SHREK 2 (2004)
SHREK 2
Compositeur : Harry Gregson-Williams
Durée : 38:45 | 22 pistes
Éditeur : Varèse Sarabande




Pour Shrek 2, on prend (presque) les mêmes et on recommence ! Cette fois, Harry Gregson-Williams est seul aux commandes, son comparse John Powell ayant préféré se consacrer à d’autres projets. Autant le dire tout de suite : il aurait mieux valu l’inverse ! En effet, les travaux effectués en commun par les deux musiciens sont porteurs d’une verve et d’un style particulièrement enthousiasmant que l’on retrouvera encore un peu dans Sinbad, Legend Of The Seven Seas de Gregson-Williams mais plus du tout par la suite chez ce compositeur. Au contraire, chez Powell, cette patte dynamique et fantaisiste, ce talent pour les mélodies et les orchestrations accrocheuses se retrouveront pleinement dans Evolution en 2002. De là à dire que c’est Powell qui a écrit le meilleur de Antz, Chicken Run et Shrek, il y a un pas que nous ne franchirons pas car ce serait faire preuve tant d’injustice que d’ignorance, d’autant que ces trois scores sont le fruit d’une intime collaboration. Mais Powell prouvera indéniablement par la suite qu’il est vraiment l’homme de la situation pour les films d’animation – entre autres, bien sûr – alors que Gregson-Williams s’épanouira davantage dans les ambiances sombres et mystérieuses, graves et solennelles.
Précisons d’abord que les chansons tiennent à nouveau la première place et que le score passe indéniablement au second plan de ce second opus. Tout comme pour Shrek, il a fallu attendre six mois avant de voir sortir le score album, mais on aurait tout à fait pu s’en passer cette fois-ci… Le reproche principal que l’on peut adresser à Shrek 2 est sans doute de ne proposer absolument aucun nouveau thème (et l’on ne dit pas « thème marquant », on dit simplement « thème » !), se limitant à de simples variations sur les mélodies et motifs du premier volet, qu’il finit par épuiser. Peut-être est-ce la faute des producteurs et/ou du réalisateur, mais le constat n’en est pas moins navrant. Le morceau inaugural, Prince Charming, se présente comme une sorte de medley enchaînant le thème principal de Shrek, associé aux contes de fées et à la princesse Fiona à grand renfort de cordes et de voix féminines sucrées, le thème du dragon et le thème du final. Ces trois thèmes seront réentendus ici et là tout au long de la partition sous diverses formes, dans Fiona’s Room (quasiment un décalque du finale du premier volet), The Potion Room, Not Meant To Be, Muffin Man, All Is Revealed ou encore Dragon!!, mais systématiquement dans des versions affadies, jamais aussi brillantes ni aussi agréables à écouter que dans l’original. Le dernier titre est significatif car il reprend le thème grandiose du dragon qui illuminait le score de Shrek et le réduit à un petit motif minimaliste, tendre et familial, signe de la déperdition générale en matière d’aventure et d’ambition épique.
Reprendre des thèmes déjà employés dans le cadre d’une même saga paraît tout à fait normal et logique, mais il s’agit également de les renouveler et de les transcender, ce que le film ne permet pas de toute façon puisque la musique originale n’y intervient que par tout petits segments : du coup, l’album est à son tour fractionné en morceaux souvent très brefs. Paresseux, le score de Gregson-Williams fait appel aux mêmes effets comiques que par le passé (le « couac » final des cuivres dans Far Far Away pour illustrer le ridicule des personnages) et parcourt encore des sentiers connus dans Not Meant To Be (voir Eating Alone dans Shrek, lorsque le héros est seul et déprimé) ou encore dans Leaving Home qui fait réentendre les violons malicieux et les clochettes de The Perfect King, en moins bien évidemment. À part cela, c’est le néant sidéral composé d’une grande quantité de titres purement descriptifs, fonctionnels et oubliables, destinés à accompagner les passages de mystère, de suspense, d’attente… Ces morceaux atmosphériques ou de mickeymousing illustrent pleinement le sens de l’expression underscore : ils jouent leur rôle dans le film mais ne présentent aucun intérêt en dehors, si bien que l’on voit avec ennui les pistes défiler sans qu’on ait rien entendu d’un tant soit peu enthousiasmant.
Les quelques esquisses d’aventure sont malheureusement très vite réprimées et les séquences d’action a priori excitantes ne décollent jamais – ce qui est tout de même gênant lorsqu’un dragon est en jeu ! On trouve pourtant dans The Factory un emballement prometteur, dont les envolées chorales rappellent Sinbad, Legend Of The Seven Seas et les flambées de cuivres les James Bond signés David Arnold ; il y avait là, tout comme dans Get The Wand, de quoi faire quelque chose de puissant et Harry Gregson-Williams avait déjà prouvé plusieurs fois qu’il en était capable… Hélas ! Que reste-t-il alors à se mettre sous l’oreille ? Des curiosités, des exercices de style occasionnés par le recours systématique à la parodie, allant du baroque (Far Far Away) à la valse façon Johann Strauss (Family Dinner), en passant par des accords de guitare hispanisants associés au Chat Botté (By The Ol’ Oak), un morceau rythm & blues (Tonight On « Knights ») et une reprise jazzy du thème principal façon musical de Broadway (The Ball). À la longue, le score comme le film finissent par ressembler à un collage de pièces hétéroclites. C’est frustrant, c’est mou, c’est définitivement peu inspiré. Passez votre chemin, car sans John Powell la magie s’en est allée far far away…