Souvent considéré comme le premier film d’un nouvel âge d’or des super-héros au cinéma, X-Men est surtout le début d’un univers cinématographique qui compte aujourd’hui de nombreux films et séries. Tout commence donc en 2000, alors que le réalisateur Bryan Singer, enorgueilli du succès de The Usual Suspects en 1995, se retrouve aux commandes de la première adaptation des X-Men au cinéma. Le compositeur habituel de Singer, John Ottman, n’étant pas disponible, la production se tourne alors vers le vétéran Michael Kamen, qui a déjà à son actif un palmarès de musiques de films d’action assez démentiel (Lethal Weapon, Die Hard, Last Action Hero…).
Michael Kamen développe une partition en parfait accord avec le film, entre émerveillement et modernisme. Il écrit de nombreux motifs qui se recoupent durant tout le métrage. Le premier est celui de Magnéto. Composé de quatre notes, qui se posent d’abord puis montent brusquement, ce thème exprime en même temps la menace mais aussi le côté impressionnant du personnage, royalement interprété par Ian McKellen. Il est esquissé dès Death Camp, première piste de l’album, alors que le jeune Erik Lehnsherr fait pour la première fois démonstration de ses pouvoirs dans un camp de concentration. Il réapparaît plus franchement dans l’étrange Magneto’s Lair et l’imposant Magneto Stand Off. Le deuxième motif principal est celui des X-Men. Infusant la partition à travers Ambush, The X-Jet, Museum Fight ou encore Logan And Rogue, il est également composé de quatre notes ascendantes, qui ne sont pas sans rappeler le motif en cinq notes du générique de X-Men: The Animated Series (X-Men) composé par Saban et Levy. Volontairement héroïque, il est toutefois difficile de ne pas le rapprocher du thème de Magnéto, aussi en quatre notes, assez proches. Un moyen pour Kamen de rapprocher les deux groupes antagonistes qui se battent pourtant pour la même cause, qui sont menés par deux hommes anciennement amis, mais qui utilisent des moyens radicalement différents. D’un côté un thème héroïque et enthousiaste, de l’autre un thème inquiétant voire effrayant.
Plusieurs autres motifs sont invoqués : un motif de trois notes aux cordes un peu stressantes pour Mystique, qu’on retrouve sur plusieurs morceaux, mais qui s’exprime surtout dans Museum Fight lorsque Mystique affronte Wolverine; un motif plus électronique en deux notes pour la Confrérie des Mauvais Mutants surtout présent dans Magneto’s Lair mais qu’on retrouve plusieurs fois dans le film, entre bizarrerie et anxiété; enfin, un très beau thème assez lyrique et ample pour la relation entre Logan et Rogue, présent uniquement dans l’album sur Logan and Rogue. Le style que développe Kamen fait un grand écart mais illustre au final assez justement le film. L’aspect électronique se ressent particulièrement sur les scènes d’action. Y sont utilisés de nombreux sons synthétiques, des sonorités instrumentales déformées et quelques touches rock. Sur Ambush, Train ou encore The Statue Of Liberty, Kamen compose ainsi des musiques très saccadées, entre rythmes effrénés, boucles électroniques, cordes obsédantes, sonorités surprenantes et rock déchainé. Cette débauche de touches modernes s’explique notamment par l’utilisation de ces musiques à l’image, souvent écrasées par les bruits des combats et devant donc batailler pour se faire entendre. Pour ce qui est de l’aspect plus lyrique, il s’exprime tout particulièrement sur Mutant School ou Logan And Rogue. On y retrouve des mélodies claires et rêveuses, paraissant refléter l’espoir placé en chacun de ces jeunes mutants.
L’ultime limite de cette partition est peut-être la discrétion de ses thèmes, pariant plus sur une imbrication des thèmes dans les morceaux, ces derniers manquant parfois de réelle exposition marquante des thématiques. L’album manque par exemple d’un End Title qui finirait d’inscrire le thème principal dans nos têtes. Toutefois, l’approche de Kamen demeure précurseuse et devance de nombreuses musiques des années 2000 de blockbusters hollywoodiens se situant entre symphonique et électronique. Etonnamment, la saga X-Men ne continuera pas tout de suite dans cette direction, mais fera d’abord dans un retour aux sources assez heureux…