Alien vs. Predator: Requiem (Brian Tyler)

Requiem pour un Massacre

Disques • Publié le 15/09/2010 par

Alien vs. Predator: RequiemALIEN VS. PREDATOR: REQUIEM (2007)
ALIEN VS. PREDATOR: REQUIEM
Compositeur :
Brian tyler
Durée : 77:17 | 21 pistes
Éditeur : Varèse Sarabande

 

3 out of 5 stars

Suite à la partition décevante, fade et oubliable d’Harald Kloser pour le premier opus, un coup de balai s’imposait également au niveau de la bande originale pour Alien vs. Predator : Requiem – on dit « également » car si le film se devait lui aussi de relever le niveau, il s’avérera au final encore pire que son prédécesseur ! Brian Tyler, le nouveau compositeur choisi pour mettre en musique les créatures d’H.R. Giger et de Stan Winston, a pour sa part fort bien compris ce qu’il fallait faire pour satisfaire le public : se référer aux travaux de ses plus prestigieux aînés afin d’assurer une continuité et d’évoluer dans un univers solide. Présenté au début de sa carrière comme l’un des héritiers potentiels de Jerry Goldsmith, qu’il a remplacé sur Timeline (Prisonniers du Temps) et à qui il a succédé sur la saga des Rambo, Tyler était sans doute l’homme de la situation. En outre, sa collaboration régulière avec l’orchestrateur Robert Elhai le rapproche également d’Elliot Goldenthal, ce qui constitue une deuxième bonne raison de travailler sur un Alien ! Compositeur de deux Fast & Furious – des mots qui s’appliquent bien à sa musique – et rôdé depuis ses débuts au mélange action / horreur, il est ainsi on ne peut plus à l’aise sur le film des frères Strause.

 

À l’instar des deux créatures qui se charcutent à grand renfort d’effets gore, la musique d’AVPR est l’une des plus massives du genre. Interprétée par un orchestre gigantesque, elle aligne les morceaux de bravoure avec une rage et une endurance prodigieuses. Le compositeur ne cache pas dans ses interviews que ce score lui a demandé énormément d’efforts, tant sur le plan mental que physique vu que la direction d’orchestre, lors des séquences les plus acrobatiques, exigeait une énergie hors du commun. En résulte alors sa partition la plus volumineuse (tout comme Alien Resurrection pour John Frizzell – décidément, ces créatures sont bien gloutonnes !) qui, si elle est curieusement sous-mixée avec les images, prend toute son ampleur sur l’album, long de 77 minutes. L’orgie symphonique, qui vire parfois à la cacophonie, y est telle qu’on frise l’overdose et qu’il est recommandé de ne pas écouter le disque d’une seule traite…

 

Alien vs. Predator: Requiem

 

Fidèle à sa ligne de conduite, à savoir rendre hommage à chacun de ses illustres prédécesseurs (tous sont remerciés dans les credits, y compris les moins augustes tels Frizzell et Kloser), Tyler se focalise néanmoins sur l’un d’entre eux, et c’est logique : il s’agit d’Aliens de James Horner, le plus belliqueux de tous. AVPR se voulant un gros film d’action fracassant, la musique se déchaîne à coups de marches tonitruantes rappelant souvent The Planets (Les Planètes) de Gustav Holst, œuvre déjà largement citée dans Aliens. Hormis quelques morceaux d’angoisse marqués par des clusters de cordes omniprésents, de lourdes ponctuations de timbales et des grondements de cors menaçants, hormis des passages de suspense très proches de ceux écrits par Horner mais aussi par Goldsmith, ce ne sont, sur des plages de sept et même de treize minutes, qu’hurlements de cuivres frénétiques et cavalcades effrénées, tout cela avec le plus grand sens de la démesure. On pense bien sûr à Elliot Goldenthal pour l’aspect dissonant et le foisonnement des orchestrations, tandis que la tonalité très martiale de l’ensemble renvoie sans conteste à Alan Silvestri. Dans le film, Tyler se permet même quelques clins d’œil directs à l’auteur des deux premiers Predator via la citation du motif percussif étrange et oppressant associé à l’arrivée du monstre.

 

Au bout du compte, Tyler a-t-il marqué le genre de façon définitive ou bien n’a-t-il livré qu’une copie d’élève doué destinée à être oubliée en peu de temps ? La vérité se trouve sûrement, comme toujours, quelque part au milieu. Un exercice de style aussi brillamment exécuté pourra aisément susciter l’admiration voire l’enthousiasme des béophiles amateurs de musique « hénaurme », mais également laisser froids tous ceux qui attendaient quelque chose de plus inspiré et de plus sophistiqué (mais que pouvait-on espérer avec un film pareil ?). Les plus sévères ajouteront que même si l’on reconnaît ici et là des accents de Timeline ou de Darkness Falls (Nuit de Terreur), ces partitions constituaient déjà elles-mêmes des pots-pourris des styles de Goldsmith, de Goldenthal ou encore de Christopher Young, compositeur de l’Alien féminin de Species (La Mutante), lui aussi pastiché dans AVPR. Cela dit, rappelons tout de même que peu de jeunes compositeurs possèdent une telle maîtrise de l’orchestre symphonique et sont capables de livrer des scores aussi colossaux. Rien que pour ça, et pour le plaisir intense qu’il nous procure en faisant revivre l’espace d’un instant les regrettés Jerry Goldsmith et Basil Poledouris (voir les envolées impétueuses du finale, rappelant beaucoup Starship Troopers), Brian Tyler est un artiste appréciable dont la place à Hollywood n’est pas imméritée.

 

Alien vs. Predator: Requiem

Gregory Bouak
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