Dream House (John Debney)

Péril en la demeure

Disques • Publié le 17/11/2011 par

DREAM HOUSE (2011)
DREAM HOUSE
Compositeur :
John Debney
Durée : 56:18 | 15 pistes
Éditeur : Varèse Sarabande

 

3.5 out of 5 stars

Le très peu excitant Dream House, saturé de clichés et porté par des stars fatiguées, constitue une double surprise. Tout d’abord, celle de voir l’Irlandais Jim Sheridan, connu pour ses drames à Oscars avec Daniel Day Lewis, s’attaquer à un pur film de studio, fantastique qui plus est. Ensuite, celle de le voir collaborer avec John Debney, archétype du rouleau-compresseur hollywoodien, formaté à l’extrême et presque entièrement dénué de personnalité. Sans doute le compositeur de The Passion Of The Christ (La Passion du Christ) a-t-il été recommandé au metteur en scène pour ses partitions fort honorables dans le registre fantastique et horrifique. Totalement sclérosé depuis plusieurs années dans le genre éculé de la comédie romantique et familiale, Debney en revient alors à un peu plus d’exigence et c’est tant mieux.

La véritable bonne nouvelle de Dream House, dont la musique est tout ce qu’il y a à retenir, est que Debney est désormais le seul – ou en tout cas le plus doué – à pouvoir revendiquer la place occupée jadis par James Newton Howard, musicien aujourd’hui sinistré. En effet, l’influence du compositeur attitré de M. Night Shyamalan a toujours été très présente chez Debney et c’est de nouveau le cas ici. Seulement, vu que JNH n’est plus là pour le faire, son héritier peut s’en donner à cœur joie et marcher à loisir sur les traces de Dragonfly (Apparitions), son précédent opus «howardien», pour le transcender complètement ! Les amateurs de musique symphonique à l’ancienne seront ravis : les orchestrations, comme souvent chez le compositeur, sont extrêmement soignées et l’orchestre, de taille imposante, est secondé par des chœurs et des voix solistes de toute beauté.

Rachel Weisz dans Dream House

Le thème principal, longuement exposé dans le morceau d’ouverture, est délicat et lyrique à souhait, rappelant dans ses premières notes celui de The Last Airbender (Le Dernier Maître de l’Air), ce qui ne surprendra personne, mais aussi celui de Jacob Groth pour Men Who Hate Women (Millenium, le Film), injustement méconnu. Interprété tantôt par une voix féminine tantôt par un violoncelle douloureux, rehaussé par toutes sortes de sonorités cristallines, ce thème imprègne de sa poignante mélancolie l’ensemble de la partition. Par la suite le compositeur alternera les adagios sombres et dépressifs, marqués par les cordes et le piano, les longs morceaux de suspense (Peter Searches) et les moments de passion décomplexée (les déchirants Little Girls Die et Redemption, qui devraient laisser peu de gens insensibles…), toujours avec un sens aigu du drame et de la tension. Oscillant savamment entre tendresse et violence, le score progresse tout au long d’un album richement pourvu (presque une heure de musique) sans jamais ennuyer l’auditeur.

Bien sûr, Debney n’évite pas les clichés inhérents au genre et verse à plusieurs reprises dans de la terreur de commande où transparaît sa longue expérience du genre (Intruders, Peter Ward’s Room) : effets de manche orchestraux en pagaille, fréquents sursauts et avalanches de sonorités dissonantes, tout cela a déjà été entendu maintes et maintes fois mais l’ensemble est toujours rattrapé par des mélodies inspirées confiées à des instruments solistes (souvent les bois, dont le potentiel de mystère et d’envoûtement n’est plus à prouver) et par des moments d’une virtuosité indéniable. Parmi ceux-là, il faut citer l’impressionnant Murder Flashback, qui illustre la révélation finale à grand renfort de cordes déchaînées, de cuivres agressifs et de percussions fracassantes, ainsi que Peter Saves Ann, ouragan symphonique d’une puissance salvatrice. Après de nombreux scores plus anecdotiques, John Debney revient donc à point nommé nous prouver qu’il demeure un compositeur intéressant et ponctuellement capable de très bonnes choses. À défaut de génie, on saluera son savoir-faire et son talent, heureusement aptes à se préserver de l’influence envahissante des studios Remote Control, désormais très présente également dans le domaine fantastique et horrifique.

Dream House

Gregory Bouak
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