Orphan (John Ottman)

Mauvaise Graine

Disques • Publié le 12/04/2010 par

OrphanORPHAN (2009)
ESTHER
Compositeur :
John Ottman
Durée : 54:56 | 18 pistes
Éditeur : Varèse Sarabande

 

3.5 out of 5 stars

Après le très sympathique House Of Wax (La Maison de Cire), qui reste tout de même l’un des meilleurs films d’horreur «grand public» de la décennie (loin devant les remakes d’Halloween, Friday The 13th [Vendredi 13] et consorts), on était bien curieux de voir quel serait le nouveau film du talentueux Jaume Collet-Serra. Ce dernier choisit d’enchaîner avec Orphan, un film d’enfant maléfique, sujet peu original mais toujours porteur. La bonne impression éprouvée à la vision de House Of Wax se confirme heureusement dans Orphan : interprétation de qualité, mise en scène précise et efficace, talent indéniable pour créer en quelques plans une tension infernale, tout est réuni pour faire de ce film un nouveau must du thriller à glacer les sangs ! Une fois n’est pas coutume, l’histoire s’avère suffisamment sophistiquée pour garantir une certaine profondeur psychologique et des relations diablement perverses entre les personnages, tous liés les uns aux autres sans espoir de s’en sortir. Le plus effrayant dans tout cela, c’est que tout est plausible et qu’un enfant à la fois très intelligent et très perturbé peut se montrer aussi malveillant voire plus qu’un adulte, ce qui bouleverse tous nos repères…

 

Visiblement satisfait de sa première collaboration avec John Ottman, le réalisateur de House Of Wax a de nouveau fait appel à lui pour Orphan, toujours sous la bannière des studios Dark Castle Entertainment. Déjà auteur de partitions telles que Halloween H20 (Halloween, 20 Ans Après), Urban Legends : Final Cut (Urban Legend 2 : Coup de Grâce) ou encore Gothika qui ont fait de lui l’un des principaux maîtres de la peur depuis la fin des années 90, le compositeur évolue donc ici en terrain connu avec Orphan, trop connu même, diront certains… Dans le film, sa musique est d’une efficacité indéniable et l’on compte même plusieurs séquences dont la tension repose en grande partie sur elle, mais le réalisateur semble tellement s’appuyer sur la partition que celle-ci finit par en faire par moments un peu trop. Soit par manque d’originalité soit par excès de «jump-scares», elle pourra s’avérer d’un intérêt limité en écoute isolée pour bon nombre de béophiles, prompts à considérer que le compositeur n’a jamais eu grand-chose à dire.

 

Orphan

 

Tout commence bien cependant, avec un générique très électro au piano cristallin et hypnotique accompagné d’une voix aux sonorités envoûtantes rappelant le score rejeté de Cruel Intentions (Sexe Intentions), déjà marqué par une présence féminine aussi séduisante que perverse (ce générique sera repris à la fin dans Orphan’s Revenge sur un mode encore plus technoïde). Pour le morceau suivant, Ottman choisit de bouleverser l’ordre chronologique en retardant la scène de cauchemar inaugurale (Opening / Labor Of Love, très sinistre, à la fois atmosphérique et grinçante) et en privilégiant le lyrisme avec Suite For Jessica And Max, longue pièce émouvante consacrée aux deux premiers enfants du couple et aux quelques moments de bonheur familial regroupés au début du film. Tendre et émouvant, porté par un thème élégiaque très réussi, ce morceau est sans doute le sommet du score et fait état une nouvelle fois du talent de John Ottman pour les belles mélodies, depuis le générique de Usual Suspects jusqu’au récent Astro Boy : fragile, évanescente, majestueuse et passionnée, cette suite pour grand orchestre est déjà habilement parasitée par des accents plus inquiets voire tragiques, lourds de la catastrophe dont la famille ne se relèvera jamais vraiment. Puis, comme s’il avait tenté de nous rassurer au départ afin de nous engager à écouter l’album jusqu’au bout, le compositeur s’oriente très progressivement des sonorités affables du début vers des (dis)harmonies de plus en plus menaçantes et tordues, tandis que la méchanceté d’Esther prend toute son ampleur. La trouble séduction exercée par la jeune fille, véritable enfant prodige jouant admirablement du piano, peignant des toiles impressionnantes, s’exprimant dans un langage châtié et faisant preuve d’une intuition et d’une maturité sidérantes pour son âge, se traduit dans la musique par des morceaux délicats et enveloppants, mélanges de piano et de cordes évanescentes rejoints par les notes perlées du célesta et par des nappes synthétiques planantes. On retiendra notamment les très beaux Painting A Story / Esther Comes Home et Silent Story / Max’s Theme, sortes de berceuses mélancoliques et poignantes contenant déjà en germes la dégradation à venir. Quant à Something Nice, oscillant lentement entre ténèbres et lumière, il barbote en eaux troubles avec un art consommé de l’ambiguïté musicale.

 

Le suspense et l’action, introduits dans les trépidants Not Your Average 9-Year-Old et Destroying The Evidence, pleins d’effets de cordes couinantes et de lacérations synthétiques, de pizzicati claquants et de grondements électroniques, prennent toute la place à partir de Wet The Bed / Black Light, lorsque les parents comprennent enfin le danger que représente Esther. On bascule alors dans le chaos le plus total : expérimentations toujours plus poussées, rythmes très heurtés, percussions frénétiques, sonorités dissonantes et agressives, râles, soupirs et chœurs samplés sur un mode satanique, cuivres barrissants façon slasher movie, style lorgnant du côté de Christopher Young (Hellraiser, Jennifer 8 et Copycat)… Tout l’arsenal de l’horreur déployé depuis Urban Legends : Final Cut se retrouve ici, en plus sophistiqué et exigeant encore. Durant plus de dix minutes, depuis Snooping jusqu’à The Cold Shoulder, les oreilles de l’auditeur sont mises à rude épreuve et l’on comprend que certains, qui auront plus l’impression d’entendre du bruit que de la musique, choisissent de faire l’impasse sur cette partition. Hélas, rejeter l’ensemble de la BO d’Orphan serait oublier qu’elle contient au moins pour moitié de très belles choses. Bien que discret ces temps-ci, John Ottman a donc fort bien réussi son année 2009 et prouve qu’il a encore de la ressource. Vivement la suite !

 

Orphan

Gregory Bouak
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