« C’est très simple : Ennio Morricone me téléphone et me dit : « Sandro, viens un moment en bas, en salle d’enregistrement, il y a un sifflement à faire. » C’était un sifflement, rien de plus, mais pensez à ce qui est arrivé ensuite… Quand nous avons vu le film, je dois admettre que personne ne pensait que cela ferait un kopeck. » Sa collaboration pour les westerns formant la trilogie des dollars et C’era una Volta il West (Il était une fois dans l’Ouest) de Sergio Leone fait bien évidemment partie de la légende. Mais la vie d’Alessandro Alessandroni, décédé ce dimanche 26 mars à l’âge de 92 ans, ne se résume pas à un simple sifflement et des accords de guitare sur quelques-unes des bandes originales de son ami d’enfance.
Né le 18 mars 1925 à Rome, il grandit dans la petite ville toute proche de Soriano nel Cimino. Accrochés aux murs des salons de coiffure, des instruments ne demandent qu’à retrouver leur fonction première à la moindre occasion : c’est ainsi que le jeune Alessandro se forme à la musique en autodidacte, achetant sa première mandoline à l’âge de 13 ans. A la fin de sa scolarité, il forme un petit groupe et pratique déjà couramment le piano, la guitare, l’accordéon, la flûte, le saxophone et la cithare. Diplômé du conservatoire de Rome, il est d’abord au milieu des années 50 chanteur au sein de l’ensemble due + due de Nora Orlandi avant de fonder lui-même un quatuor vocal, Quartetto Caravels, qui en 1962 devient un ensemble élargi appelé I Cantori Moderni (et comptant parmi ses membres une certaine Edda dell’Orso…).
Il trouve également entretemps un emploi aux productions cinématographiques Fonolux et participe en tant que musicien à des shows télévisés et divers enregistrements pour le cinéma. A l’une de ces occasions, c’est presque par hasard qu’il devient siffleur : « Lors d’une session d’enregistrement pour l’un des premiers films auxquels j’ai participé, Nino Rota a demandé si quelqu’un dans l’orchestre pouvait siffler. J’étais guitariste alors. Comme personne ne s’est proposé, j’ai dit que je pouvais essayer mais que je ne promettais rien. Mais cela a marché et c’est ainsi qu’on a découvert la qualité de mon sifflement. Lorsqu’ensuite Ennio et moi avons travaillé ensemble, j’étais un expert ! »
A partir de 1967, Alessandro Alessandroni devient lui-même compositeur, d’abord en travaillant auprès de Francesco De Masi sur Vado… l’Ammazzo e Torno (Je Vais, je Tire et je Reviens) et Quella Sporca Storia nel West (Django porte sa Croix) d’Enzo Castellari ainsi que Troppo per Vivere… Poco per Morire (Qui êtes-vous Inspecteur Chandler ?) de Michele Lupo. Il signe ensuite les partitions d’une grosse quarantaine de titres jusqu’au début des années 80 : des westerns, bien sûr, comme La Taglia è Tua… l’Uomo l’Ammazzo Io (El Puro, la Rançon est pour Toi) ou Su le Mani, Cadavere! Sei in Arresto (Ca va Chauffer, Sartana Revient !) mais aussi un certain nombre de comédies érotiques telles que La Dottoressa Sotto il Lenzuolo (La Toubib aux Cours du Soir), Frittata all’Italiana, L’Adolescente, La Professoressa di Scienze Naturali (La Prof du Bahut) ou encore Porno Esotic Love (Exotic Love) et Hard Sensation de l’incommensurable Joe d’Amato.
Il travaille également à plusieurs reprises pour Bruno Mattei, notamment pour Armida – Il Dramma di una Sposa, Cuginetta Amore Mio! et KZ9 – Lager di Sterminio (KZ9 – Camp d’Extermination), et collabore régulièrement avec Alfonso Brescia : retenons ici Sangue di Sbirro (Pour un Dollar d’Argent) avec Jack Palance. Il compose les musiques de Novelle Galeotte d’Amore (Décaméron 3) d’Antonio Margheriti, Simbad e il Califfo di Bagdad (Simbad et le Calife de Bagdad), La Figlia di Frankenstein (Lady Frankenstein, cette Obsédée Sexuelle), la production horrifique belge La Plus Longue Nuit du Diable, Suor Omicidi (La Petite Sœur du Diable) et la comédie dramatique Due Pezzi di Pane (Deux Bonnes Pâtes) avec Vittorio Gasman et Philippe Noiret. Il s’éloigne ensuite du cinéma pour se consacrer plus particulièrement à la peinture, mais collabore régulièrement à des projets discographiques et ne revient au grand écran en 1998 que le temps d’un inénarrable Trinity Goes East produit en Asie.
L’un des plus grands succès public d’Alessandro Alessandroni reste néanmoins la célèbre chanson signée Piero Umiliani, Mah Na Mah Na, pour laquelle il a prêté sa voix en 1968, et qui a été par la suite popularisée dans le monde entier, notamment aux Etats-Unis via le Muppet Show, et en France par Henri Salvador qui la renomme Mais Non, Mais Non.