Prix France Musique Sacem 2010

Carlo Crivelli récompensé

Évènements • Publié le 08/07/2010 par

C’est devenu au fil des années un rendez-vous important pour les amateurs et les professionnels de la musique de cinéma. Le Prix France Musique Sacem de la musique de film 2010 était remis vendredi 2 juillet à la salle Olivier Messiaen de Radio France (et retransmise en direct sur l’antenne de France Musique). Depuis 2006 en effet, les choix pertinents des différents jurys ont contribué à la crédibilité de cette initiative : Alberto Iglesias, Franco Piersanti, Gabriel Yared ont été récompensés lors des éditions précédentes. La qualité du concert qui accompagne la cérémonie, confié à l’Orchestre Philharmonique de Radio France, y est également pour quelque chose. Enfin, spécificité qui vaut d’être soulignée, le compositeur primé se voit passer commande d’une partition symphonique originale, destinée à être créée lors de la cérémonie de l’année suivante.

 

Le prix 2010 est allé à Carlo Crivelli, qui a rappelé en recevant sa récompense ce qu’il devait à Prokofiev et Chostakovitch (d’autres pourraient en faire autant…). Le musicien était distingué pour l’ample partition pour choeurs et orchestre de Vincere de Marco Bellochio, dont il est le collaborateur attitré depuis de nombreuses années. On pourra simplement regretter que les organisateurs n’aient pas prévu de faire entendre un seul extrait de sa partition, avec ou sans les images.

 

Le prix France Musique Sacem est aussi l’occasion de rendre hommage aux grands musiciens de cinéma du passé. Rarement programmé en concert, Dimitri Tiomkin était, peut-être pour la première fois, joué par un grand orchestre français, et son Strangers On A Train (L’Inconnu du Nord Express) ne manque pas d’allure, Tiomkin faisant partie de ces musiciens qui impriment d’emblée une marque très forte à leur musique. Le public n’a pu qu’être séduit par la vigueur des accents du compositeur ukrainien et par l’éloquence de son langage orchestral, ici au service de thèmes particulièrement inspirés. High Noon (Le Train Sifflera Trois Fois) était un peu moins convaincant, car reposant sur un matériau assez limité et trop répété, notamment les motifs repris systématiquement en crescendo, même si la mélodie « Si toi aussi tu m’abandonnes »  est encore dans bien des mémoires.

 

En deuxième partie de programme, deux musiques particulièrement célèbres de Maurice Jarre, arrangées par le musicologue et orchestrateur Christopher Palmer, qui fut l’assistant du musicien français pendant plusieurs années. Doctor Zhivago (Le Docteur Jivago), incontournable quand on évoque le nom de Jarre, n’est pourtant pas la facette la plus intéressante de son immense talent. Le thème principal un peu mièvre et les valses gentillettes interprétées ici ne font guère sentir toute l’ampleur de la fresque historique de David Lean. Heureusement il y avait aussi la très belle musique du générique, avec sa délicate introduction pour harpe et hautbois, et le thème de Varykino, une sorte de Troïka très réjouissante aux couleurs orientales. Le point d’orgue du concert était sans conteste Lawrence Of Arabia (Lawrence d’Arabie) En concert, c’est toujours un véritable monstre musical, touffu, hérissé de percussions furieuses et de cuivres stridents, avec un vrai souffle épique qui emporte l’auditoire. On ne peut que regretter que la suite soit si brève (une quinzaine de minutes). Il y a en effet dans cette monumentale partition largement de quoi constituer un programme plus consistant sans risque de lasser l’oreille.

 

Récompensé l’an dernier pour la musique de Télépolis, l’argentin Leo Sujatovitch, également présent dans la salle, a présenté en quelques mots sa pièce Rêves et Désir. Peut-être un peu décousue, un peu longue aussi, elle nous emmène dans un univers musical fort différent de celui de Tiomkin ou Jarre. Fantasque, jouant sur la suggestion, passant sans cesse d’une ambiance à une autre, évoquant comme son titre l’indique  les images fugaces et insaisissable du rêve, Sujatovich y puise à de nombreuses influences : romantisme, musique de film, jazz, tango (avec notamment la présence du bandonéon), dans une pièce qui déconcerte parfois, mais séduit par sa légèreté et sa fluidité. L’Orchestre Philharmonique de Radio France, dirigé par le jeune chef Christophe Mangou, confirme qu’il est devenu une très belle formation, fiable et précise, même dans un répertoire inhabituel. Côté animation, on regrettera cependant un peu la bonhomie souriante de Frédéric Lodéon, présentateur de la soirée l’an dernier. Signalons enfin que l’oeuvre de Léo Sujatovitch est disponible à l’écoute sur le site de France musique (rubrique Concert en réécoute) pendant un mois après le concert.

Stephane Abdallah
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