The Haunting (Jerry Goldsmith)

La dernière maison sur la gauche

Disques • Publié le 21/09/2010 par

The HauntingTHE HAUNTING (1999)
HANTISE
Compositeur :
Jerry Goldsmith
Durée : 35:00 | 9 pistes
Éditeur : Varèse Sarabande

 

4 out of 5 stars

1999 a été une très grande année pour Jerry Goldsmith. Cinq ans avant sa mort, le maestro signait en effet trois grandes partitions, ses derniers travaux vraiment réussis : The 13th Warrior (Le 13ème Guerrier), The Mummy (La Momie) et The Haunting (Hantise). Si les deux premiers constituent des modèles incontournables de la musique épique, le troisième se situe du côté des musiques de thrillers dans la veine de Basic Instinct, telles Malice et The Vanishing (La Disparue), à la fois sensuelles et vénéneuses, envoûtantes et angoissantes. Un an plus tard, Hollow Man (L’Homme Sans Ombre) viendra mettre un point final à cette série tout en s’orientant davantage vers l’action pure et dure que vers le thriller.

 

Jugée décevante par bon nombre de béophiles et reléguée au second plan de la production du compositeur, bien loin derrière les chefs-d’œuvre fantastiques que sont The Omen (La Malédiction) et Poltergeist, The Haunting n’en reste pas moins une partition virtuose exécutée avec un brio qui la situe bien au-dessus de la moyenne. Pas aussi présente et écrasante dans ce remake du chef d’œuvre de Robert Wise qu’on aurait pu le redouter de la part d’un Jan de Bont guère connu pour sa finesse, la musique de Goldsmith crée cependant une tension sourde et lancinante, se réservant sur la fin quelques splendides morceaux de bravoure.

 

Après une surprenante mélodie de carrousel composée spécialement pour la scène où Catherine Zeta-Jones et Lily Taylor découvrent la pièce aux miroirs, le thème principal associé à la maison fait son apparition, à la fois délicat et dépressif, marqué par des cordes reptiliennes et des hautbois mélancoliques rappelant beaucoup Basic Instinct. Le lyrisme compassé et teinté de menace de ce thème répond à celui exposé en milieu de morceau, un motif descendant interprété par des cuivres sévères et censé illustrer la volonté maléfique du propriétaire qui hante le manoir. Le thème de la maison et celui de Hugh Crain ne cesseront de s’entrelacer tout au long de la partition, repris sur des modes plus intimistes ou fragmentés et pesant sur la tonalité d’ensemble, à la fois séduisante et mortifère.

  Lili Taylor et Catherine Zeta-Jones dans The Haunting

 

Face à cette élégante noirceur, la candeur et la pureté du personnage d’Eleanor offrent au compositeur l’occasion de livrer dans A Place For Everything une berceuse fragile et émouvante comme il en a le secret, dont la beauté simple et poignante touche droit au but. Les diverses errances de l’héroïne et ses rencontres avec les fantômes donnent lieu à de magistrales séquences d’angoisse : mouvements de violons étirés jusqu’à se rompre de façon dérangeante, clochettes inquiétantes, flûtes démoniaques (The Curtains, Curly Hair). La harpe joue également un rôle fondamental, détournant systématiquement des sonorités gracieuses, voire merveilleuses, en des volutes perverses qui enserrent peu à peu l’auditeur pour ne plus le laisser respirer.

 

Le glaçant The Picture Album est un exemple éloquent de l’horreur tranquille selon Jerry Goldsmith qui, de façon presque ironique, semble imiter le style de Christopher Young, lui-même hérité de Goldsmith et de Bernard Herrmann. Tantôt mélodieuse et faussement rassurante, tantôt grinçante et presque expérimentale, cette longue descente aux enfers parvient lors de ses pics de terreur à rendre le malaise délicieux, ce que peu d’artistes peuvent se vanter d’obtenir. Mais le meilleur arrive avec les longues pistes de cinq à six minutes intitulées Terror In Bed et Finally Home, mélanges d’orchestre tonitruant et de sonorités électroniques déchirantes dans le plus pur style Goldsmith : avec leur construction cyclique marquée par l’amplification constante de la rage et de la violence, avec leurs emballements monstrueux de cuivres et de percussions ouvrant soudain sur une reprise désespérée du thème principal, ces deux morceaux font preuve d’une puissance et d’une majesté qui ne permettent à aucun moment de douter du génie de l’auteur dans le registre horrifique.

 

Certes, la musique de The Haunting ne fait preuve d’aucune originalité et recycle des formules déjà employées (voir l’efficace Returns To The Carousel, qui lorgne vers Hall Of Mirrors dans Hellbound de Chris Young), mais elle le fait avec une telle aisance et une telle conviction qu’on ne peut qu’être conquis. Hélas, l’album édité par Varèse Sarabande ne contient que 35 min alors qu’on aurait pu facilement en avoir une cinquantaine. L’essentiel est néanmoins présent et propose, à l’instar de Basic Instinct, une version du finale différente de celle du film, sensiblement plus réussie.

 

The Haunting

Gregory Bouak
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