Bad Boys (Mark Mancina)

Ambush Bay

Décryptages Express • Publié le 16/05/2016 par

BAD BOYS (1995)Bad Boys
Réalisateur : Michael Bay
Compositeur : Mark Mancina
Séquence décryptée : Footchase (1:33:35 – 1:37:46)
Éditeur : La-La Land Records

 

Mettons d’emblée les choses au clair : Michael Bay est un auteur. Le poète de la tôle martyrisée, le paladin de la vulgarité suintante, le grand chambellan de la malbouffe hollywoodienne. Des honneurs qu’à la sueur virile et grasse de son front, il aura conquis glorieusement. Loin du petit polar mode tel qu’il fut qualifié en toute innocence à sa sortie, Bad Boys apparait a posteriori comme le baptême du monsieur ; mieux encore, l’alpha et l’oméga d’une carrière qui s’est évertuée depuis à faire de la surenchère son principal carburant. Il marque également une étape importante dans le règne naissant du studio Media Ventures, qui devait adopter, plus tard, le nom de Remote Control. Au moins jusqu’à Armageddon, les musiques des premiers films de Bay sont toutes, pour Hans Zimmer et ses délicats apôtres, ce que votre serviteur éprouve quelque scrupule à appeler des « classiques. » A peine plus raffinées qu’un saucisse-frites englouti en trois coups de fourchette dans un relais routier, soit, mais du genre qui tient au corps, indéniablement.

 

Si les scores de cette époque désormais révolue pouvaient avoir, par-ci par-là, du punch à revendre, cela tient pour une grosse part à des action men du calibre de Mark Mancina (et de Nick Glennie-Smith ? Disons, point trop méchamment, qu’en dépit de sa présence au générique, il ne boxe guère dans la même catégorie que son confrère). La fameuse cavalcade pédestre de Bad Boys, qui lorgne autant Point Break que les poursuites en rupture de voitures des seventies, parle avec éloquence pour le compositeur. L’outrance du « Zimmer staïle » est contenue là tout entière, au risque de dérégler les compteurs et de faire craquer les coutures. Mais ça marche, le tempérament bouillant du trop oublié Mancina aidant. S’il y a une chose qu’on ne peut enlever à ce dernier, c’est bien le rythme, qu’il a enfoncé dans la peau et dont il fait la percutante démonstration quand, emboitant le pas à Will Smith et Martin Lawrence, il se lance aux trousses du méchant Tchéky Karyo. Attachez vos ceintures, comme les slogans des années 90 l’assénaient à longueur d’affiches, car la balade promet d’être mouvementée.

 

Footchase

 

Et elle l’est, sans aucune hésitation ! Entre un réalisateur pas peu fier d’exhiber ses muscles hypertrophiés et un compositeur accro à la testostérone, c’est à celui qui écrasera le champignon avec le plus d’ardeur. Aux méthodes épileptiques devenues légendaires de Michael Bay, qui accumule cadres biscornus et ralentis dans-ta-face, Mancina répond par une débauche rock ‘n’ roll. Le premier à en faire les frais est le joyeux babil reggae tenant lieu de thème récurrent à notre duo de super flics. Les pulsations synthétiques, omniprésentes, et la guitare électrique, qui feule à perdre haleine, sont impitoyables avec tout ce qui sort du cadre de leur sprint cocaïné et atomisent le plus infime soupçon de fantaisie. Pourtant, cette scène prêtait le flanc à un vrai brouillamini musical : caméra au poing, Bay déboule au beau milieu d’une séance de « photos artistiques », qui prophétise ses clips aux airs prononcés de porno chic pour la marque de lingerie Victoria’s Secret, puis fait irruption dans un salon de coiffure où s’entassent des ménagères hérissées de bigoudis (humour !) et, dans la foulée, renverse comme des quilles un escadron d’handicapés en fauteuil roulant (humour, bis repetita ! Non ?). De quoi donner d’excentriques coups de coude aux timbres sonores un peu trop sûrs d’eux.

 

Mais non. A l’instar de tant d’autres productions zimmeriennes, Bad Boys voit surtout dans l’action un prétexte à faire montre de sa clinquante virilité. Pas de doute, ce genre de comportement renvoie illico aux affres de l’adolescence, cet âge dit ingrat où le souci de la performance (« T’assures ou pas, mec ? ») prend le pas sur tout autre espèce de considération. Heureusement, à ce petit jeu-là, l’écriture de Mark Mancina, en osmose avec la merveilleuse puérilité de Michael Bay, brille par son inépuisable vélocité. Les grands esprits se rencontraient ici avec pertes et fracas, s’empoignant tels des lutteurs de foire au lieu de se serrer la main et d’échanger de spirituelles badineries. Hélas, ce ne fut que le temps d’un unique film ! En cette année 1995, Mancina, tout auréolé du succès d’un Speed bourré de calories, avait atteint le firmament de sa carrière. La suite ne devait plus être qu’un lent et insidieux retour à l’anonymat. Définitivement plus en odeur de sainteté auprès des puissants d’Hollywood quand les mauvais garçons effectuèrent leur fracassant retour en 2003, le compositeur dut céder sa place à l’ineffable Trevor Rabin. L’amateur de musique de film y gagna une migraine carabinée… et l’Histoire du cinéma, un monument d’art (très, très) primitif ! Que de gomme brûlée Mancina eût laissée dans son sillage si la porte ne lui avait été claquée au nez !

 

Benjamin Josse
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