Exodus: Gods And kings (Alberto Iglesias, Federico Jusid & HGW)

Sacré Moïse !

Disques • Publié le 30/08/2019 par

Exodus: Gods And KingsEXODUS: GODS AND KINGS (2014)
EXODUS : GODS AND KINGS
Compositeurs :
Alberto Iglesias, Federico Jusid & Harry-Gregson Williams
Durée : 78:25 | 32 pistes
Éditeur : Sony Classical

 

4 out of 5 stars

 

Ridley Scott est un drôle de musicien : en plus de 35 ans de carrière, il aura usé de tous les registres, de l’électro au symphonique, capable de se brouiller avec des génies (Goldsmith ne lui pardonnera jamais Legend) suivant le goût du moment, sans pour autant y abandonner sa personnalité. Comme dans ses images, quoi ! Dès qu’on le croit attaché à un compositeur, c’est pour mieux le voir le déblayer de la production suivante. Exit Pemberton, (Cartel), donc, et bienvenue à Alberto Iglesias (secondé de Federico Jusid) dans le joyeux monde du blockbuster musical… bien encadré par Harry Gregson-Williams – homme de l’ombre des dernières productions Scott Free – et Nicholas Dodd, l’orchestrateur qui fait oublier le nom du compositeur.  Cet attelage tricéphale et improbable aurait pu faire dérailler très vite le manège d’Exodus : souvenons-nous des tristes aventures de Javier Navarrete, autre espagnol sensible dissout dans le bouillon du péplum fantastique à l’époque de Wrath Of The Titans (La Colère des Titans). Cette fois, le petit miracle se produit : Iglesias garde sa sensibilité tandis que Gregson-Williams se charge avec professionnalisme, et honneur, des débordements belliqueux inévitables, le tout lié par la baguette experte de Dodd, construisant le gros son hollywoodien proportionnel à la démesure des images.

 

Si aucun cliché ne manque à l’appel, l’exécution est toujours soignée, sincère et inspirée. Ou tellement pro qu’elle en donne l’impression. Le score se plie, certes, aux tendances musicales du péplum contemporain, comme dans les assauts de Hittite Battle, rythmés par les percus bien marquées et les boucles rythmiques et mélodiques adoptées par HGW depuis Narnia – mais qui, mêlées ici à une écriture chorale sans retenue, aboutit à des résultats galvanisants comme Hail ou Tsunami. Des morceaux de bravoure dont le disque regorge, et un album qui enthousiasme franchement quand il ose retourner sur le terrain d’un lyrisme mélodique d’autant plus précieux qu’il est devenu si rare dans des productions de ce calibre. Il est ici décuplé par une orchestration sans faille, jouant de la richesse des sonorités instrumentales, faisant mouche avec chaque intervention de soliste, aussi attendue qu’elle soit. Et si le score n’est pas aussi thématique que celui la précédente escapade historique de Scott, le sous-estimé Robin Hood (Robin des Bois), la mélodie est bien présente comme celle, typiquement « égyptienne » en langage hollywoodien, culminant dans la conclusion du disque, The Ten Commandements.

 

Cinéaste à l’approche musicale peu reconnue, sans doute parce qu’il n’a jamais cherché l’exclusivité d’un compositeur, Scott a pourtant souvent réussi à tirer le meilleur de ses musiciens, parfois tenus à un sacré numéro d’équilibriste entre classicisme et modernité. Poussés sur la corde au-dessus du vide, Iglesias, Jusid et Gregson-Williams arrivent même à y faire des claquettes.

 

Exodus: Gods And Kings

Pierre Braillon
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