The Goonies (Dave Grusin)

Les 400 Coups

Disques • Publié le 03/05/2010 par

The GooniesTHE GOONIES (1985)
LES GOONIES
Compositeur :
Dave Grusin
Durée : 79:17 | 34 pistes
Éditeur : Varèse Sarabande

 

4.5 out of 5 stars

Il était une fois, dans une petite ville riante et baignée de soleil, une bande de garnements dont le goût pour les fines plaisanteries était seulement surpassé par une soif presque désespérée d’aventures hors du commun. Cristallisant tous leurs fantasmes de richesses fabuleuses sur un parchemin jauni, ils eurent maille à partir avec la peu recommandable famille Fratelli, de vils faux-monnayeurs se dressant sur la route qui devait mener les intrépides héros au trésor du mythique corsaire One Eyed Willie, désormais réduit à l’état d’une squelettique dépouille, attendant au milieu d’un amoncellement de pièces d’or et de rubis que son navire, le bien nommé Inferno, s’arrache un jour aux ténèbres qui le retenaient captif depuis des siècles pour pouvoir, enfin, ressusciter l’âge sanglant de la piraterie !

 

Pourtant, point d’exaltants morceaux de bravoure ni de folles poursuites menées tambour battant au menu de la sympathique pochade de Richard Donner et Steven Spielberg, qui réduit à la portion congrue l’influence du film de pirate. Un certain charme continue cependant à se dégager de l’ensemble, peut-être parce que sous ses dehors innoffensifs, The Goonies fait preuve d’une inébranlable bonne humeur qui le garde de tout cynisme de mauvais aloi. Peut-être, également, faut-il y voir la puissance d’évocation de la musique de Dave Grusin, qui donne au film l’ampleur épique que la mise en scène de Donner reste impuissante à lui insuffler (« Et les hits de Cindy Lauper et compagnie, c’est du poulet ? » risquent de s’indigner les afficionados du film, fort marris de découvrir que la récente réédition du score par Robert Townson fait totalement l’impasse sur lesdites chansons).

 

The Goonies

 

Un choix déroutant, de prime abord, que celui du respectable compositeur de Three Days Of The Condor (Les Trois Jours du Condor), Heaven Can Wait (Le Ciel Peut Attendre) ou The Yakuza (Yakuza), guère accoutumé à travailler sur ce qui lui est d’abord apparu comme une farce pataude. N’aurait-il pas mieux valu appeler à la rescousse un Jerry Goldsmith dont l’inspiration déjantée avait déjà fait merveille sur le Gremlins de Joe Dante ou même, pour citer un autre vestige de l’âge d’or déclinant des studios s’étant parfaitement acclimaté aux bouleversements des eighties, Elmer Bernstein ? La réussite allait cependant s’avérer totale. Plutôt que de souligner, à grand renfort de mickey-mousing sautillant, l’humour bon enfant dont le script déborde, Grusin a judicieusement choisi de faire montre du plus grand sérieux, empruntant sans complexe aux fanfares héroïques du swashbuckler pour tenter de métamorphoser un divertissement poussif en trépidant film d’aventure. A ce titre, le fameux Fratelli Chase, avant d’être aiguillé par Spielberg vers le ton réjouissant et le rythme endiablé qui en ont fait l’un des passages les plus appréciés du score, avait d’abord été conçu par le musicien comme un véritable manifeste de ses nobles désirs de piraterie, ainsi qu’en témoigne la version alternative présentée en fin de disque.

 

Hormis The Goondocks et sa douce mélancolie, la première partie de The Goonies est surtout dévolue au halo inquiétant qui nimbe la légende de One Eyed Willie, que des synthés mystérieux viennent colporter jusque dans le repaire des méchants (Lighthouse, Restaurant Trash). Si la partition avance encore à pas feutrés, elle se permet, de loin en loin, quelques brèves incartades dans un registre plus animé, témoins Cellar And Sloth et la conclusion de The « It », Fifty Dollar Bills And A Stiff, où la découverte d’un corps au front percé d’une balle s’accompagne d’un martèlement répété qui n’est pas sans évoquer les célèbrissimes stridences du Psycho (Psychose) de Bernard Herrmann. Une certaine tension ne tarde d’ailleurs plus à sourdre à mesure que les turbulents héros, lancés sur la piste du trésor, s’enfoncent dans de sombres galeries truffées de chausse-trappes. Si, à l’écran, les nombreux dangers auxquels ils sont confrontés sont loin de générer un suspense suffocant, Grusin, pour sa part, n’hésite pas à déployer un large éventail de cordes agressives, de cuivres rentre-dedans et de glissandi de harpe pour entretenir l’illusion d’un péril mortel prêt à s’abattre au moindre instant. Le compositeur s’est vu toutefois contraint de mettre, ça et là, un peu d’eau dans son vin : la noirceur initiale de Triple Stones And A Ball a été diluée avec une reprise du thème espiègle de Data, et They’re Here And Skull Cave Chase n’avait, à l’origine, pas grand-chose du ton enlevé et quasi-cartoonesque avec lequel nous sommes familiers.

 

The Goonies

 

Le score prend soudain un tournant décisif avec l’excellent Playing The Bones, dont l’ambiance résolument tribale, mêlée aux sporadiques interventions d’un orgue menaçant, ouvre sur la partie la plus exaltante du film. C’est, dès lors, un Dave Grusin littéralement déchaîné qui rend un hommage fracassant au swashbuckler et à ses pointures musicales, tels Alfred Newman, Victor Young, Max Steiner et bien entendu Erich Wolfgang Korngold, véritable figure tutélaire du genre. Il n’est qu’à voir l’aisance déconcertante avec laquelle Grusin parvient à faire rugir le souffle de la grande aventure dans Water Slide And Galleon, alors qu’à l’image les jeunes galopins dévalent un rapide s’apparentant moins à un boyau aux parois rugueuses qu’au toboggan géant d’un quelconque AquaSplash, pour comprendre à quel point le compositeur est habité par son sujet. Le superbe thème de l’Inferno, précédemment inauguré avec lyrisme et finesse dans Wishing Well, acquiert ici une majestueuse dimension, tandis que l’héroïsme coloré de Sloth And Chunk renvoie autant au Superman de John Williams (le temps d’un délectable clin d’oeil) qu’au panache d’un Errol Flynn bondissant et ferraillant devant la caméra de Michael Curtiz.

 

Comme il se doit après pareille débauche symphonique, l’aventure s’achève en grande pompe avec le triomphal No Firme And Pirate Ship, qui adresse un ultime salut à l’Inferno, enfin libéré de son interminable emprisonnement sous la roche, et à son impitoyable capitaine, avide de voguer toutes voiles dehors vers des cités côtières à piller, des navires à envoyer par le fond et de riches et belles ladies à kidnapper.

 

The Goonies

Benjamin Josse
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