Gnomeo & Juliet (James Newton Howard)

James Newton Howard & Elton Gnome : haut les nains !

Disques • Publié le 24/02/2011 par

Gnomeo & JulietGNOMEO & JULIET (2011)
GNOMÉO & JULIETTE
Compositeur :
James Newton Howard
Durée : 60:07 | 14 pistes
Éditeur : Walt Disney Records

 

2.5 out of 5 stars

Pour les musiques de ses deux précédents films, le très fade Spirit : Stallion Of The Cimarron (Spirit : l’Étalon des Plaines) et le très cabotin Shrek 2, le réalisateur Kelly Asbury avait obtenu les services des studios Remote Control par l’intermédiaire d’Hans Zimmer puis d’Harry Gregson-Williams, qui tous deux avaient signé des scores très faibles. Pour le très laid Gnomeo & Juliet, il décide de réemployer la riche idée qu’il avait eue pour Spirit : associer un nom très bankable de la musique de film et un nom très bankable de la scène rock/pop. À la place de Zimmer, il fait appel à l’autre compositeur des Batman de Christopher Nolan, James Newton Howard, et remplace Bryan Adams par Elton John. Ce dernier avait déjà signé The Lion King (Le Roi Lion) puis The Road To El Dorado (La Route d’El Dorado) avec Zimmer et avait aussi travaillé avec Howard dans les années 70/80 : bref, on reste en famille ! Quant à Howard, il fait appel de son côté à son proche collaborateur depuis quelques années : le jeune Chris Bacon, auteur des scores de Space Chimps (Les Chimpanzés de l’Espace) et d’Alpha & Omega.

 

Alors que le nom et le visage de JNH restent inconnus du grand public, Elton John se taille évidemment la part du lion, au point qu’on lui consacre même l’essentiel des reportages liés au film dans les journaux télévisés : pas de doute, Gnomeo & Juliet, c’est le grand retour du chanteur favori de la reine d’Angleterre ! On ne sait ce qu’il en est de ses fans, mais les autres estimeront sans doute que tout ce battage est fort surfait puisque la plupart des titres présents sur l’album sont des reprises de vieux classiques déjà écrits par Bernie Taupin et interprétés par Elton John dans les années 70. Le charme de ces chansons est incontestable mais, contrairement à celles de The Lion King, et très logiquement puisqu’elles n’ont pas été composées pour le film, elles ne jouent aucun rôle dans la progression de l’intrigue ni dans la caractérisation des personnages et ne sont là que lors de brefs interludes récréatifs dans lesquels on voit des nains de jardins faire des courses de tondeuses, danser en string ou jouer du piano avec des lunettes fantaisie – clin d’œil tout naturel quand on sait qu’Elton John est aussi producteur exécutif du film… Seules deux chansons sont inédites : Hello Hello et Love Builds A Garden, ce qui réduit le nouveau matériel à un peu plus de sept minutes. Si l’on y ajoute le gros quart d’heure de score présent sur l’album (un scandale étant donné que le film en contient au moins trois fois plus), on obtient seulement, sur une heure, vingt-quatre minutes de la « vraie » musique de Gnomeo & Juliet ! C’est ridicule.

 

Présente lors de la première rencontre entre Gnoméo et Juliette et illustrant le coup de foudre, la chanson Hello Hello est incontestablement la plus mémorable du film : portée par une mélodie et un refrain entraînants, elle rend parfaitement compte de l’émerveillement et de la joie liés à la révélation de l’amour ; certes, elle n’aura sans doute pas le même succès que Can You Feel The Love Tonight (d’abord parce que le film de Kelly Asbury, médiocre et incapable de trouver le ton juste entre puérilités et second degré réservé aux adultes, n’aura jamais la même popularité que The Lion King, ensuite parce qu’Elton John est depuis longtemps passé de mode, enfin parce qu’elle est sûrement moins inspirée !), mais elle n’en demeure pas moins fort sympathique. Plus sérieuse et plus émouvante, évoquant l’amour sur un mode plus nostalgique, Love Builds A Garden fonctionne assez bien aussi et surtout sert vraiment à raconter une histoire, ce qui est tout de même le minimum exigible…

 

Romance chez les nains de jardin

 

Vient alors la musique originale, qui hélas entérine le constat effectué depuis plusieurs années au sujet du compositeur de The Last Airbender (Le Dernier Maître de l’Air). Hormis lorsqu’il collabore avec M. Night Shyamalan, celui-ci n’est plus que l’ombre de lui-même, et le fait qu’il place cette fois-ci le nom de Chris Bacon au même rang que le sien au générique ressemble étrangement à un passage de flambeau… ou bien au début d’une ère nouvelle où JNH, qui suit les traces d’Hans Zimmer depuis un bon moment, va créer à son tour une écurie dont il ne sera que le superviseur. Cela fait froid dans le dos, étant donné l’impersonnalité qui caractérise déjà bon nombre de ses dernières partitions… Dans Gnomeo & Juliet, impossible de savoir qui a fait quoi, sachant que le site IMDb mentionne en plus deux compositeurs additionnels. Ce qu’on peut remarquer, c’est que c’est efficace dans le film, écrit et orchestré de façon très professionnelle mais aussi très conventionnelle, sans spontanéité, sans âme et sans inspiration pour les thèmes, ce qui laisse penser que JNH a définitivement jeté l’éponge pour adopter désormais le mode pilotage automatique de ses principaux imitateurs, à savoir ce même Bacon mais surtout John Debney : c’est quand même le comble !

 

Les quatre pistes présentes sur l’album s’efforcent de résumer l’ensemble du travail effectué par les deux compositeurs et de proposer un échantillon des différentes ambiances conçues pour illustrer tant les scènes d’action que les scènes d’émotion et de comédie. Quelques notes de clavecin puis une envolée de clarinette ; quelques notes de clavecin puis une envolée de cor anglais ; quelques cordes soyeuses puis retour de la clarinette, plus malicieuse encore ; pizzicati, puis brusque emballement de trompettes… La recette du mickeymousing est parfaitement maîtrisée, presque trop, et l’on se croirait à nouveau dans Nanny McPhee & The Big Bang : certes, James Newton Howard avait livré en son temps avec Space Jam un excellent exercice de style, mais qui reposait sur des thèmes beaucoup plus forts et faisait preuve d’un sens de la fantaisie autrement plus débridé. Dans Gnomeo And Juliet et Dandelions, tout n’est que routine. Quelques mesures de tendresse, quelques secondes de menace, un peu de piano et de guitare pour la romance, un peu de mandoline pour l’Italie, la musique papillonne afin d’épouser au plus près les moindres mouvements et grimaces des personnages et noie l’ensemble sous un déluge de clochettes ; il n’y a pas grand-chose à ajouter. La seule mélodie réellement identifiable et qui revient à plusieurs reprises n’est autre que le thème de la chanson Rocket Man, ce qui revient à dire qu’Howard et Bacon n’ont absolument rien proposé d’autre : quelle déception ! Dans le genre certes éculé de la comédie romantique, on est tellement loin des réussites de Dave (Président d’un Jour), de My Best Friend’s Wedding (Le Mariage de mon Meilleur Ami) ou même de One Fine Day (Un Beau Jour) !

 

Dans Bennie And The Bunnies, on s’oriente davantage vers l’action, toujours avec une touche d’humour puisque l’on verse sans cesse dans la caricature et dans l’excès. Sonneries de cuivres et emballements de percussions fracassantes à la John Powell, riffs de guitare électrique à la James Bond, rythmes synthétiques percutants, musique « bontempi » lorsque le nain et les lapins commandent la nouvelle tondeuse à gazon sur Internet, et pour finir percussions exotiques annonçant le danger imminent. Tout cela est plutôt savoureux et bien exécuté, mais hélas le morceau ne dure pas assez longtemps. Heureusement, on passe à la vitesse supérieure avec Terrafirminator, la meilleure piste des quatre. La longue séquence de confrontation finale mettant en scène l’engin délirant est accompagnée d’une musique véritablement dantesque, pleine de trompettes tonitruantes, marquée par une guitare électrique furieuse, des coups de cloche et des chœurs mélodramatiques maintenant la tension à plein régime durant plus de cinq minutes. À nouveau les ruptures de ton et de rythme sont légions mais cela fonctionne grâce à un sens de la démesure tout à fait réjouissant qui occasionne de fréquentes flambées d’héroïsme dans lesquelles culmine le thème triomphal de Rocket Man. Puis tout cela s’achève de façon abrupte et inattendue, sans véritable finale. On demeure perplexe : l’impression serait-elle meilleure si l’on avait pu entendre l’intégralité du score en écoute isolée ? C’est douteux. Ce qui est plus sûr en revanche, c’est qu’avec l’album actuel de Gnomeo & Juliet, on a avant tout affaire à de l’alimentaire et de l’anecdotique. On s’en passera aisément…

 

Elton Gnome dans un rôle à sa mesure

Gregory Bouak
Les derniers articles par Gregory Bouak (tout voir)