Joshua (Nico Muhly)

Le Bon Fils

Disques • Publié le 06/08/2011 par

JoshuaJOSHUA (2007)
JOSHUA
Compositeur :
Nico Muhly
Durée : 46:37 | 16 pistes
Éditeur : MovieScore Media

 

4 out of 5 stars

Pour un film qui aurait aisément pu être accompagné d’une musique de Christopher Young ou de Marco Beltrami, le réalisateur George Ratliff a préféré faire appel à un tout nouveau talent : Nico Muhly. À seulement vingt-six ans, le jeune compositeur a déjà travaillé comme assistant de Philip Glass après avoir été élève de John Corigliano. Autant dire que ce spécialiste ès-musique contemporaine connaît son métier sur le bout des doigts ! Il a conçu pour Joshua une partition aussi austère et minimaliste que les images qu’elle illustre en s’appuyant sur un nombre réduit d’instruments : des cordes, un piano préparé, une flûte, une clarinette et quelques cuivres.

 

Associé au personnage du jeune garçon, le piano en devient le véritable reflet musical, très noir, à la fois mélancolique et menaçant (Chocking, Mummification). Dans New Baby et dans The Park, la tendresse se mue en tristesse, la musique comme les images se teintent d’une clarté trompeuse et plongent les personnages et l’auditeur dans une sorte de douce rêverie à la Debussy ou à la Satie qui ne tardera pas à se changer en dépression. Le mélange piano-xylophone-cordes crissantes évoque à de nombreuses reprises Christopher Young (par exemple Hider In The House et Jennifer 8), grand maître du thriller et de la terreur, ce qui contribue à ancrer le score de Joshua dans une riche tradition de musique de film angoissante. On pense évidemment à Jerry Goldsmith ou encore à Wojciech Kilar pour l’aspect très ténébreux et obsédant de bon nombre de morceaux. Le compositeur rend également hommage à son mentor Philip Glass, qui s’était illustré dans le fantastique effrayant avec les Candyman, par le biais d’une forme répétitive et entêtante et à l’aide d’une écriture pour cordes et cuivres qui rappelle beaucoup Kundun.

 

Longue suite de pièces mystérieuses et oppressantes d’un pessimisme absolu et d’un dépouillement quasi ascétique, la partition de Joshua bascule résolument dans l’horreur à plusieurs reprises : les pizzicati des violons ne sont plus seulement malicieux mais carrément diaboliques et les gémissements des cordes se font de plus en plus aigus et irritants, se tordant soudain comme dans The Haunting (Hantise) de Goldsmith ou se changeant en hurlements stridents comme dans Psycho (Psychose) de Bernard Herrmann. Le long morceau intitulé Hide And Seek, qui correspond à l’une des scènes les plus glaçantes du film, provoque un malaise dont peu d’auditeurs sortiront indemnes. Remarquablement écrite et orchestrée, subtile et délicate, ponctuée de trouvailles judicieuses et de perles sombrement poétiques, la musique de Joshua, tantôt très évocatrice tantôt abstraite jusqu’au néant, est un surprenant voyage au cœur des abîmes. L’expérience, bien qu’éprouvante, est chaudement recommandée et Nico Muhly s’affirme comme un nouveau talent à surveiller de près.

 

Joshua

Gregory Bouak
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