Alien vs. Predator (Harald Kloser)

Monster Squad

Disques • Publié le 15/09/2010 par

Alien vs. PredatorALIEN VS. PREDATOR (2004)
ALIEN VS. PREDATOR
Compositeur :
Harald Kloser
Durée : 38:20 | 18 pistes
Éditeur : Varèse Sarabande

 

2 out of 5 stars

Pauvre Harald Kloser ! Même sans parler de la médiocrité du film sur lequel il a dû travailler, comment un compositeur d’aussi peu d’envergure pouvait-il espérer assumer sereinement l’héritage de monstres sacrés tels que Goldsmith, Horner, Silvestri et Goldenthal ? Au-delà des contraintes de production, ce choix témoigne peut-être aussi du manque de discernement du metteur en scène Paul Anderson, dont les collaborations musicales – à l’image des films – vont du meilleur (Event Horizon de Michael Kamen) au pire (Mortal Kombat de George S. Clinton). Suite au succès de Resident Evil, Paul Anderson a d’abord voulu se tourner de nouveau vers Marco Beltrami mais s’est finalement retrouvé avec Kloser, compatriote et nouveau collaborateur attitré de Roland Emmerich depuis Thirteenth Floor, sans doute retenu par la production grâce à la réussite de The Day After Tomorrow (Le Jour d’Après), autre grosse machine issue de la 20th Century Fox en 2004. Certes, on ne demandait pas au compositeur de livrer un chef-d’œuvre, mais il aurait sans doute pu écrire un score efficace dans la lignée de celui de John Frizzell pour Alien Resurrection, avec des thèmes marquants, des scènes d’action percutantes et des orchestrations soignées.

 

Afin de se distinguer, Kloser choisit de ne reprendre aucun des thèmes musicaux des opus précédents. Pourquoi pas ? L’ennui, c’est qu’il ne propose pas grand-chose pour rivaliser, se contentant d’une musique assez fonctionnelle. Le seul thème vraiment identifiable, très lyrique et du coup étonnamment hors-sujet (dans Alien Vs. Predator Main Theme et The End… Or Maybe Not), ressemble trop à celui de The Day After Tomorrow : il permet évidemment de faire contrepoids face aux morceaux ténébreux et dissonants qui dominent le score, mais on n’a vraiment pas l’impression de se trouver dans l’univers d’Alien ni dans celui de Predator. Cette tonalité lyrique, tantôt mystérieuse tantôt contemplative et nostalgique, portée par les chœurs, le piano et des synthés planants, se retrouve dans Bouvetoya Island, Southern Lights et Temple, lorsque les héros arrivent en Antarctique, se racontent leur enfance et rêvent encore à une découverte merveilleuse en entrant dans la pyramide. Tout cela est bien gentil, mais était-ce vraiment ce qu’on était venu chercher ? À tous niveaux, l’action met trop de temps à s’installer et l’album rachitique produit par Varèse, long de 38 minutes alors que le film en contient pas loin du double, accorde une trop large place aux scènes d’exposition. C’est dommage car le compositeur a fait l’effort de s’adjoindre un orchestre et une chorale de belle ampleur.

 

Alien vs. Predator

 

Dans le film, la musique remplit son rôle mais ne se fait guère remarquer et peine à transcender ce qu’on voit – ou pas – à l’écran. En écoute isolée, c’est pire encore car le découpage de l’album accentue cette incapacité à marquer vraiment l’auditeur : sur dix-huit pistes, seules huit atteignent ou dépassent les deux minutes ! La plupart du temps, la musique oscille entre nappes atmosphériques un peu plates ou vaguement inquiétantes et flambées d’action orageuses, hélas beaucoup trop brèves. Antarctica propose un motif entraînant interprété par des cuivres altiers et des percussions claquantes, mais il retombe très vite dans l’anecdotique. De même, Down The Tunnel et Hanging Bodies débutent frénétiquement avec moult violons couinants et sonorités synthétiques agressives, mais ils voient leur élan stoppé net au-delà d’une minute et c’est seulement à partir de Dark World que l’on se réveille pour de bon. On trouvera de bonnes choses dans Weyland’s End, très emphatique, et dans la confrontation finale avec la reine Alien (Showdown), saturée de dissonances. Malheureusement, l’ensemble ne convainc jamais et manque trop d’unité, de force et de personnalité.

 

Au bout du compte, seules deux pistes méritent d’être retenues dans le score d’Alien vs. Predator. La première, Alien Fight, illustre la meilleure scène de combat entre les deux créatures, menée à un rythme d’enfer, déchaînée et belliqueuse à souhait, contenant enfin un peu de l’énergie présente dans Aliens (Aliens, le Retour) de James Horner. La seconde, History Of The World, correspond cette fois à la meilleure scène tout court, qui donne un bref aperçu du passé glorieux où les Predators, tels des divinités aztèques, étaient adorés au sommet de pyramides entourées de vaisseaux spatiaux avant de devoir se sacrifier, pris d’assaut par des myriades d’Aliens en furie. Après une reprise du thème principal, ce morceau fait entendre un puissant crescendo de chœurs apocalyptiques et de lourdes percussions (l’apanage des nobles Predators), opposé à des nuées de cordes crissantes illustrant la progression des Aliens qui finiront par triompher. Tout le film et toute la musique auraient dû être à l’image de cette unique séquence : barbare, sauvage, démesurée, synthèse délirante de mythologie et de science-fiction horrifique. Hélas, le temps qu’on se fasse cette réflexion, l’album est fini et l’on se demande si l’on a vraiment entendu quelque chose… Quel gâchis !

 

Alien vs. Predator

Gregory Bouak
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