catatoniques. Qu’à cela ne tienne, le compositeur parvient tout de même à livrer une partition d’une grande qualité qui, si elle ne peut aller jusqu’à améliorer le film (c’est de toute façon impossible), en constitue néanmoins l’un des meilleurs sinon le meilleur atout, redressant indéniablement la barre dans la dernière partie du long-métrage et lui conférant même une intensité certaine. Burwell est d’autant plus méritant que la tâche n’était pas aisée, et ce à plusieurs niveaux. Tout d’abord, le musicien est un habitué des atmosphères intimistes et il doit cette fois-ci, ainsi qu’il le raconte dans le livret de l’album, s’adapter aux enjeux décuplés de l’histoire pour lui conférer une dimension beaucoup plus mélodramatique. Il doit alors délaisser la petite formation employée dans le premier opus pour faire appel à un grand orchestre symphonique ainsi qu’à une chorale, fait plutôt rarissime depuis le début de sa carrière. Certes, on savait que cet ennemi juré de l’emphase ne dédaignait pas ponctuellement les élans lyriques, comme dans les jolis The Blind Side et The Rookie (Rêve de Champion) ou encore dans le splendide Fear, très inspiré de John Barry et hélas inédit, mais pour retrouver auparavant l’ampleur et la débauche de sentiments présentes dans ce Twilight, il faut tout simplement remonter jusqu’au hit de Rob Roy, voilà plus de quinze ans !

 

Amoureux du matin...

 

Ensuite, il fallait assumer l’héritage des deux compositeurs qui ont succédé à Burwell afin d’éviter une rupture de ton trop brutale dans des films qui se situent par ailleurs toujours dans les mêmes décors et sont interprétés toujours par les mêmes acteurs. Par chance, la transition entre le troisième et le quatrième film se fait assez aisément car il se trouve que depuis longtemps le style de Burwell et celui d’Howard Shore, dans le registre intimiste, sont souvent assez proches : dépouillé voire austère, froid mais non dénué d’émotion, mystérieux plutôt qu’angoissant, à la fois dépressif et envoûtant, ce style qui est celui de Shore dans les films de David Cronenberg ou encore dans Doubt (Doute), est aussi celui de Burwell dans les films des frères Cohen, dans Gods And Monsters ou Fur. On retrouve cette similitude dans l’emploi mélancolique et entêtant des violons et des flûtes dès l’ouverture (The Kingdom Where Nobody Dies), marquée en outre par un mélange de percussions et de ce qui ressemble à une cornemuse, faisant instantanément penser à Copland. Un titre comme Goodbyes, très tendre et apaisé, marqué par les mêmes orchestrations que celles entendues au début, évoque tout autant l’univers des Hobbits de The Lord Of The Rings (Le Seigneur des Anneaux) que le thème de Bella dans The Twilight Saga : Eclipse (Twilight – Chapitre 3 : Hésitation), lors de la conclusion où l’héroïne accepte d’épouser Edward. Quant à la scène du cauchemar (Wedding Nightmare), elle renoue brièvement avec les sonorités de The Twilight Saga : New Moon (Twilight – Chapitre 2 : Tentation), créant une ambiance surnaturelle et faisant appel à la même trompette grinçante que celle employée par Desplat lorsqu’interviennent les Volturi. On ne pouvait pas rêver mieux en termes de cohérence musicale !

 

Enfin, et ce n’est pas là une mince affaire, il fallait bien que le compositeur se réapproprie l’univers de Twilight, qu’il lui appose de nouveau sa patte. Bien que l’on puisse déceler chez lui certaines influences (celle de Thomas Newman notamment), il est indéniable qu’il possède aussi un style bien à lui, ce qu’il va s’employer à prouver. Après les élans romantiques passionnés d’Alexandre Desplat et les ténèbres rageuses d’Howard Shore, il choisit d’en revenir à une musique plus intimiste et dépouillée. Se replongeant dans sa partition d’origine, il la modifie subtilement, retenant sa composante très percussive et allant même jusqu’à la renforcer. Se concentrant plus que jamais sur les décors de forêts, il en restitue parfaitement l’aspect à la fois imposant et sauvage, dangereux, animal. Se focalisant à son tour sur les personnages des loups-garous, qu’il n’avait pas pu caractériser dans le premier volet, il met l’accent sur des sonorités mates et boisées (d’un côté les timpani et de l’autre les flûtes, le hautbois, les clarinettes et les bassons) semblant provenir des entrailles de la terre. Il limite fortement le recours aux sonorités électriques, associées précédemment aux vampires, pour se concentrer davantage sur la composante ethnique et tribale via l’usage d’une flûte de bambou et de tambours asiatiques qui rappellent une autre de ses musiques situées au cœur de la forêt : Book Of Shadows : Blair Witch 2 (Blair Witch 2 : Le Livre des Ombres). Plus loin, lorsque les loups se reposent sur la plage et évoquent leur fameuse «imprégnation», le compositeur nous propose une véritable invitation au voyage et à l’exotisme sur un mode poétique et contemplatif des plus séduisants (Wolves On The Beach).

 

...nausées du soir

 

Cela ne veut pas dire pour autant que Burwell élimine définitivement la touche à la fois lyrique et moderne qui avait fait le succès de sa première partition auprès des adolescents. On la retrouve ici lors du voyage de noces des deux héros (A Nova Vida), dont le séjour dans l’île paradisiaque est accompagné d’une ballade romantique à l’extrême interprétée par des guitares acoustiques et électriques bientôt rejointes par une voix féminine soliste. On réentend alors en arrière-plan le nouveau thème élégiaque associé à Bella et Edward, très largement mis en avant dans Cold Feet, What You See In The Mirror, The Threshold et Let’s Start With Forever. Quelques notes de guitare, une belle mélodie soyeuse entonnée par les violons et le piano et reprise par une flûte angélique : certains trouveront sans doute ce nouveau thème un peu trop sirupeux mais ne pourront nier totalement son caractère émouvant. Burwell éprouve un plaisir manifeste à retrouver les deux amoureux : afin d’illustrer maintenant les joies de leur union enfin légitime, il a visiblement choisi de ne pas se restreindre et même d’y aller carrément, ne lésinant pas sur la guimauve ! On sera libre dans ce cas de préférer le bref retour aux sources que constituent des pistes comme Pregnant, O Negative, Don’t Choose That, beaucoup plus dans l’esprit musical du premier opus, et où surgit soudain la superbe Bella’s Lullaby, davantage centrée sur le mystère et la séduction, que l’on réentend dans le touchant Hearing The Baby et surtout dans Bella Reborn sous une forme complètement transcendée, à l’instar de l’héroïne elle-même : plus ample, plus symphonique, portée par des violons et un piano grisants jusqu’à l’apothéose finale.

 

Dans un registre un peu différent mais connexe, car toujours lié aux vampires, le compositeur s’offre le luxe de quelques scènes de tension, de suspense voire d’angoisse. Dans le film elles ne sont guère nombreuses et surtout l’on essaie désespérément de nous faire croire que ce qui se passe est grave alors que c’est loin d’être le cas ; bien obligé de prendre son sujet au sérieux, Burwell s’aventure sur les terres du fantastique et du thriller, ce qu’il fait assez rarement. Pour un bref épisode gothique au début de What You See In The Mirror lorsqu’Edward revisite son passé de tueur, le musicien fait appel à tous les clichés du genre (sourdes percussions, violons crissants, cuivres grondants et brusques sursauts tonitruants) et cela fonctionne plutôt bien ; même remarque concernant Wedding Nightmare, long crescendo de cordes dramatiques, ainsi que l’insidieux Morte, le strident It’s Renesmee et le frénétique Biting. On note par ailleurs dans ces morceaux un usage très particulier des percussions, à la fois martial et tribal, excluant quasiment tous les autres instruments de l’orchestre et donnant l’impression de se trouver dans un film d’art martial asiatique : il est certain que pour proposer une approche aussi insolite du monde des vampires, il fallait au moins s’appeler Carter Burwell ! Et que dire de ce surprenant usage d’une chorale entièrement masculine aux accents gutturaux – là encore, l’Asie semble être la référence puisque l’on pense aux chants des moines tibétains – dans The Venom, juste après la naissance du bébé hybride ? L’idée est brillante et le résultat non moins fascinant…

 

Qui trop embrasse finira au pressing

 

Pour finir, parce qu’une histoire d’amour contrariée est toujours plus savoureuse, c’est encore une fois le personnage de Jacob qui a droit aux meilleures idées musicales et, désigné comme le centre névralgique de la partition, donne lieu à certains des meilleurs morceaux. Introduit dès la scène inaugurale, son thème est sans doute le plus mémorable (tout comme l’était celui conçu par Howard Shore pour Eclipse) et en tout cas celui qui revient le plus fréquemment. Composé de deux parties, la première intimiste et mélancolique, la seconde noble et emphatique, il illustre à la perfection le conflit du personnage, tiraillé entre son amour pour Bella, son allégeance envers la meute et sa propre conception du devoir. Méditative et apaisée dans Wolves On The Beach, Honeymoon In Eclipse et O Negative, la musique qui lui est associée est marquée par cette fameuse touche exotique déjà évoquée plus haut, qui doit autant au folklore de l’Extrême-Orient qu’à celui des îles du Pacifique et qui constitue un agréable dépaysement. A l’opposé, dans A Wolf Stands, Playing Wolves, Biting et You Kill Her You Kill Me, lorsqu’enfin le réalisateur s’autorise un peu d’action et que Burwell débride son orchestre, c’est la seconde partie du thème, solennelle voire triomphale, qui retentit de façon tonitruante, lors d’un tutti orchestral dominé par le piano, les cuivres et les percussions, émergeant d’un chaos dissonant et hurlant plein d’emballements déchaînés. Au terme de cet affrontement, certes ridicule à la base mais prenant, grâce à l’approche heureusement très premier degré du compositeur, une véritable dimension épique, on se dit non seulement que Carter Burwell vaut beaucoup mieux que la place de musicien underground à laquelle il est encore relégué, mais aussi que la saga Twilight, sur le plan musical, aura toujours été une belle surprise !

 

Que c'est beau un mariage mixte !

Gregory Bouak
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