Extreme Justice (David Michael Frank )

Tout dans les Muscles #4 : Jury, juges et bourreaux

Disques • Publié le 26/08/2022 par

EXTREME JUSTICE (1993)
EXTREME JUSTICE
Compositeur :
David Michael Frank
Durée : 41:52 | 17 pistes
Éditeur : Milan Records

 

3 out of 5 stars

 

Quand Mark L. Lester, plaisamment coupable en 1985 du n’importe-nawak Commando avec l’ami Schwarzy (soutenu par la musique survitaminée d’un Horner alors en pleine ascension), s’essaie au film « sérieux », vaguement basé sur une série d’évènements ayant eu lieu au sein de la brigade S.I.S. (Special Investigation Section) à Los Angeles, on aurait pu s’attendre à ne pas à avoir un rictus gêné dès les premières minutes. Le réalisateur nous présente pourtant une équipe de choc (Yaphet Kotto, Andrew Divoff et le toujours impeccable Scott Glenn dans le rôle de Dan) dont les deux tiers arborent une magnifique moustache digne des années 70. Et d’emblée, nous voilà plongés, involontairement, dans une caricature du « policier cow-boy justicier qui s’arrange bien des lois qui ne lui conviennent pas. » Quand une jeune recrue, Jeff Powers, campée par un Lou Diamond Philipps (qui voudrait bien, lui aussi, posséder une moustache drue), déboule (avec malheureusement un duvet qui ne lui sied guère mieux) étalant une chevelure proche de la crinière d’un mustang sauvage, le vieux maitre de brigade se demande si ce jeune homme fougueux et un peu idéaliste ne va pas lui mettre des bastons dans les roues. Et pan, c’est gagné (c’est ça, l’expérience !) ! Le jeune Lou solitaire met le doigt dans un engrenage où l’objectif premier de la section est de laisser les voyous accomplir leurs forfaits pour mieux leur faire ingérer du plomb jusqu’à ce que mort s’en suive. Quitte d’ailleurs à maquiller un peu les preuves ou les faits. Lorsque la compagne de Jeff, journaliste de son état (la bien charmante Chelsea Field), découvre le pot aux roses et ramène Jeff à la réalité, celui-ci se rend au domicile de Dan pour lui signifier que la vérité sera révélée et qu’il quitte l’unité. S’en suit un fight en règle entre Jeff et Dan, le dernier plan voit Scott Glenn s’adresser directement à la caméra en s’écriant que personne ne le croira car le peuple sait ce que son fait son équipe, qu’il approuve ses méthodes et qu’il a besoin d’elle. Cette façon de prendre à parti le spectateur, pour le moins grossière, résonne tout de même encore aujourd’hui en posant la question des limites entre justice et sentence expéditive.

 

Cette farce tragique, mise en scène sobrement, avec certes pas mal de clichés, est appuyée par une musique urbaine, mi-électronique mi-orchestrale, signée par un compositeur (involontairement ?) spécialisé dans les films à balloches (et notamment une bonne partie de ceux de l’inénarrable acteur monolithique Steven Seagal à la fin des années 80) nommé David Michael Frank (qui officiera aussi sur Code Of Silence avec le non moins expressif Chuck Norris). Frank, possédant une solide formation de compositeur pour orchestre, brille ici par l’utilisation d’un thème tragique, lourd et menaçant, souvent joué par les cuivres sur fond de rythme lancinant aux timbales et de cordes bien noires. Ce thème est utilisé quasi ad nauseam dans presque tous les morceaux, excepté lorsqu’il s’agit d’illustrer les liens qui unissent Jeff à Kelly (très beau thème romantique, tout en retenue, qui apparait finalement peu mais qui fait figure d’oasis dans ce désert aride d’auto-justice). La démarche pourrait sans doute paraitre un brin paresseuse, voire facile. Elle est pourtant pleinement justifiée sous deux angles. Le premier étant que le thème central doit marquer le côté implacable de la mécanique utilisée par le S.I.S. Et le second, corollaire du premier, s’évertue à nous montrer que le jeune héros est en quelque sorte prisonnier de cette mécanique (ce qui est illustré par une faible variabilité des orchestrations). Les séquences d’action, quant à elles, curieusement, ne sont pas traitées au premier degré avec une avalanche de notes frénétiques, mais plutôt enclenchées par un loop synthétique efficace, très eighties, alors que l’orchestre se charge du développement de la tension. On ne pourrait pas vraiment affirmer que la partition de Frank soit iconique mais elle n’est pas non plus anecdotique. Elle rend compte d’une façon de faire du début des années 90 quand les producteurs de films d’action n’étaient pas encore tous tombés sous le joug Zimmerien et où des compositeurs comme Kamen, Poledouris ou Frank pouvaient encore faire sonner un orchestre d’une manière particulière.

 

 

Christophe Maniez
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