Psycho II (Jerry Goldsmith)

Pourquoi j'ai pas mangé ma mère

Disques • Publié le 08/09/2010 par

Psycho IIPSYCHO II (1983)
PSYCHOSE II
Compositeur :
Jerry Goldsmith
Durée : 72:50 | 31 pistes
Éditeur : Intrada

 

4 out of 5 stars

Après avoir envisagé durant un moment de réutiliser le score composé par Herrmann pour le premier opus, le réalisateur Richard Franklin et son monteur Andrew London ont convenu que Psycho II (Psychose II) possédait sa propre personnalité et nécessitait l’emploi d’une musique entièrement nouvelle. Les deux compères, fans de Jerry Goldsmith depuis leurs débuts, ont alors fait appel à ce dernier et ont semble-t-il obtenu son accord sans trop de difficulté. En effet, le compositeur a plusieurs fois rapporté dans ses interviews qu’il avait vraiment obtenu sa revanche sur l’auteur de Psycho (réputé pour son mauvais caractère et son ego surdimensionné qui l’amenaient souvent à critiquer cruellement et gratuitement ses confrères) le jour où il lui avait succédé en reprenant à son compte l’odyssée musicale de Norman Bates. Heureusement pour nous, le désir de se montrer à la hauteur de la tâche a poussé Goldsmith à se surpasser et à livrer un score de grande qualité, certes inférieur à son prédécesseur mais tout de même fort satisfaisant. En matière de suspense et d’horreur, le musicien n’en était pas à son coup d’essai puisqu’il comptait déjà à son actif les réussites de The Mephisto Waltz (Satan mon Amour) et d’Alien, musiques audacieuses et dérangeantes, et surtout de l’incontournable trilogie The Omen. L’année qui précède Psycho II voit également la naissance de l’un des chefs-d’œuvre du genre avec le dantesque Poltergeist, fixant une bonne fois pour toutes les règles et les codes de la musique d’horreur telle qu’il la conçoit.

 

Après une reprise de The Murder, hommage incontournable à la musique d’origine, Goldsmith exploite ses propres thèmes et son propre canevas, illustrant avec justesse et brio les images du nouvel opus de Psycho, livrant un « score en couleurs pour un film en couleurs » qui rompt de façon plutôt radicale avec le style de son illustre aîné. Le Main Title, après une introduction brutale, expose le thème principal, étonnamment tendre et lyrique, proche de la berceuse comme l’était celui de Carol Ann dans Poltergeist. Interprété au piano, relayé par un synthétiseur puis par les cordes, ce thème sera repris de nombreuses fois au cours de la partition, associé à la détresse d’un Norman Bates terrifié, désespéré, victime de tout le monde et surtout de lui-même. Quelques mélodies romantiques et poignantes apparaîtront plus d’une fois ici et là afin d’évoquer également la relation entre le héros et la jeune femme qui le prend en pitié.

 

Norman Bates

 

Face à ce lyrisme à la fois délicat et vibrant directement hérité des thèmes de The Omen et de Poltergeist, Goldsmith déploie l’armada de la terreur dans quelques pistes virtuoses longues de quatre à cinq minutes et correspondant aux rechutes vertigineuses de Norman Bates, de nouveau confronté à ses pulsions meurtrières. Longs crescendos de tension marqués par le piano, les cordes et les synthétiseurs, harmonies lancinantes et maléfiques, sursauts de violence confiés à des cuivres rugissants (et c’est là qu’on s’éloigne définitivement du score minimaliste d’Herrmann pour laisser la place au grand orchestre), tout est fait pour rendre compte de l’emprise redoutable exercée par la mère vengeresse sur la psyché de son rejeton. Des titres comme Don’t Take Me, Mother’s Room ou encore It’s Not Your Mother parlent d’eux-mêmes et constituent de véritables tours de force, malmenant les nerfs du spectateur / auditeur et annonçant les futures réussites de Poltergeist II, Basic Instinct et The Haunting (Hantise).

 

De même, on peut constater à l’écoute de Psycho II que Christopher Young avec Hellraiser et The Fly II (La Mouche II) et John Ottman, avec Usual Suspects et Urban Legends : Final Cut (Urban Legend 2 : Coup de Grâce), doivent tout à Goldsmith et à sa science diabolique, tissant des atmosphères plus glaçantes et malfaisantes les unes que les autres dans lesquelles chaque instrument a priori rassurant est systématiquement perverti et détourné de sa fonction première. Tour à tour émouvante, étrange et effrayante, la musique du film de Richard Franklin est une belle réussite à (re)découvrir absolument et à ranger aux côtés des grands noms du thriller et de l’horreur. Malgré l’emploi omniprésent du synthétiseur qui peut paraître bien daté aujourd’hui, la qualité des mélodies, de la progression dramatique et des orchestrations fait du score de Jerry Goldsmith une réponse passionnante à celui de Bernard Herrmann et le seul travail vraiment mémorable effectué pour une suite de la saga Psycho.

 

Psycho II

Gregory Bouak
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