Shrek Forever After (Harry Gregson-Williams)

Il était une fois de trop...

Disques • Publié le 04/08/2010 par

Shrek Forever AfterSHREK FOREVER AFTER (2010)
SHREK 4 : IL ÉTAIT UNE FIN
Compositeur :
Harry Gregson-Williams
Durée : 42:05 | 16 pistes
Éditeur : Varèse Sarabande

 

4 out of 5 stars

Probablement affilié à la saga Shrek jusqu’à disparition définitive (de la créature mais non du musicien, espérons-le !), Harry Gregson-Williams s’attaque au quatrième volet des aventures de l’ogre vert. Déjà auteur la même année d’un score y allant fort sur les moyens mais sans convaincre vraiment, le compositeur de Prince Of Persia : The Sands Of Time (Prince Of Persia : les Sables du Temps) avait encore beaucoup à faire pour effacer la déception de Shrek 2 et pour transformer l’essai de Shrek The Third en véritable réussite. Heureusement, à l’instar du film, meilleur que son pathétique prédécesseur (ce qui n’est pas bien difficile), Gregson-Williams remonte la pente et parvient à livrer, en guise de bouquet final pour ce qui est censé être l’ultime chapitre de la saga (mais sait-on jamais…), un travail enfin satisfaisant, voire brillant. Précisons en outre que l’aspect indéniablement plus ample, consistant et ambitieux de ce dernier score est très bien servi par l’album qui, une fois n’est pas coutume, propose de nombreux morceaux de trois à quatre minutes permettant à l’auditeur d’apprécier une réelle progression narrative et musicale.

 

Plus encore que dans Shrek The Third, le compositeur a fait le (bon) choix de s’appuyer sur ses musiques épiques afin de garantir à l’ogre la dimension héroïque qui l’avait si bien servi dans le score écrit en collaboration avec John Powell. Cette fois-ci, c’est Prince Caspian (Le Prince Caspian) composé précédemment qui semble avoir servi de modèle : dès le premier morceau, après la traditionnelle reprise du thème des contes de fées, les volutes flûtées se noient dans des ténèbres bienvenues et l’orchestre entame une sorte de brève cavalcade qui rappelle immédiatement la chevauchée inaugurale du second volet de The Chronicles Of Narnia. Le spectateur est ainsi directement plongé dans l’action tandis que l’arrivée de chœurs funèbres garantit une atmosphère sombre et dramatique parfaitement appropriée à la magie démoniaque du lutin Rumpel.

 

Principal ressort dramatique du film et du score, ce nouveau personnage a droit à son propre thème, une petite phrase vigoureuse dont les cuivres sonnent comme un appel à la chasse et sont soutenus par des chœurs mystérieux. Le premier morceau qui lui est consacré, Rumpelstiltskin, est l’un des plus fascinants de l’album : sorte de portrait musical très contrasté, tantôt lumineux et enjôleur, tantôt sombre et menaçant, il illustre à merveille l’étrange séduction exercée par ce Méphisto miniature, alternant les petites marches ironiques et les complaintes de comédie, mettant en avant ici les pizzicati des violons, les flûtes et les clochettes, là une harpe hypnotique et un marimba, plus loin des sonorités synthétiques discrètes et un piano mélancolique. On reconnaît en outre dans ce morceau une ultime reprise de The Perfect King (Lord Farquaad dans le premier Shrek), le motif associé au méchant dans chaque film de la saga et apparaissant pour la première fois sous une forme réellement et intelligemment modifiée.

 

Shrek Forever After

 

Toutes les pistes associées à Rumpel et à son univers, terrible renversement d’un monde familier dans lequel Shrek multiplie les découvertes, sont mouvementées, véhémentes, agressives et presque horrifiques. Beaucoup mieux orchestrées que dans les deux opus précédents, chargées de cuivres, de cordes et de chœurs mélodramatiques comme dans les meilleures partitions d’Alan Silvestri (Van Helsing notamment), elles témoignent d’une véritable évolution et donnent l’impression que le musicien a enfin eu carte blanche. À ce titre, le meilleur morceau est sans doute Shrek Signs The Deal : après avoir conclu le pacte, Shrek se retrouve dans un décor apocalyptique et subit une attaque de sorcières déchaînées au son d’une musique délirante et follement entraînante, construite autour d’un thème à la guimbarde et au violon soutenu par des rythmes synthétiques inattendus mais du meilleur effet. La mélodie devient de plus en plus frénétique et s’enfle en une gigue dantesque qui rappelle Drag Me To Hell (Jusqu’en Enfer) de Christopher Young. Gregson-Williams s’essaie pour la première fois au registre gothique et force est de reconnaître qu’il s’en sort très bien : ses envolées symphoniques et chorales à dos de balais évoquent tantôt Witches Of Eastwick (Les Sorcières d’Eastwick) de John Williams, tantôt Hocus Pocus de John Debney, des incontournables du genre !

 

À tout moment l’on dépasse le stade du mickeymousing bas de gamme qui plombait les deux musiques précédentes : celle-ci fait preuve d’une grande intensité, tant dans les domaines de l’humour et de l’émotion que dans ceux de l’action et du drame. Same Day, Every Day, à la fois malicieux et tendre, renoue de manière heureuse avec le style enjoué et sautillant du premier Shrek, sur un mode néanmoins différent et plus typique de Gregson-Williams que de Powell. Les thèmes issus du score d’origine (ceux des contes de fées, du dragon et du finale) et les divers gimmicks associés aux compagnons du héros (les accords de guitare hispanique pour le Chat Botté devenu « potelé »), font l’objet de variations plus satisfaisantes que dans Shrek 2 et Shrek The Third et la douleur du héros prend des dimensions shakespeariennes dans le crépusculaire The Exit Clause ou encore dans le très élégiaque Fiona Doesn’t Love Me. Pour finir, on bascule carrément dans les batailles grandioses de Narnia lors des pistes qui illustrent le combat de Shrek et de ses semblables contre l’oppresseur : à partir de Ogre Resistance jusqu’à His Day Is Up en passant par Planning The Attack, Deal Of A Lifetime et Rumpel’s Defeat, ce ne sont qu’attaques de percussions martiales et larges déploiements de cordes soyeuses, de cuivres altiers et de chœurs solennels, agrémentés d’une quantité d’instruments aux sonorités cristallines garantissant à 100% la tonalité merveilleuse. Pour la première et la dernière fois, Gregson-Williams est enfin parvenu à s’approprier l’univers de Shrek et à le faire correspondre avec brio à sa propre personnalité : il était temps !

 

Shrek Forever After

Gregory Bouak
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