Friday The 13th – Parts I-V (Harry Manfredini)

C'est l'histoire d'un mec...

Disques • Publié le 20/07/2010 par

Friday The 13th I-VIFRIDAY THE 13TH – PARTS I-V (1980 / 1981 / 1982 / 1984 / 1985)
VENDREDI 13
Compositeur :
Harry Manfredini
Durée : 243:17 | 103 pistes
Éditeur : La-La Land Records

 

3.5 out of 5 stars

Deux ans après le succès d’Halloween – film fondateur qui, outre le fait de consacrer John Carpenter maître de la terreur moderne, marque le début d’une saga-culte et surtout lance la mode à la fois du slasher et du film de boogeyman – Sean S. Cunningham, ami de Wes Craven et producteur de The Last House On The Left (La Dernière Maison sur la Gauche), cherche un pitch accrocheur pour vendre un nouveau film d’horreur. Il pensera d’abord à un titre, Friday The 13th (Vendredi 13), puis à un slogan racoleur en diable : « Le film le plus terrifiant de tous les temps ! ». Il n’en faudra pas plus pour motiver les producteurs et pour faire naître une nouvelle légende. Comparée aux autres sagas horrifiques, celle de Friday The 13th sera indéniablement la plus vivace et la plus productive puisqu’en trente ans, on en arrive à pas moins de douze épisodes en comptant le récent remake de Marcus Nispel.

 

Dès le troisième opus, la formule est fixée et variera fort peu au fil des années : un tueur au look bien identifiable (le fameux masque de hockey) qui meurt à la fin de chaque film et revient au début du suivant, de jeunes héros interchangeables, dénués de personnalité et toujours généreusement dénudés (on ne s’en plaindra pas), des meurtres incroyablement nombreux – entre dix et quinze par film ! – et plus ou moins gore, une grosse perte de vitesse lorsque l’héroïne se retrouve seule survivante et tourne en rond dans les bois durant la dernière demi-heure du film, un affrontement final au cours duquel le tueur est démasqué et arbore un « visage » pourrissant chaque fois différent (un régal pour les maquilleurs !)…

 

Plus effrayants ou plus fun que les autres, Friday The 13th Part II, IV et VI sont sans conteste les meilleurs épisodes de la série, bien plus réussis que les tomes III, V, VII et VIII, uniformément ennuyeux. Fort d’un concept amusant – c’est cette fois-ci l’esprit maléfique animant le corps de Jason qui va s’emparer d’autres personnages et les transformer en meurtriers sanguinaires – beaucoup plus gore et sexe que les deux films précédents, Jason Goes To Hell (Jason va en Enfer) apporte quant à lui un peu de nouveauté et surtout en revient à l’esprit second degré du sixième opus, tout comme Jason X, qui envoie carrément le tueur de Crystal Lake dans l’espace ! Par la suite, la rencontre attendue depuis plus de dix ans par les fans, Freddy Vs. Jason (Freddy contre Jason), verra enfin le jour pour un résultat honorable mais peu marquant. Enfin, la firme Platinum Dunes produira coup sur coup deux remakes inutiles : Friday The 13th et A Nightmare On Elm Street (Les Griffes de la Nuit). Jason Vorhees peut donc encore attendre sa véritable résurrection…

 

Welcome To Camp Crystal Lake

 

Après quelques scores de courts-métrages réalisés dans les 70’s, Harry Manfredini s’attaque à l’épouvante en 1976 avec Through The Looking Glass (Femme ou Démon) et obtient la notoriété quatre ans plus tard avec Friday The 13th, qui lui vaudra de devenir le compositeur attitré de la saga avec huit chapitres sur douze à son actif. Après cela, il restera plus ou moins cantonné aux séries B horrifiques (Swamp Thing [La Créature du Marais], House, Deep Star Six [M.A.L.] ou Wishmaster), ce qui est un peu dommage compte tenu du CV impressionnant dont fait état la biographie de son site internet. En outre, la plupart de ses partitions demeurent inédites, ce qui n’aide pas à faire découvrir les travaux du bonhomme, ou bien sont uniquement pressées sous forme de CD-R (car les originaux sont épuisés depuis longtemps) et diffusées par le compositeur lui-même.

 

Ce fut notamment le cas des bandes originales des Friday The 13th, indisponibles depuis des lustres. En 1982, après la sortie du troisième film, les musiques des opus I à III furent éditées sous forme d’un LP (Gramavision Records) contenant un best of d’environ 35 minutes. C’était un peu maigre mais déjà mieux que rien ! En 1987, la même sélection avait été reprise par le label Milan pour une édition française, à son tour rapidement épuisée. Depuis cette date, on ne pouvait donc bénéficier que de Jason Goes To Hell (1993), aujourd’hui rare et onéreuse, et de celle de Jason X (2002), la seule aisément disponible. Malheureusement, ces deux musiques ne valent pas celles composées pour les premiers volets. Depuis 2005, on pouvait également se procurer une compilation des scores composés par Fred Mollin pour les septième et huitième films de la saga mais, là encore, on se retrouve frustré puisque cette compilation ne contient pas de musique de Manfredini.

 

Pendant longtemps, il a paru impossible de voir apparaître un jour une réédition satisfaisante des musiques de Manfredini, les bandes d’origine s’avérant, paraît-il, en très mauvais état. Fort heureusement, fin 2011, le désormais indispensable La-La Land Records a enfin réalisé le rêve de tous les fans de la saga et du compositeur : une édition soignée et surtout complète des six premiers scores de la saga, dans un coffret luxueux agrémenté d’abondantes notes et photos concernant l’épopée des Friday The 13th. Cette édition définitive, tirée à 1300 exemplaires et mise en vente le 13 janvier 2012, a été épuisée en moins de 24 heures.

 

Friday The 13th - Part III

 

Que dire à présent de cette musique qui a accompagné les exploits de Jason Vorhees durant presque une décennie ? Tout d’abord, et c’est tant mieux, que le compositeur a su éviter de copier la musique de John Carpenter pour Halloween, ce qui aurait pu s’avérer fort tentant. Ensuite, qu’elle ne se fonde pas sur un thème marquant et fédérateur mais plutôt sur une petite phrase insolite qui la rendra néanmoins célèbre : le fameux «Tch Tch Tch… Hh Hh Hh…», sorte de soupir oppressant devenu marque de fabrique de la saga et cité depuis sous forme de clin d’œil dans des dizaines de films ou de séries. Manfredini s’est expliqué nombre de fois à ce sujet : étant donné que le tueur n’était jamais visible à l’écran, il fallait du moins lui conférer une identité musicale, et c’est la mère de Jason elle-même qui a fourni la solution. Lorsqu’elle répète les paroles censées être prononcées par le petit Jason désireux de se venger («Kill her, mommy, kill her…»), le compositeur a enregistré et mixé à l’infini les mots «kill» et «mom» pour aboutir à ce résultat si efficace : «Ki… Ki… Ki… Ma… Ma… Ma…» ! Employé à intervalles réguliers de film en film, ce motif illustre le point de vue du tueur et signifie immédiatement que quelque chose d’horrible va se produire, tout comme dans Jaws (Les Dents de la Mer) – référence voulue par Manfredini – lorsque vous entendez «taada… taada… tatatatatatatatatata TA tata TA !»… Attention, le monstre arrive !

 

À partir de là, s’appuyant sur un musicien qu’il révère – Bernard Herrmann – et sur la musique qui symbolisera à jamais la terreur au cinéma – Psycho (Psychose) – Manfredini conçoit de longs morceaux en forme de montagnes russes alternant suspense, angoisse, faux retours au calme, mélancolie et horreur. Mêlant instruments acoustiques (orchestre de cordes avec quelques cuivres) et musique électronique pure incluant un remixage au synthétiseur des instruments précités, le compositeur illustre les scènes de poursuites avec des attaques frénétiques faites de crissements, de gémissements, de couinements et de susurrations de violons à n’en plus finir : on pense évidemment à la célèbre scène de la douche dans le film d’Hitchcock. En fait, il s’avère que la musique de Psycho est présente un peu partout dans Friday The 13th, y compris dans les moments de suspense, très inquiétants : ici l’on croit reconnaître un passage de The Peephole, là un extrait de The Stairs, et dans tous les cas l’on plonge dans un univers profondément malsain. Crescendos tendus et menaçants, atmosphère sourde et mystérieuse, sonorités étranges tantôt cristallines tantôt dissonantes évoquant les mille et un bruits de la forêt nocturne (le vent, la pluie, les animaux), explosions synthétiques ressemblant à des hurlements… Seuls l’errance de l’héroïne après la mort du tueur, et le générique de fin proposent une musique plus apaisée et romantique, presque planante.

 

Selon l’aveu du compositeur, le score de Friday The 13th lui a demandé beaucoup de travail et l’on comprend pourquoi : il est en effet d’une grande complexité et surtout d’une qualité et d’une efficacité sans faille. Dans les interviews, tous les participants au film racontent que lors des premières projections les spectateurs étaient terrifiés, qu’ils hurlaient et allaient même jusqu’à quitter la salle : nul doute que la musique d’Harry Manfredini y était pour beaucoup et qu’elle mérite donc amplement d’être redécouverte et rééditée ! À partir du second film, le recyclage va bon train et les scores consistent avant tout en ré-agencements et en ré-orchestrations du premier. Le compositeur s’amuse néanmoins à écrire, en collaboration avec Michael Zager et Hot Ice, un nouveau générique pour Friday The 13th 3D, qui revisite l’univers de Vendredi 13… façon disco, un exercice de style plutôt réussi et sympathique.

 

Jason fait le beau

Gregory Bouak
Les derniers articles par Gregory Bouak (tout voir)