Entretien avec Stéphane Lerouge #1

À propos du coffret anthologie 1964-2015 consacré à Ennio Morricone

Interviews • Publié le 06/03/2020 par et

Le coffret de 18 disques sorti fin 2019, bel et grand objet, comme une sorte de panorama subjectif de la carrière d’un monstre sacré prolifique et protéiforme de la musique de film, était l’occasion idéale d’une rencontre avec son principal maître d’œuvre, Stéphane Lerouge, expert ès musiques de cinéma, qu’on ne présente plus. Rappelons seulement qu’il est initiateur et responsable pour Universal France d’un catalogue impressionnant de disques principalement consacrés aux musiques de films français, et parfois étrangers, avec la collection Écoutez le Cinéma (plus de 140 titres parus) et de vinyles, doubles CD, coffrets long box ou plus fournis sur des compositeurs comme Gainsbourg, Georges Delerue, Maurice Jarre, Michel Legrand, ou des musiciens et cinéastes étrangers : John Barry, Lalo Schifrin, Quincy Jones, Martin Scorsese…

 

Ainsi, pour le 18ème numéro de notre fanzine Maestro dédié à l’œuvre du… Maestro, nous avons eu l’idée de l’interroger sur la genèse et la préparation du coffret, d’en savoir plus sur les coulisses auxquelles on a peu accès. Et qui d’autre que notre ami Laurent Perret, excellent connaisseur de nombreux compositeurs et de leurs musiques (dont en premier Morricone, Cosma, de Roubaix, et d’autres) pour assurer cette lourde mais enthousiasmante tâche ?

 

L’entretien qui suit est la version originale, française, de la partie consacrée exclusivement au coffret et éléments annexes ou liés, l’autre partie portant sur toutes les autres réalisations étant à venir dans le prochain numéro. Il est possible d’accéder, toujours gratuitement, à la version en anglais (avec notes complémentaires), de l’ensemble du fanzine sur chimai.com mais aussi sur Youscribe (tous numéros). Ce numéro 18 est disponible ici. Merci à tous les deux, ainsi qu’à UnderScores, de le rendre accessible en français, sa langue originelle.

PATRICK BOUSTER

 

Stéphane Lerouge et Ennio Morricone

 

Tu as déclaré que l’idée du coffret a été initiée par le Maestro lui-même comme un challenge lancé en marge de l’interview qu’il t’a accordée à la Cinémathèque de Paris en novembre 2018, lorsque tu lui as offert le coffret Legrand. Quand as-tu commencé à travailler concrètement sur le concept ?

Tout tient de l’enchaînement de circonstances. Quand son concert d’adieu parisien a été confirmé pour le 23 novembre 2018, Morricone a donné son accord pour une soirée hommage à la Cinémathèque Française, la veille du concert, hommage que Costa-Gavras, président de la Cinémathèque, lui avait proposé fin 2017. Cette soirée tombait un mois pile après l’ouverture de l’exposition Sergio Leone, conçue par Gian-Luca Farinelli du festival L’Immagine Ritrovata de Bologne. Frédéric Bonnaud et moi-même avons animé cette rencontre avec le Maestro, traduite par la fidèle Gioia Smargiassi. Cette même semaine sortait Michel Legrand, les Moulins de son Coeur, coffret 20 CD, ma dernière aventure partagée avec le grand Michel. Et, effectivement, dans les coulisses, j’en ai profité pour l’offrir au Maestro, qui m’a alors glissé avec malice : « Et pourquoi ne pas me consacrer le même projet ? » Tout est parti de là. Je m’y suis vraiment collé dès début janvier 2019, avec un temps de production finalement court pour un tel contenu : neuf mois, le temps d’une grossesse ! L’avantage, c’est la richesse objective du catalogue Morricone détenu par Universal (via la France ou l’Italie, notamment les anciens titres RCA, A&M, Mercury, Fox Records, Paramount Records…). L’idée était aussi d’atteindre ce fameux point d’équilibre, entre à la fois les standards incontournables, iconiques, et les raretés, une sélection transversale qui touche à la fois un large public et les morriconiens pointus. 

 

Lorsque tu as soumis le projet à l’aval du Maestro, a-t-il émis des suggestions et des objections spécifiques ou bien as-tu eu d’emblée carte blanche ? 

Non, il s’est montré très bienveillant, coopératif et absolument pas interventionniste. Le coffret Michel Legrand lui donnait une idée du format, de l’ambition du projet. Le Maestro a bien compris, je pense, le découpage thématique : par cinéaste (Leone en 5 CD, Tornatore, Verneuil, Joffé, Tarantino), par comédien (Belmondo), par genre (film politique, thrillers mafieux, histoire de l’Italie), plus un CD autour de chansons originales, de reprises et d’arrangements. A certains moments, je me suis demandé : « Pour nous, intégrer La Clé, pour la première fois en CD, représente une plus-value objective. Mais le Maestro va peut-être se demander pourquoi accorder une telle place à Tinto Brass… par rapport à Bertolucci ou Tornatore. » Finalement, mes craintes étaient injustifiées : il n’a pas tiqué. En revanche, il a suggéré que l’on commence Les Incorruptibles par sa véritable ouverture, The Strength Of The Righteous, et non par le End Title, ce fameux thème héroïque avec lequel, il l’a souvent avoué, il a peu d’affinités.

 

Ennio Morricone : Musiques de Films (1964-2015)

 

D’autres personnes de son entourage ont-elles joué un rôle dans l’élaboration du projet ?

Le dialogue avec Morricone était fluidifié par Gioia Smargiassi, sa précieuse interprète, puis par Giovanni, son fils cadet. Avec aussi, pour certaines vérifications, l’aide d’Andrea Morricone. Plus tous les éditeurs italiens, dont Giancarlo Losciale d’Universal Italie, Carlo Bagnolo de Cinevox et Valentina Piccarreda de Sugar. Plus les équipes d’Emi Publishing et Warner Chappell, aussi bien en France qu’en Italie. Côté américain, je citerai Holly Adams, Patti Taylor, Mary Ramos et Michael Murphy. Sans compter ta propre aide, cher Laurent, en tant qu’éminent morriconien.

 

Dans une interview accordée au site Muziq, tu as confié : «Je n’ose pas détailler le parcours du combattant juridique qu’il a fallu mener pour obtenir tous les accords à temps…»

C’est toujours acrobatique d’arriver à faire s’entendre autant de producteurs-éditeurs différents. Même en sachant que le Maestro était impliqué dans le projet, certaines sociétés ont tenté d’imposer leurs conditions de licence… qui n’auraient pas été justes en comparaison d’autres propriétaires. Voilà le pari : parvenir à traiter tous les intervenants sur un même plan d’équité, d’égalité. Il y a aussi toujours des exceptions : l’accord de la Paramount pour Il Était une Fois dans l’Ouest a été réglé en quarante-huit heures. Dans l’autre sens, il a fallu plusieurs mois pour que les vaillantes juristes d’Universal Music US remettent la main sur les contrats originaux Fox Records du Clan des Siciliens, bande originale devenue rare.

 

Le plus compliqué a été sans doute le CD 18, consacré à des arrangements et chansons originales. Car, dans ce cas, il faut souvent l’accord préalable de l’interprète ou de ses ayants-droit. Or, en l’occurrence, nous cumulions dix-neuf interprètes différents ! Là aussi, deux extrêmes : une rencontre impromptue avec Kyle Eastwood au concert de Quincy Jones, en juillet, m’a révélé sa relecture de Per le Antiche Scale (Vertiges)… Avant même que son propre album ne sorte, Kyle nous a généreusement autorisés à l’utiliser. Ce qui tient du symbole : le coffret s’ouvre avec Eastwood senior dans Pour une Poignée de Dollars et se referme avec Eastwood junior en trio, symétriquement. D’un autre côté, blocage total et irrationnel pour les titres de Mireille Mathieu, détenus par sa propre société, Abilène. Alors que j’aurais tant aimé intégrer J’Oublie la Pluie et le Soleil ou la version inédite de Moïse A l’impossible, nul n’est tenu. A défaut de Mireille Mathieu, nous sommes fiers de réunir notamment Aznavour, Sting, Pat Metheny et Charlie Haden, Astrud Gilberto, Bocelli et Ariana Grande, Alexandre Desplat et le Traffic Quintet… et évidemment Chico Buarque avec Lei No, Lei Sta Ballando, chanson préférée du Maestro dans l’album Per un Pugno di Samba.

 

Kyle Eastwood, Howard Shore et Jean-Paul Belmondo

 

L’un des attraits majeurs de cette édition, ce sont les trois plages inédites d’Orca, parmi lesquelles le mythique générique début interprété par Edda dell’Orso. Peux-tu nous raconter par quel miracle l’inclusion de ces morceaux, qui semblaient perdus à jamais, a été rendue possible ?

Les archives d’Universal ne contenaient hélas que la bande montée du 33 Tours original. Je me suis souvent demandé si le Maestro en avait réellement supervisé le sequencing. Comment avoir omis le sublime et élégiaque générique début… et avoir conservé l’anecdotique musique de source Un Ballo in Casa ? Une longue quête technique du côté des archives De Laurentiis a permis de mettre la main sur un bobinot quart-de-pouce contenant trois morceaux isolés… dont la fameuse ouverture. C’était un mixage mono, hélas, mais ça permettait néanmoins de faire exister ces trois titres, trappés du vinyle d’époque. C’est le genre de miracle auquel vous avez du mal à croire. Il aura fallu attendre quarante-deux ans pour que le générique d’Orca un véritable Graal, soit enfin publiée en disque ! L’écouter en studio, pour la première fois sans bruitages, m’a presque fait monter les larmes. En revanche, il n’a pas été question une seule seconde d’intégrer la chanson finale We Are One. Non pas que le Maestro ait été opposé à une version chantée du thème. Simplement celle-ci a été bricolée sans son accord, en posant la voix de Carol Connors sur une version instrumentale existante. Il aurait fallu que Morricone écrive un véritable arrangement, dans la tonalité de la chanteuse. Mais il faut voir le positif : je suis fier que, un quart-de-siècle après le CD Legend, cette bande originale iconique existe enfin dans sa version la plus complète possible.

 

Une autre rareté est la musique du spot Dolce & Gabbana, Dolce Rosa Excelsa, réalisé par Giuseppe Tornatore en 2015. Morricone a écrit une pièce symphonique remarquable à cette occasion…

A vrai dire, terminer le CD Tornatore sur le sublime Volti e Fantasmi de La Migliore Offerta était sans doute trop insolite, trop iconoclaste. Il fallait une fin qui ressemble à un final, ou l’inverse. En tout cas, une pièce davantage conclusive. En réalisant que cette musique de publicité était davantage écrite et pensée comme une musique de court-métrage, qu’elle était de surcroît inédite en disque, j’ai vite interrogé Giovanni Morricone qui nous a autorisés à l’intégrer au coffret. Il était aussi séduisant de voir le Maestro renouer avec l’inspiration de La Légende du Pianiste sur l’Océan, retrouver à l’écran Sophia Loren, autre mythe italien. Bref, c’était une façon inattendue de parachever un CD qui s’ouvre avec Cinema Paradiso, un chef d’œuvre objectif.

 

Ennio Morricone : Musiques de Films (1964-2015)

 

Tu proposes aussi la version du Regan’s Theme de The Exorcist 2: The Heretic réenregistrée par Morricone à Abbey Road en 2015 et parue uniquement sur un 33 Tours tiré à 1000 exemplaires contenant des extraits de The Hateful 8. Cette plage a-t-elle été difficile à obtenir ? 

Le coffret contient deux CD consacrés à Quentin Tarantino, l’un avec les musiques originales du Maestro pour ses films, l’autre avec les œuvres préexistantes qu’il a recyclées à partir de Kill Bill. C’est vrai, j’étais fasciné par ce 33 Tours promotionnel, à la fois l’un des plus récents… et des plus rares de Morricone. Comme si Tarantino avait voulu se faire plaisir, en s’offrant le Maestro et Abbey Road… juste pour un vinyle en tirage limité. Ça ressemblait à une folie, à un caprice de morriconien complétiste. Outre The Hateful Eight, il y avait plusieurs morceaux que Morricone n’avait jamais réenregistrés, dont le Regan’s Theme de The Heretic. Là aussi, ça a été un gymkhana pour remettre la main sur les disques durs mais, grâce aux services techniques d’Abbey Road, nous y sommes parvenus. C’est émouvant de voir comment, à presque quarante ans de distance, Morricone reprend ce thème dont le traitement original (les voix féminines, la rythmique) appartient à une période déterminée de son parcours, à un type précis d’orchestration. Et là, poussé par Quentin Tarantino, il doit s’immerger dans son propre passé. Ce qui ne manque pas de paradoxe : dans le coffret, c’est le réenregistrement de 2015. Mais dans le film, c’est la version originale de 1977.

 

As-tu rencontré des obstacles et nourris-tu au final des regrets quant à l’absence de certaines musiques que tu aurais aimé voir figurer dans le coffret ?

C’est vrai, il a fallu abandonner certains titres Universal, que je regrette un peu : The Red Tent (La Tente Rouge), A Time Of Destiny (Le Temps du Destin) ou encore ¡Átame! (Attache-Moi !), mais je savais que l’ami Jose Benitez de Quartet travaillait sur une édition anniversaire. Avec le recul, ça aurait été intéressant de consacrer un CD thématique aux collaborations uniques, ces grandes partitions fruits d’une rencontre sans lendemain : Malick et Days Of Heaven (Les Moissons du Ciel), Oliver Stone et U-Turn, Polanski et Frantic et, bien sûr, Almodovar. Petite déception aussi de ne pas avoir retrouvé le master du maxi 45 tours Virgin de Mission. Enfin, côté interprètes, la version de The Ballad Of Sacco & Vanzetti par Scott Walker n’aurait pas dépareillé dans le CD 18… Mais, à vrai dire, mon seul et unique regret est d’une autre nature : j’aurais tant aimé que Michel Legrand voie ce coffret, auquel le sien a donné naissance par ricochet. Michel admirait Ennio et avait gardé un souvenir fort de leur concert collégial (avec Georges Delerue), salle Pleyel en 1984. Voir Morricone diriger The Go-Between (Le Messager) encadré par Legrand et Delerue, chacun à un piano, a marqué au fer rouge la mémoire des spectateurs présents.

 

Quentin Tarantino et Ennio Morricone / Jacques Perrin

 

La qualité sonore de certaines musiques a-t-elle été problématique ? Je pense là par exemple au 1900 de Bertolucci ou encore au Désert des Tartares de Zurlini. Et plus largement, que peux-tu nous dire sur le travail de remasterisation qui a été entrepris par les ingénieurs du son d’Universal ?

Forcément, ça a été un travail de bénédictin d’homogénéiser toutes ces partitions d’époques différentes, issues de supports différents. Cette mission délicate a été assumée par Vincent Malet, ingénieur du son mastering chez Universal Music France. Contrairement à certains compositeurs dont nous avons défriché le catalogue (François de Roubaix, par exemple), l’œuvre de Morricone a largement été rééditée en Italie, notamment par Claudio Fuiano. Son travail a bénéficié au coffret, comme je l’ai indiqué dans le livret. Néanmoins, nous avons numérisé un grand nombre de titres d’après les supports originaux : La Clé et Orca donc, Two Mules For Sister Sara (Sierra Torride), la version de 1900 par Herbert Pagani, Le Casse par Raymond Lefèvre… Quant à 1900, c’est un mystère qu’une partition aussi emblématique n’ait jamais bénéficié d’une édition avec un son à sa hauteur. Par chance, Sony a pu fournir in extremis une copie de la bande-master du 33 Tours RCA européen, que l’on numérisée spécialement. Ça n’est pas le son du siècle mais nous sommes toutefois parvenus à l’améliorer, en atténuant les torsions.

 

Le coffret contient un superbe livret de 48 pages, dans lequel on trouve une interview de Morricone réalisée en partie dans son nouveau domicile. Quel souvenir gardes-tu de cet entretien ?

Ça reste peut-être l’étape la plus intense de ce marathon de neuf mois. Il fallait réaliser une interview originale pour le livret. J’ai expliqué au Maestro qu’il me manquait des informations sur, notamment, trois bandes originales qu’il affectionne, State Of Grace (Les Anges de la Nuit), Una Pura Formalità (Une Pure Formalité) et La Migliore Offerta. Il m’a donc reçu, le 19 avril 2019, avec Gioia pour la traduction. L’occasion aussi de revoir deux de ses fils, Marco et Andrea. Ça a été un moment de grâce. Morricone était chaleureux, disponible, parfois rieur. Pour expliquer le fonctionnement rythmique de The Strength Of The Righteous, il nous en a chanté les premières mesures ! Il répondait en détail aux questions, les heures filaient et, à plusieurs reprises, je lui ai dit : « Je ne veux pas abuser ! » Ce à quoi il répondait : « Profitez-en, j’ai du temps libre aujourd’hui ! » Habitué à rencontrer le Maestro dans l’effervescence de concerts, ou dans l’engrenage d’un planning très serré, j’ai alors réalisé ma chance : l’avoir devant moi, seul, chez lui, au calme, sans aucune pression extérieure. C’était aussi, symboliquement, ma première rencontre avec lui depuis l’annonce de sa prise de distance avec le cinéma… Avant de le quitter, j’ai voulu lui offrir d’autres publications Écoutez le Cinéma ! dont The Cinema Of Quincy Jones. Quand il l’a vu, il m’a déclaré : « Gardez-le, je l’ai déjà ! J’adore réécouter The Pawnbroker ! » Effectivement, sur une étagère, il y avait le coffret Quincy, offert par ce dernier. Ennio lui enverra-t-il son propre coffret ? Les liens entre ces monstres sacrés sont souvent inattendus. En tout cas, découvrir que le projet Quincy faisait partie de la même collection a été un facteur supplémentaire de confiance. 

 

Ennio Morricone : Musiques de Films (1964-2015)

 

L’iconographie du coffret est tout à fait remarquable. Comment s’est effectuée la recherche des photos et comment a été choisie la photo de couverture ?

Par le service iconographique Universal, en lien avec de nombreuses agences photographiques. Nous avons spécialement fait numériser des ektas originaux du Désert des Tartares, archivés à la Cinémathèque Française. La famille du photographe Vincent Rossell nous a retrouvé des tirages originaux du Maestro avec Leone et Verneuil, à une projection de travail du Serpent. Quant à la couverture, le graphiste Jérôme Witz avait effectué des essais en combinant des images de films… Prise séparément, chaque photo avait un impact très fort… mais, ensemble, elles s’annulaient. Puis j’ai retrouvé ce portait du Maestro en concert et, quand il l’a vu à Rome, il m’a lancé : « Guarda quanto sto bene su questa foto ! » (Regardez comme je suis bien sur cette photo !) A cette réflexion, j’ai su qu’on utiliserait cette image, que l’on a simplement retravaillée par la couleur et la typo.

 

Quel est le tirage du coffret et à quel public s’adresse-t-il en premier lieu ?

Premiers tirage à 6000 exemplaires (c’est-à-dire 108.000 CD !) et, comme pour L’Essentiel, l’espoir secret de toucher le maximum de publics, entre les fans et les profanes, qui voudront posséder une sorte de somme, subjective certes, mais somme malgré tout.

 

Henri Verneuil, Sergio Leone et Ennio Morricone

 

As-tu le sentiment d’avoir réalisé l’une des anthologies les plus importantes jamais consacrées à la musique de cinéma de Morricone ?

Il me manque encore du recul. Je mesure simplement que c’est l’anthologie la plus vaste jamais entreprise sur son œuvre monumentale, de plus au format dit « à l’italienne ». Ça se range comme un livre d’art dans une bibliothèque. Jusqu’à alors, on plafonnait à 15 CD. Là, c’est 18. Et un jour, dans le futur, une autre maison de disques parviendra sans doute à dépasser les 20 CD. Tout reste encore à faire. Ma satisfaction, c’est surtout d’avoir tenté de représenter un maximum de versants, de visages de son écriture, de son inspiration. Et d’observer, en vingt heures de musique, ce qui reste constant et ce qui évolue dans son langage.

 

Pour l’avoir côtoyé à plusieurs reprises depuis un an, comment envisages-tu l’avenir du Maestro maintenant qu’il a mis un terme aux tournées et qu’il a clairement indiqué ne plus vouloir composer pour le cinéma, à l’exception de son fidèle ami Giuseppe Tornatore ?

Difficile de répondre à sa place… Aux concerts de Caracalla, son adieu au public romain, il a donné sa baguette à Andrea pour le thème d’amour de Cinéma Paradiso. Comme un passage de relais… Après tant d’années d’hyperactivité, d’écriture de bandes originales ou d’ouvrages contemporains, de concerts à travers le globe, comment l’imaginer levant le pied ? Avec John Williams et Lalo Schifrin, Morricone demeure le dernier géant d’un Âge d’Or de la musique au cinéma. Chez lui, tout semble défier le temps qui passe. Impossible d’imaginer qu’il vient de fêter ses 91 ans. A la dernière question de l’interview, il a déclaré être intéressé par un genre qu’il a peu traité, la science-fiction. « J’aimerais, a-t-il précisé, trouver des solutions musicales non-conventionnelles pour raconter les étoiles, le cosmos et l’infiniment grand. » Cette réponse contient une trace d’espoir. Dans le rapport du Maestro au cinéma, elle laisse entrevoir un potentiel futur.

 

Ennio Morricone en décembre 2019

 

Après la disparition du fanzine MSV, dirigé par le hollandais Martin Van Wouw, fin 2012, le fanzine en ligne Maestro a été créé début 2013 par Patrick Bouster (France) et Didier Thunus (Belgique) et est hébergé sur le site de référence, animé par ce dernier, sur Ennio Morricone : www.chimai.com Rédigé en anglais mais comprenant des parties en versions originales en français et italien accessibles par liens, c’est un document format PDF illustré en couleurs, comptant généralement 60 pages ou plus. Il parait maintenant environ deux fois par an. Il se veut documenté, sérieux et varié, pour un travail de mémoire, de patrimoine, même en l’absence de nouvelles œuvres du compositeur, avec entretiens, chroniques, actualité des œuvres et des publications, découverte d’anciens travaux oubliés, et articles de fond exclusifs.

Laurent Perret
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