THE DEBT (2010)
L’AFFAIRE RACHEL SINGER
Compositeur : Thomas Newman
Durée : 48:28 | 19 pistes
Éditeur : Silva Screen Records
Après The Adjustment Bureau (L’Agence), thriller d’anticipation qui lui permettait de nouer avec la musique d’action mais dont le temp track lui a malheureusement imposé le style marqué de John Powell, Thomas Newman se lance dans le thriller d’espionnage avec The Debt (L’Affaire Rachel Singer), remake du film israélien de quatre ans son aîné. Autant dire que l’originalité ne semble pas être le point fort du film de John Madden mais celle, intrinsèque, du style de Newman sauve les meubles de l’inondation.
L’auteur de Mad City s’est effectivement arrêté de courir après les «ostinati powellien» (symptôme d’une maladie orpheline mais courante chez certains compositeurs) et les fulgurances totalement étrangères à son style pour injecter sans complexe sa personnalité particulière à The Debt. Et il y a clairement un décalage entre les enjeux annoncés par ce film et la fausse légèreté avec laquelle Newman traite le sujet. Certes, Ghost Station ouvre le disque avec un thème qui évoque l’urgence mais le piano électrique Wurlitzer, les nappes synthétiques et les percussions n’ont pas vocation à tout emporter sur leur passage : le compositeur pose tranquillement les bases d’une intrigue, avec du rythme mais sans fracas, pour garder l’auditeur dans l’incertitude. L’atmosphère se fait carrément flottante dans le justement nommé Airplane Open, morceau aérien dans lequel même les notes éparses de cordes semblent émerger d’un rêve.
Empreint de cette idée d’arrière-plan rythmique, How To Die (Main Title) expose des cordes légèrement orientalisantes sans pour autant appuyer l’exotisme. Par contre, The Surgeon Of Birkenau et Shaving Roaches font plus forte impression quand il s’agit de susciter l’inquiétude voire l’horreur : entre un éclat orchestral puis synthétique, des percussions envahissantes, une guitare électrique hypnotisante mêlée aux ostinati des cordes plus rageuses et aux résonances et autres manipulations sonores, le score semble devenir plus grave. An Unscheduled Stop, avec ses rythmes et sa guitare plus présents, ou Safe House qui reprend l’ambiance de Airplane Open en y instillant la peur grâce aux échos de cordes samplées, viennent confirmer cette tendance. Après un moment d’attente, One More Parcel hérite des saccades du Wurlitzer assorties cette fois d’ostinati placés très en avant et qui, pour le coup, font penser à la trilogie Bourne ; plus tard, Unfinished Business fait vibrer les cordes et les précipite dans un ensemble électro-synthétique inspirant la confusion.
C’est dans la dissonance et les rythmes effrénés de percussions légères de The Full Injection que se termine la course, tandis que The Debt (End Title) conclue l’album en laissant intentionnellement un goût d’inachevé. Et c’est précisément cette sensation de flottement et d’incertitude qui caractérise l’ensemble de la partition : proche du sound design, elle fuit volontairement la mélodie afin d’installer une progression dramatique en filigrane. Cette démarche culottée est louable, son côté expérimental étant tout de même difficile à appréhender.