Narnia: The Voyage Of The Dawn Treader (David Arnold)

L'odyssée de David Arnold

Disques • Publié le 14/01/2011 par

The Chronicles Of Narnia: The Voyage Of The Dawn TreaderTHE CHRONICLES OF NARNIA: THE VOYAGE OF THE DAWN TREADER (2010)
LE MONDE DE NARNIA : L’ODYSSÉE DU PASSEUR D’AURORE
Compositeur :
David Arnold
Durée : 72:03 | 30 pistes
Éditeur : Sony Classical

 

3 out of 5 stars

Pour le troisième opus des Chronicles Of Narnia, qui a bien failli ne jamais voir le jour étant donné les scores relativement décevants du second film au box-office, c’est Michael Apted qui prend la suite d’Andrew Adamson, metteur en scène des deux films précédents. Or, qui dit changement de réalisateur dit aussi fréquemment changement de compositeur, et c’est donc David Arnold qui succède à Harry Gregson-Williams. La présence de l’ancien compositeur fétiche de Roland Emmerich au générique du nouveau Narnia n’est pas surprenant dans la mesure où celui-ci a déjà collaboré à trois reprises avec Michael Apted, sur The World Is Not Enough (Le Monde Ne Suffit Pas), Enough (Plus Jamais) et Amazing Grace. En outre, avec des réussites telles que Stargate, ID4 et Godzilla, Arnold était un choix des plus rassurants pour ceux qui craignaient de ne pas retrouver l’atmosphère épique et merveilleuse des scores signés Gregson-Williams. Afin d’assurer une certaine cohérence d’un film à l’autre, le nouveau compositeur fait d’ailleurs appel au célèbre thème d’Aslan écrit par son prédécesseur, désormais indissociable des images adaptées de l’univers de l’écrivain C. S. Lewis.

 

Cela dit, Arnold a une personnalité musicale suffisamment forte et bien affirmée pour ne pas la dissoudre en adoptant un style qui ne serait pas le sien. Une fois passé les quelques occurrences du thème d’Aslan (dans High King And Queen of Narnia, Aslan Appears et Time To Go Home), élégantes et bienvenues mais fort brèves, il a carte blanche pour exploiter son propre canevas. Tout d’abord, comme il se doit dans un film tel que The Voyage Of The Dawn Treader, il propose un nouveau thème principal relativement marquant qui réapparaîtra à de nombreuses reprises afin de rythmer l’épopée des personnages. Introduit dans Opening Titles par des chœurs éthérés annonciateurs de merveilleux et qu’on retrouve systématiquement dans le genre de la fantasy (on pense aux musiques des récents Stardust et The Secret Of Moonacre), il prend rapidement de l’ampleur grâce à des volutes de cordes enveloppées de clochettes et de xylophone entonnant une mélodie, certes pas vraiment originale, mais tout à fait séduisante et appropriée aux images. Les auditeurs qui ont aimé il y a longtemps les scores épico-lyriques du compositeur pour des films de science-fiction seront ravis de retrouver ici la même veine créatrice, d’autant que la suite du score s’annonce sous les meilleurs auspices.

 

The Chronicles Of Narnia: The Voyage Of The Dawn Treader

 

En effet, dès The Painting, l’action débute et le compositeur s’élance dans le genre attendu du swashbuckler (film de cape et d’épée ou de pirates), rappelant au passage qu’il avait été le premier choix de Mario Kassar pour Cutthroat Island (L’Île aux Pirates) avant d’être remplacé par John Debney. Ici, la reprise du thème principal se mêle à des envolées martiales du meilleur effet, à grand renfort de percussions tonnantes et de cuivres rugissants tout droit sortis de ses partitions pour les James Bond, et l’on se dit que le compositeur a enfin eu l’heureuse occasion de transformer en réussite son précédent essai dans le genre, à savoir le décevant The Musketeer (D’Artagnan). Après une reprise majestueuse du thème d’Aslan qui évoque la royauté d’Edmund et de Lucy, la musique s’octroie quelques mesures d’un mickey mousing modéré et agréable associé au tandem Eustace-Reepicheep, ce dernier ayant droit à un morceau rien que pour lui, belle envolée de cordes perlées précédée d’un solo de flûte fort émouvant rappelant les passages consacrés à Paris dans Tomorrow Never Dies (Demain Ne Meurt Jamais) et empruntant beaucoup au style élégiaque de John Barry. Dans Land Ahoy, qui accompagne l’arrivée des héros à leur première escale, on reconnaît totalement l’univers enchanteur et chamarré de l’auteur de Stargate (merci Nicholas Dodd !). Tout cela fleure bon les embruns et le grand large, le soleil éblouissant à l’horizon, en un mot : l’aventure, la vraie…

 

Citons encore, parmi les réussites, l’usage d’instruments exotiques (duduk, flûtes et percussions ethniques) évoquant immédiatement le voyage et le dépaysement et agrémentant de façon honorable certains morceaux d’action tels que The Lone Island et Market Forces : là encore peu originaux car rappelant notamment The Mummy (La Momie) de Jerry Goldsmith mais aussi Prince Of Persia d’Harry Gregson-Williams (quelle coïncidence !), ces titres sont d’une efficacité imparable et permettent d’emporter immédiatement l’adhésion du spectateur. Enfin, après un nouveau mélange d’émotion (Lord Bern, First Sword) et de mickey mousing discret (Eustace On Deck), David Arnold nous offre un vrai petit morceau de bonheur avec Duel, authentique passage de musique de pirates dans lequel l’orchestre traditionnel met en avant les percussions et surtout l’Irish fiddle et le penny whistle (violon et flûte irlandais) pour une gigue de taverne fort entraînante.

 

The Chronicles Of Narnia: The Voyage Of The Dawn Treader

 

Hélas, tout cela dure trop peu de temps et l’on n’en est encore qu’à un tiers du film et de l’album ; les choses vont malheureusement se dégrader par la suite. À l’instar du roman de C. S. Lewis – l’un des plus faibles de la saga – et du long-métrage de Michael Apted, indéniablement moins réussi que ceux d’Andrew Adamson, le score va souffrir de défauts importants. Tout d’abord, et cela est sensible dès la vision du film, il ne contient pas de thème vraiment marquant en dehors de celui de l’introduction – si l’on excepte le motif d’action entendu dans The Lone Island – alors qu’Harry Gregson-Williams avait conçu plusieurs mélodies mémorables pour le premier opus. Une telle carence n’était que trop prévisible étant donné l’intrigue de cet épisode, totalement inconsistante et dénuée d’enjeu réel, délaissant certains héros charismatiques sans vraiment exploiter ceux qu’elle a conservés.

 

Ensuite, tout comme ce bateau qui voyage d’île en île avec des stations régulières de dix minutes qui font oublier à chaque fois pourquoi l’on est parti et ce que l’on avait vu le moment précédent (car aucune rencontre ne retient vraiment l’attention), la musique progresse de façon linéaire et illustre platement ce qui se passe à l’écran à défaut d’être vraiment bien construite et structurée. En résulte alors un album dont la durée a priori satisfaisante entraîne néanmoins de nombreuses frustrations : il est divisé en trente pistes dont dix-sept durent moins de deux minutes, ce qui empêche très souvent de développer et d’approfondir les bonnes idées. Par exemple, un titre comme The Green Mist, marqué par de lourdes percussions, des cuivres sévères, des flûtes ethniques déchirantes et des chœurs masculins aux accents apocalyptiques offrant une juste illustration du Mal, s’arrête avant même de s’être lancé et du coup ne produit presque aucun impact.

 

The Chronicles Of Narnia: The Voyage Of The Dawn Treader

 

À partir de The Magician’s Island, c’est le tunnel, dont on ne sortira qu’après de longues, longues minutes d’ennui, alternance de ténèbres brumeuses tapissées de cordes tendues et de brusques sursauts peu suivis d’effets, ponctués ici et là de brèves échappées vers la lumière. Dans Coriakin And The Map, The Golden Cavern ou encore Temptation Of Edmund, il n’y a ni suspense, ni émerveillement, ni crainte, ni émotion : cela reste assez plat, anecdotique, oubliable. Il faut donc attendre Dragon Attack, morceau d’action cuivré, nerveux et percutant dans la lignée de ceux de Godzilla, et surtout Into Battle pour avoir enfin quelque chose à écouter, signe qu’Arnold est encore capable de nous impressionner lorsqu’il veut bien s’en donner la peine – ou lorsqu’on lui en donne l’occasion ! Into Battle, longue piste de onze minutes isolée au sein d’un ensemble qu’on croirait de Thomas Newman tant il est sporadique, se détache clairement du reste et constitue LE morceau de bravoure de la partition, justifiant à lui seul l’acquisition de l’album : accompagnant le titanesque combat de nos héros contre un monstrueux serpent de mer, il se révèle particulièrement bien mené, ménageant des pauses poignantes ou menaçantes et relançant l’action à intervalles réguliers sous forme d’assauts héroïques grisants pleins de percussions tonnantes, de cuivres surpuissants et de chœurs dantesques.

 

Au final, la bande originale de Voyage Of The Dawn Treader est donc un surprenant mélange de beauté et de fadeur dont le premier quart d’heure très plaisant et les derniers morceaux eux aussi fort bien écrits permettent de sauver un ensemble souvent en-deçà de ce qu’on pouvait attendre de la part de David Arnold. Une occasion ratée de repasser sur le devant de la scène pour un compositeur dont les travaux de ces dernières années sentaient trop souvent la routine. Les béophiles qui attendaient son grand retour aux heures glorieuses de Stargate et d’Independence Day devront patienter encore, tandis que les auditeurs moins exigeants reconnaîtront tout de même que l’on tient là le haut du panier en matière de musique de fantasy

 

The Chronicles Of Narnia: The Voyage Of The Dawn Treader

Gregory Bouak
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