Avatar (James Horner)

Soldat Bleu

Disques • Publié le 28/06/2010 par

AvatarAVATAR (2009)
AVATAR
Compositeur :
James Horner
Durée : 78:52 | 14 pistes
Éditeur : Atlantic Records

 

3.5 out of 5 stars

Après avoir collaboré avec Stelvio Cipriani, Brad Fiedel, Alan Silvestri et James Horner, c’est finalement vers ce dernier que James Cameron avait choisi de revenir pour Titanic, malgré leurs différents sur Aliens (Aliens, le retour), pour une partition qui reste encore aujourd’hui le plus gros succès commercial de tous les temps dans la catégorie des bandes originales. C’est donc sans surprise que James Horner se retrouve embarqué sur le vaisseau à destination de Pandora, trouvant enfin l’occasion de se remuer un peu après quelques années d’une carrière en pré-retraite. Lui qui semblait abonné aux gros films à la fin des années 90 et qui se retrouvait encore associé à des titres tels que Troy (Troie) et The Legend Of Zorro (La Légende de Zorro) il n’y a pas si longtemps, signe désormais seulement une ou deux musiques par an, essentiellement pour des drames intimistes. Depuis Apocalypto, on n’a eu droit qu’à l’éblouissant The Chronicles Of Spiderwick (Les Chroniques de Spiderwick) et aux méconnus The Life Before Her Eyes (La Vie devant ses Yeux) et The Boy In Striped Pyjamas (Le Garçon au Pyjama Rayé). Et s’il n’a composé que la partition d’Avatar en 2009, c’est parce qu’il y a travaillé un an et demi ! Il paraît que le réalisateur s’est montré, comme à son habitude, particulièrement exigeant et difficile, obligeant le compositeur à réécrire et à remanier sans cesse sa partition. Maintenant, la qualité du résultat est-elle proportionnelle au nombre d’heures passées dessus ?

 

Au risque de verser dans les clichés et la critique facile, on ne peut rester neutre face à cette nouvelle composition car, comme d’habitude avec James Horner, on a la sensation irritante de se trouver face à un recyclage massif. Dès You Don’t Dream In Cryo…, on retrouve l’emploi des chœurs synthétiques et de la voix féminine si caractéristiques de son style (Apollo 13), le fameux motif dramatique de quatre notes (prenez à peu près toutes les partitions héroïques de Horner depuis Willow), la trompette soliste aux accents mélancoliques (Deep Impact), les grands crescendo de percussions et de cuivres tapissés de cordes solennelles comme dans A Perfect Storm (En Pleine Tempête)… La surprise vient plutôt d’une ressemblance assez prononcée par moments avec le style de James Newton Howard (le mélange orchestre/rythmes synthétiques créant la tension dramatique dans plusieurs scènes d’action rappelle beaucoup The Interpreter [L’Interprète]) mais aussi avec celui de Hans Zimmer (surtout dans les parties très percussives ou très électroniques, qui lorgnent aussi du côté d’un des mentors de Zimmer : Vangelis), dont un passage de Gladiator est quasiment plagié dans Gathering All The Na’vi Clans For Battle. Ces emprunts pourront d’autant plus agacer que le compositeur a déjà un univers très personnel et affirmé ; pour le reste, qu’on se rassure, c’est un véritable pot-pourri du James Horner que l’on connaît, celui qui a définitivement assis son style dans les années 90 pour ne presque plus évoluer depuis !

 

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Les envolées spatiales lui ayant déjà réussi par le passé, il ne s’en privera pas ici et nous fera sentir à nouveau à quel point l’immensité de l’espace peut se révéler fascinante et exaltante. L’exotisme – surtout le folklore des Indiens d’Amérique – étant également l’une de ses spécialités depuis Thunderheart (Cœur de Tonnerre), il nous ressert son mélange habituel de flûtes ethniques, de percussions, de castagnettes et de sonorités synthétiques pour les scènes de chasse et de confrontation avec les créatures de Pandora, sans oublier des passages planants tout droit sortis de The New World (Le Nouveau Monde). L’exploration du monde des Na’vis lui rappelant sans doute aussi celle des peuples d’Afrique, il rouvre la partition de Mighty Joe Young (Mon Ami Joe) et y va allègrement sur les flûtes, les percussions et les chœurs mixtes façon Lebo M pour illustrer toutes les séquences où Jake devient un Na’vi et apprend à voler à dos de dragon – sans parler d’un thème directement issu de Glory. Aussi agréables et entraînantes soient-elles, ces musiques n’en demeurent pas moins très ordinaires et l’on se demande s’il fallait pour cela faire appel à un « linguiste » ou à un « ethnomusicologue »…

 

Bien sûr, cela ne veut pas dire que sa partition pour Avatar soit indigente et dénuée de qualités, loin de là ! Elle apporte un plus indéniable aux images, contribuant largement à plonger le spectateur dans les splendeurs de Pandora, à l’émouvoir jusqu’aux larmes lors des scènes de découverte ou d’amour et à le faire littéralement décoller de son siège dans les séquences d’action. Au même titre que celle de Titanic, la bande originale d’Avatar entre pour une large part dans l’identité du film, qui se trouverait considérablement appauvri si elle était absente. Comme souvent, les moyens employés sont conséquents : grand orchestre, voix solistes, chœurs, multiples sonorités électroniques… Présente durant plus de deux heures dans le film, elle est généreusement représentée sur un album de près de 80 min divisé en longues plages de 6 à 11 min. Oscillant entre parties symphoniques traditionnelles, apports ethniques massifs et musique électronique façon new age, elle respecte parfaitement le cahier des charges ainsi que les attentes des spectateurs, même si l’on peut s’avérer surpris que le réalisateur n’ait pas exigé quelque chose de plus novateur. Et, comme souvent, les moments les plus réussis sont identiques à ceux des grandes musiques sentimentales écrites par Horner durant la décennie précédente telles Legends Of The Fall (Légendes d’Automne), Braveheart, The Perfect Storm et bien sûr Titanic : il s’agit des vastes morceaux lyriques et passionnés faisant appel aux thèmes langoureux et aux amples mouvements de cordes dont seul Horner a le secret et qui l’ont rendu à jamais incontournable.

 

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Le thème principal associé à l’amour de Jake et de Neytiri est une fois de plus une réussite absolue qui imprègne de toute sa poignante beauté l’ensemble de la partition. Proche de celui de Rose (Titanic) dans ses versions les plus élégiaques, il témoigne d’une véritable puissance d’inspiration et se retrouve ici et là lors d’infinies variations qui ne parviennent jamais à l’épuiser vraiment. Intervenant pour la première fois dans Jake Enters His Avatar World, interprété par une harpe et par des synthétiseurs aux harmonies cristallines puis repris tantôt par les violons tantôt par le piano, il est au cœur des meilleurs titres de l’album tels Pure Spirits Of The Forest, The Bioluminescence Of The Night et Becoming One Of « The People », Becoming One With Neytiri, qui proposent également de superbes passages atmosphériques aux sonorités envoûtantes ponctués de voix aux accents à la fois mystérieux et douloureux (là encore on pense à Apocalypto).

 

Ce sont ensuite les gigantesques morceaux d’action qui emportent l’adhésion, animés par un sens inné de la dramatisation et par un souffle épique totalement bluffant : proches de ceux de Troy, ils versent dans une emphase parfaitement appropriée au sujet à grands renforts de chœurs, de cordes, de cuivres et de percussions dantesques. Depuis l’apocalypse s’abattant sur les Na’vis et mettant leur monde à feu et à sang jusqu’à la révolte des peuples opprimés contre les méchants envahisseurs, le compositeur nous transporte au son d’hymnes galvanisants dont le plus impressionnant est évidemment War, long chant guerrier de plus de dix minutes dans lequel les orchestrations signées Nicholas Dodd font tout leur effet. À condition d’oublier la très dispensable chanson finale, Avatar est donc globalement une belle réussite qui, si elle ne fait preuve d’aucune originalité, constitue une séduisante synthèse de l’univers de son auteur et permet de prolonger à l’envi l’émerveillement suscité par le film de James Cameron.

 

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Gregory Bouak
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