Wall•E (Thomas Newman)

Short Circuit

Disques • Publié le 20/09/2011 par

Wall-EWALL•E (2008)
WALL•E
Compositeur :
Thomas Newman
Durée : 61:50 | 38 pistes
Éditeur : Walt Disney Records

 

4 out of 5 stars

On ne change pas une équipe qui gagne : après le succès de Finding Nemo (Le Monde de Nemo), le réalisateur Andrew Stanton a de nouveau fait appel à Thomas Newman, dont la personnalité unique et très affirmée correspond bien à l’univers insolite de son long-métrage, alors que jusque-là les studios Pixar s’étaient offert les services plus conventionnels de Randy Newman ou de Michael Giacchino. Il faut rappeler qu’avant Finding Nemo en 2003, le compositeur demeurait affilié uniquement à des drames et à des comédies dramatiques ; il s’est depuis essayé à la fantasy avec Lemony Snicket’s A Series Of Unfortunate Events (Les Désastreuses Aventures des Orphelins Baudelaire) puis à la science-fiction avec WALL-E, élargissant sa palette de façon fort appréciable. Cela dit, le compositeur se moque bien des considérations de genres puisqu’il lui est déjà arrivé de travailler pour des films lorgnant vers le fantastique tels Phenomenon (Phénomène), Meet Joe Black (Rencontre avec Joe Black) et The Green Mile (La Ligne Verte), sans jamais se préoccuper des codes et des figures imposées mais en faisant ce pour quoi on l’emploie, à savoir du Thomas Newman. À la vision de WALL-E, l’on constate immédiatement à quel point le traitement musical est à la fois totalement atypique – on est loin ici du style «cartoonesque» de John Debney ou de Bruce Broughton – et parfaitement adapté aux besoins du film.

 

L’ouverture est à ce titre hautement significative : atmosphère grave et solennelle, tonalité intimiste, nappes synthétiques planantes, cordes sévères, harpe mystérieuse… Dirait-on qu’on est dans le nouveau Pixar ? Pas évident ! Et pourtant, quelle musique dépeindrait mieux notre monde abandonné, tout rouillé et envahi par les déchets ? Cela ne veut pas dire que toute la musique sera froide et déprimante, loin de là, mais qu’elle recherche en tous les cas une certaine sophistication qui l’éloigne du tout venant de la musique de cartoon et qui est la véritable marque de fabrique du compositeur. À tout moment l’on se surprend à hausser les sourcils puis à sourire tant Newman nous réserve de surprises à chaque morceau, changeant l’insolite en familier et faisant du particulier une loi générale. Certes, pour les habitués de son style il ne se renouvelle guère, mais le résultat est d’une telle qualité ! Tout en faisant des concessions, notamment illustrer les images de façon quasi littérale, ce qu’il évite de faire en temps ordinaire et qui l’a toujours poussé à refuser les films d’action ou les films d’horreur, il conserve à 100% sa patte si originale, attribuant au petit robot toute sa batterie d’instruments déglingués qui illustrent à merveille sa maladresse et sa drôlerie.

 

Danse avec les étoiles

 

Plus de trois quarts d’heure durant, le musicien nous entraîne dans un merveilleux ballet entre suspense, action et émotion, enchaînant les changements de registre avec sa virtuosité coutumière et changeant mille fois d’apparence tout au long des trente-cinq morceaux qui lui sont consacrés. À l’opposé de bon nombre d’autres compositeurs qui optent pour une présentation de leur musique sous forme de longues séquences où priment cohérence et continuité, Newman privilégie l’éclatement, l’effet de kaléidoscope et d’arabesque, livrant à l’auditeur une fascinante mosaïque pleine de couleurs et de fantaisie : ainsi les surprenants The Spaceship et Eve Retrieve, morceaux d’action enlevés et chargés de cuivres ronflants, croisent-ils la grâce et la délicatesse des superbes Eve et Define Dancing, portés par l’un des thèmes les plus émouvants que Newman ait composés ces dernières années, ou encore l’humour de First Date, pastiche de sérénade façon comédie musicale des 50’s, et de Foreign Contaminant, excellente scène de suspense et d’aventure.

 

En complément de sa tendance naturelle aux pistes méditatives et poétiques, le compositeur nous offre encore de vrais instants de grâce (Directive A-113, Fixing WALL-E) ainsi que plusieurs envolées symphoniques de toute beauté (The Axiom) dans lesquelles on reconnaît la maestria de Road To Perdition (Les Sentiers de la Perdition) ou encore de Cinderella Man (De l’Ombre à la Lumière). On lui pardonne alors ses longs moments de silence – deux films en 2006, un seul en 2007, deux en 2008 – s’il nous livre de tels bijoux lorsqu’il prend la baguette… Nominé dix fois aux Oscars, y compris pour les deux productions Pixar, Thomas Newman verra-t-il un jour son talent récompensé ? Il l’a amplement mérité depuis longtemps et l’on ne peut que lui souhaiter de travailler à nouveau sur un projet de grande envergure qui lui vaille enfin une reconnaissance éclatante. Quoi qu’il en soit, au vu d’une carrière en demi-teinte depuis 2009, WALL-E s’impose à ce jour comme la dernière grande musique du compositeur.

 

Mechanical romance

Gregory Bouak
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