OVERBOARD (1987)
UN COUPLE À LA MER
Compositeur : Alan Silvestri
Durée : 45:11 | 19 pistes
Éditeur : Music Box Records
Le temps peut jouer des tours sur la perception de la carrière d’un compositeur. Que retient-on aujourd’hui de l’œuvre d’Alan Silvestri ? Sa collaboration avec Robert Zemeckis, Back To The Future (Retour vers le Futur) et Forrest Gump en tête de liste. Vient ensuite son écriture symphonique écrasante et musclée. Pourtant, durant son ascension dans les années 1980, Silvestri est surtout connu pour son travail rythmique à la télévision (CHiPs), et ses mélodies électroniques simples et énergiques. Lorsqu’il est chargé de mettre en musique en 1987 la comédie romantique Overboard pour Garry Marshall, son CV pour le cinéma est littéralement partagé entre le synthé (Clan Of The Cave Bear [Le Clan de la Caverne des Ours], The Delta Force, No Mercy [Sans Pitié]) et l’orchestral (Fandango, Back To The Future, American Anthem). Ce n’est que l’année suivante que le «son Silvestri» deviendra majoritairement symphonique. Cette dualité va être mise au profit d’Overboard, qui met en scène la rencontre entre Dean Proffitt (Kurt Russell), un charpentier veuf et père de quatre garçons, et Joanna Stayton (Goldie Hawn), richissime peste vivant sur son yacht. Grâce à la magie de l’amnésie au cinéma, les héros que tout séparait vont enfin comprendre qu’ils sont fait l’un pour l’autre…
Silvestri a choisi deux angles pour mener à bien sa mission : le décalage social entre les deux personnages d’un côté et leur amour fragile naissant de l’autre. Le décalage musical est donc inspiré par l’angle social et est mis à exécution tout au long de l’album : un orchestre plutôt soyeux, voire puissant au final, se dispute la scène avec un synclavier frénétique. L’orchestre sera l’outil principal de Silvestri pour donner toute sa place à l’émotion alors que le synclavier, lui, va se charger de la comédie et des aspects les plus futiles. C’est cet enchaînement constant et désarmant qui fait la particularité du score d’Overboard, le décalage sautant aux oreilles dès les premières secondes du Main Titles. L’entêtant banjo au synclavier évoque la rusticité et la simplicité de Dean, accompagné d’une énergique guitare électrique, et les sons amples décorés de rythmiques calypso illustrent eux la vie luxueuse et insouciante de Joanna sur son yacht.
Silvestri s’amuse donc avec les personnages : pour Dean, en mêlant banjo, harmonica, contrebasse et cordes roublardes (Welcome Home, No Boom Boom / There Is A God) ; du coté de Joanna et son luxe bourgeois, c’est en malmenant une musique pseudo-baroque (Making Lunch, Daily Chores) avec un enthousiasme à la fois sincère et maladroit que le compositeur fait sourire. Crabs’R’Us ou Water Fight / Chase Mom / Couch Puppies ne manqueront pas de faire leur effet en commençant par des accents orchestraux fantastiques voire inquiétants, pour changer de nature de manière aussi fulgurante que brutale (provoquant l’hilarité ou l’embarras de l’auditoire, au choix).
Pour rendre l’ensemble solide, Silvestri n’oublie pas de cimenter la partition d’Overboard avec un thème qu’il parvient à rendre aussi rigolo que touchant. Les arrangement baroques surannés se disputant avec un rythme country délirant vont laisser la place à un piano timide et hésitant (I’m Sorry, Something Not Horrible, The Jig’s Up), délicatement accompagné d’un orchestre de bois et de cordes, qui semble vouloir prendre le piano dans ses bras et le rassurer. Le dialogue musical amoureux culmine d’ailleurs dans Annie And Dean, avec cette fois une première partie masculine (cor d’harmonie, basson) qui passe la parole à un piano plus affirmé, à la fois doux et rassurant. Si les pistes de source music au synclavier seront très certainement zappées (She Really Is Something que l’on croirait sorti d’un téléfilm érotique, ou le publicitaire Dreamboat), il est plus que probable que l’aventureux Turning The Boat Around (avec ses percussions martiales et ses cordes pressantes) ainsi que les deux excellentes versions du Finale (mention particulière pour l’alternative), à la fois jubilatoires et d’une outrance dramatique assumée, emporteront l’adhésion des amateurs de Back To The Future.
Les outils utilisés par le compositeur sur Overboard sont les mêmes que pour Romancing The Stone (A la Poursuite du Diamant Vert) écrit trois ans auparavant, mais la partition de 1987 témoigne de la fin d’une période dans sa carrière. Il est évident que l’album de Music Box Records est destiné en premier lieu aux amateurs d’Alan Silvestri, et ses derniers leur en sont plus que reconnaissants : Overboard constitue un sympathique et revigorant repère dans l’évolution de la carrière du vigneron préféré des béophiles.