Godzilla (Alexandre Desplat)

Y'a comme un lézard...

Disques • Publié le 30/05/2014 par

GodzillaGODZILLA (2014)
GODZILLA
Compositeur :
Alexandre Desplat
Durée : 59:53 | 20 pistes
Éditeur : WaterTower Music

 

2.5 out of 5 stars

Il s’en est fallu de bigrement peu. A la vue des premières images, montrant des parachutistes crevant un apocalyptique amoncellement de nuages pour découvrir une mégalopole ravagée, les fans du Roi des Monstres avaient senti un délicieux doute fissurer leurs diatribes déjà prêtes à l’emploi. Et les trailers suivants, dominés par une titanesque masse écailleuse que la poussière et le feu masquent aux regards affolés des humains devenus lilliputiens, avaient presque réussi à les convaincre de déposer les armes. Après le crime de lèse-majesté commis à la fin des années 90 par Roland Emmerich, peut-être cette nouvelle percée de Godzilla sur le front hollywoodien allait-elle redorer son blason terni ? Evidemment, les choses ne se déroulant pas exactement comme on le voudrait toujours dans l’Usine à Rêves, il s’avère que les colosses du kaiju eiga, auxquels le film se proposait de rendre un vibrant hommage, tiennent surtout lieu d’oripeaux trompeurs à un énième film catastrophe. Pas foncièrement raté, loin s’en faut, mais jamais à la mesure d’un des mythes les plus vivaces du cinéma japonais. Gareth Edwards, envoyé au charbon sur la seule foi de son intrigant premier long Monsters, a surtout démontré qu’il n’était pas le fils spirituel d’Inoshiro Honda. Quant à Alexandre Desplat… Sa carrière a pris ces dernières années un virage pour le moins musclé, et cet ombrageux Godzilla en est le nouveau jalon.

 

Ce ne pourrait être là que le besoin, fort compréhensible pour un artiste ayant déjà pas mal trainé ses guêtres, d’orner son arc de cordes flambant neuves. A moins qu’il n’en ait tout simplement eu assez de l’image nettement répandue de compositeur intériorisé, peintre délicat des sentiments et du non-dit, qui lui colle à la peau telle une décalcomanie indélébile. Quoi qu’il en soit, force est d’admettre que Desplat, aujourd’hui, fait feu de tout bois. Des raids arabisants (Zero Dark Thirty, Argo), du John Williams sous papier aluminium (Rise Of The Guardians), un pastiche alerte et non dépourvu de malice des scores militaires du Golden Age (The Monuments Men) et, donc, une partition grondante à la gloire du lézard atomique, dans laquelle le compositeur s’est abstenu pour cette fois de trop faire du pied à ses voisins.

 

Godzillaaaaaa!

 

Le thème principal n’a ni le panache des fameux hymnes martiaux d’Akira Ifukube, ni la dimension grandiloquente qu’avait su insuffler David Arnold au précédent Godzilla yankee, mais s’affaire davantage, à l’ombre de ses dantesques références, à creuser une voie médiane. Le résultat, bien qu’il possède son petit caractère, déçoit par le côté assez générique de ses ostinati de cordes et échoue à transfigurer le cliché, manifestement trop séduisant, des percussions orientales qui tambourinent à satiété. Desplat fait le job, diront les esprits prosaïques en haussant les épaules. Pour être exact, il peine à laisser éclater la fureur viscérale dont il nous avait fait l’alléchante promesse, un peu trop hardiment sans doute : ce terrain-là n’a jamais été celui où se dévoile son profil le plus flatteur.

 

A l’instar du film, qui, pensant intensifier le suspense, commet l’erreur fâcheuse d’exacerber sans relâche la frustration du spectateur, Desplat attend l’ultime ligne droite pour employer ses meilleures cartouches. Car il en disposait de quelques-unes malgré tout, tel ce Last Shot assez singulier où le thème principal, après qu’il ait été stoppé net par les accents gutturaux du basson, tient lieu de rampe de lancement à un fulgurant crescendo. Ces faux airs de compte à rebours ne manquent pas d’ingéniosité alors que Godzilla, sur le point de vomir son souffle atomique, voit sa crête dorsale s’auréoler peu à peu de flammèches bleues. Ses ennemis ne peuvent résister à de pareils torrents d’énergie, et le Roi des Monstres, sa mission accomplie, s’en retourne dans le triomphal essor des cuivres de Back To The Ocean. Desplat, en ces instants, a bel et bien abandonné l’irritante demi-mesure qui lestait de plomb les Airport Attack ou autres Let Them Fight au lieu de leur donner l’occasion de justifier leurs titres querelleurs. Mais cette hargne rédemptrice arrive hélas trop tard pour chasser l’ennui poli suscité par une écriture très mécanique. Tant et si bien que l’on soupçonne la prolifération des éloges autour de ce Godzilla, le qualifiant de partition « atomique », de n’avoir été motivée que par un goût irréfléchi pour les calembours usés jusqu’à la moelle…

 

Godzilla

Benjamin Josse
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