LES RIPOUX (1984)
Compositeur : Francis Lai
Durée : 36:26 | 15 pistes
Éditeur : WEA Editions (LP) / Play-Time (Digital)
Avec Les Ripoux, Claude Zidi connut son premier succès critique et obtint un triomphe public couronné par les Césars du Meilleur Film, Meilleur Réalisateur et Meilleur Montage. Après avoir travaillé avec Vladimir Cosma (La Moutarde Me Monte au Nez, L’Aile ou la Cuisse, Inspecteur la Bavure…) Zidi a fait appel à Francis Lai pour mettre en musique son quatorzième film. L’occasion pour le compositeur de renouer avec son instrument de prédilection, l’accordéon, et de découvrir un univers qu’il avait alors peu abordé : la comédie policière. Les Ripoux conte l’histoire de René (Philippe Noiret), un de ces poulets à l’ancienne, explorateur empirique du milieu, arpenteur des buttes de Montmartre et des marécages de la Plaine Clignancourt. Il regarde le banditisme de l’intérieur et, à force de côtoyer les « ripoux », se prend de connivence. Un beau jour, on lui adjoint François (Thierry Lhermitte), frais émoulu de l’École de Police et jeune provincial. Les deux flics n’ont rien en commun : l’un représente la compromission et l’autre l’ordre établi. René et François ne s’aiment pas, jusqu’au jour où François tombe sous le charme de Natacha (Grâce de Capitani), jeune femme aux atouts physiques généreux. René trouve quant à lui réconfort auprès de Simone (Régine), ancienne prostituée, et la morale de l’histoire montrera par voie de conséquence que le plus ripoux des deux n’est pas celui que l’on croit…
Le vinyle paru à l’époque permet de constater les différents horizons choisis par Francis Lai pour le film : le compositeur combine la modernité des instruments de l’époque (synthétiseurs, basse électrique…) et la symphonie sentimentale des personnages. En effet, le Générique, thème principal du film, est une mélodie nostalgique évoquant le Paris nocturne et l’humidité du pavé, un savoureux dialogue entre accordéon (René) et saxophone (François) soutenu par une rythmique légère évoquant parfaitement la roublardise et la différence entre les deux futurs compères. L’Arrivée de François allie le piano au synthétiseur, évoquant la venue du jeune provincial dans une ville et un monde qu’il va apprendre à découvrir, d’où une dualité piano (ordre établi) / synthétiseur (découverte d’un nouvel environnement). Alors que Barbès Ballade exprime la solitude des deux personnages (accordéon et saxo ténor solo), Au Rendez-Vous des Trotteurs et Simone se font plus intimes et plus mélancoliques dans leur structure musicale (guitare électro-acoustique, basse et piano).
Le Casse est un thème réunissant les synthétiseurs, la batterie et les guitares dans un style très funky qui n’est malheureusement utilisé que comme source sonore dans la scène où Natacha sort de son bain pour aller ouvrir la porte à René et François. Cependant, il est intéressant de noter la rythmique soutenue de ce thème opposant la jeunesse et la beauté de Grâce de Capitani au je-m’en-foutisme de Philippe Noiret. Première Rencontre est le thème d’amour du film, réunissant François et Natacha, d’où le raffinement et la finesse de la composition, alors que le Thème de François associe les violons, la basse et les synthétiseurs, nous offrant une véritable envolée symphonique, sorte de tourbillon musical illustrant le désarroi auquel François doit faire face, à savoir un nouveau monde, un nouvel ordre et une nouvelle conquête.
La suite se fait plus symphonique, plus dépouillée et plus romantique à travers des thèmes comme Love…, composé pour les scènes d’amour entre Lhermitte et de Capitani, et Canal de l’Ourcq, qui est une reprise du thème principal orchestrée acoustiquement. La grosse caisse et les synthétiseurs du thème Parking illustrent les retrouvailles nocturnes et interdites entre François / Natacha, et le thème Porte de la Villette se fait grave de par l’obsession et la redondance des notes saccadées des synthés. Shéhérazade fait partie de ces thèmes dont on ne se lasse pas tant il est gai, enlevé et coloré. Et pour cause, puisqu’il illustre une scène du dîner dans un restaurant russe. Francis Lai y joue la carte de la facilité : violons au rythme effréné au début pour illustrer le comique de la scène, puis ralentissement du rythme avec reprise du thème principal au violon solo pour nous faire partager ce moment d’intimité entre les deux amoureux. Le thème Retrouvailles, illustrant la sortie de prison de René devant laquelle attendent Simone, François et Natacha, est une véritable ode à l’amitié. Lai compose son thème de manière à nous émouvoir petit à petit : piano solo puis violons, pour finir sur une envolée symphonique de toute beauté. Dans le film, le thème a le même impact que sur le disque, et il est évident que toute la sensibilité et la tendresse du compositeur sont réunies dans ce thème ! Le disque se termine sur la reprise du thème principal, nous laissant l’image d’une solide remise en question sur le travail des policiers, leurs manières, leurs méthodes ainsi que sur l’opposition province / capitale et ripoux / flics intègres.
La musique des Ripoux annonce, à travers des thèmes comme Parking, ce qui sera l’ambiance et la couleur musicale d’Association de Malfaiteurs, et les premières notes de la chanson des Misérables de Lelouch se font entendre avec le thème Retrouvailles alors que la basse omniprésente de la partition rappelle le thème de Canicule d’Yves Boisset. Les Ripoux représente l’amorce d’une collaboration entre un réalisateur et un compositeur, et une étape importante dans la carrière de Lai, qui signe ici une musique empreinte de nostalgie, de mélancolie et de tendresse, trois des éléments de sa musique qu’il redéfinira et exploitera de nouveau pour Claude Zidi à travers les partitions de Association de Malfaiteurs en 1987, Ripoux Contre Ripoux en 1989 et Ripoux 3 en 2003.