FRIDAY THE 13TH (2009)
VENDREDI 13
Compositeur : Steve Jablonsky
Durée : 44:18 | 13 pistes
Éditeur : New Line Records




Compositeur de huit films sur onze, Harry Manfredini aurait pu s’imposer comme un élément-clé de la réussite du nouveau Friday The 13th. S’attendait-il à être contacté ? Lorsque les journalistes lui ont posé la question, il s’est avoué un peu déçu de ne pas avoir participé à l’aventure… On pouvait s’y attendre mais les regrets n’en sont pas moins présents. Michael Bay à la production, Marcus Nispel à la réalisation… Tout cela ressemble trop à une redite de la formule gagnante de The Texas Chainsaw Massacre pour que la musique échappe à Steve Jablonsky. Seul compositeur des studios Remote Control à pouvoir porter la casquette «horreur» alors que le genre est certainement le moins bien servi par Hans Zimmer et sa clique, Jablonsky en est à son cinquième essai et n’a manifestement plus rien à prouver. Mais voilà ce qui est dommage : pour un Friday The 13th réalisé en 2009, il paraît évident que Manfredini aurait été obligé de se renouveler, il n’aurait pas pu livrer un score aussi kitsch que ceux de Jason Goes To Hell et de Jason X ; c’est pourquoi l’on était curieux d’imaginer ce qu’il aurait fait. Jablonsky, déjà auteur du très paresseux The Hitcher (Hitcher) en 2007, se contente pour sa part de recycler ses précédents travaux et n’a semble-t-il aucune intention de se creuser la cervelle.
Bien entendu, comme Graeme Revell dans Freddy vs. Jason, il réemploie le fameux «Ki… ki… ki… Ma… ma… ma…» composé par Manfredini pour le film original mais c’est à peu près la seule concession qu’il fera à l’univers musical culte d’une saga presque trentenaire. En effet, pas l’ombre d’un violon dans le style de Psycho à l’horizon, pas de longs mouvements de cordes tendues, pas non plus de mélodies pastorales associées aux héros et censées contrebalancer à la noirceur ambiante. Le compositeur de Transformers opte une fois de plus – probablement autant par choix personnel que pour des raisons budgétaires – pour une partition majoritairement synthétique destinée à créer une atmosphère glauque et malsaine. Plus stressante que réellement angoissante, elle illustre la tendance actuelle consistant à délaisser l’aspect thématique et à travailler davantage sur le sound design, à inventer des sons toujours plus discordants et désagréables afin d’agresser l’oreille du spectateur plutôt que de l’enjôler avec de belles mélodies avant de verser subtilement dans la terreur. Alors que le maître du frisson Christopher Young appartient à l’ancienne école dans la tradition de Bernard Herrmann et Jerry Goldsmith, Jablonsky fait partie de cette nouvelle génération axée sur l’électronique et l’industriel, intégrant certains éléments de la techno, du metal, du dark, génération hélas un peu vaine.
Le score du remake contient tout de même un semblant de thème associé à Jason : quelques notes de piano noyées dans des nappes synthétiques ténébreuses et rejointes par des voix sépulcrales aux accents totalement glaçants. Le générique d’ouverture, qui voit renaître la légende, s’avère donc suffisamment inquiétant pour garantir au spectateur quelques sueurs froides (hélas, les images ne tiendront pas leurs promesses…). Le «Ki… ki… ki… Ma… ma… ma…», savamment instillé ici et là dans le film, est lui aussi une garantie d’efficacité. Après ça, on a droit à la soupe habituelle, plus ou moins savoureuse selon les heures et les palais : souffles rauques et oppressants, suites de sons – plutôt que mélodies – dépressifs et mortifères, sonorités couinantes et gémissantes issues de la caverne d’un monstre, multiples grincements, grondements, bourdonnements, rugissements évoquant la sauvagerie et la torture, rythmes synthétiques obsédants déjà entendus dans les Texas Chainsaw Massacre, The Amityville Horror (Amityville) mais aussi The Island, percussions tribales, cavalcades effrénées, crescendos atomisants de violence marqués par des vrombissements électriques illustrant l’avancée inexorable du tueur vers sa proie.
Au final, Steve Jablonsky remplit sa part du contrat avec professionnalisme et efficacité et l’on aurait tort de reprocher à la musique l’agacement que l’on ressent durant toute la projection. Cela dit, il demeure regrettable que le compositeur ait réservé à Jason Vorhees un traitement strictement identique à celui de Leatherface et qu’il n’ait pas cherché à créer un univers spécifique pour cette créature au charisme si… particulier. Avec Friday The 13th, la mode du score horrifique électro-industriel atteint vraiment ses limites, à tel point que Jablonsky en vient par moments à plagier Charlie Clouser, lui aussi arrivé en fin de parcours avec les derniers Saw. Il est temps désormais de passer à autre chose même si le genre semble encore avoir ses adeptes. De toute façon, l’échec généralisé du long-métrage de Marcus Nispel s’est vu sanctionné par l’édition d’un album purement commercial ne contenant qu’à peine quatre minutes de score, ce qui ne pourra que le plonger plus profondément dans les limbes. Quel gâchis !