Whose Life Is It Anyway? (Arthur B. Rubinstein)

La force vitale d'Arthur Rubinstein

Disques • Publié le 13/07/2009 par

WHOSE LIFE IS IT ANYWAY? (1981)
C’EST MA VIE, APRÈS TOUT !
Compositeur :
Arthur B. Rubinstein
Durée : 57:37 | 25 pistes
Éditeur : Film Score Monthly

 

3.5 out of 5 stars

 

Ken Harrison est sculpteur jusqu’au jour où il se retrouve impliqué dans un accident de voiture, qui le paralyse. Il ne lui reste que l’usage de la parole et il entreprend alors des démarches judiciaires pour avoir le droit de mourir…  Ce film pose des questions passionnantes et toujours actuelles sur le droit d’un individu privé des joies de la vie à mettre fin à ses jours. Le personnage de Richard Dreyfuss, obsédé par ce désir de ne plus souffrir du manque du bonheur dont il a été dépossédé, s’oppose à l’éthique du docteur Emerson incarné par John Cassavetes et dont le sacerdoce est la préservation de la vie. Cette très belle adaptation par John Badham de la pièce de Brian Clark est la première collaboration cinématographique entre le metteur en scène et le compositeur Arthur B. Rubinstein. Une œuvre qui se poursuivra avec Blue Thunder (Tonnerre de Feu), WarGames, StakeOut (Etroite Surveillance), The Hard Way (La Manière Forte), Another StakeOut (Indiscrétion Assurée), Nick Of Time (Meurtre en Suspens), Floating Away et The Last Debate.

 

Musicalement, Rubinstein a associé le métier d’artiste sculpteur du personnage central à la construction méticuleuse de la musique baroque, celle de Bach ou de Haendel, traitée dans un esprit proche de Stravinsky. Les formes utilisées dans le film sont souvent inspirées de la période baroque (la gigue du générique, la passacaille de la scène finale, un menuet soulignant la complicité de Ken avec le docteur Clare Scott, joué par la superbe Christine Lahti). L’orchestration produit une sonorité originale qui s’éloigne des conventions de la musique baroque : pas de flûtes ou de clarinettes mais quatre hautbois, quatre bassons, quatre trompettes piccolo dans la section des cuivres, uniquement des altos, des violoncelles et des contrebasses pour la section des cordes.

 

 

Le thème le plus mémorable est associé au personnage de Ken Harrison, il est exposé par le cor dès les premières notes du générique, qui fonctionne comme une ouverture : la scène décrit la construction par Ken d’une sculpture moderne en plein air. Elle présente un artiste amoureux, débordant de joie de vivre et de créativité. La gigue qui ouvre le film reflète cet optimisme. Ce matériau baroque et enjoué (une «force vitale» selon les termes de Rubinstein) sera transformée durant le reste du film dès que l’on suit les péripéties de Richard Dreyfuss à l’hôpital. Celui-ci entre alors dans un processus de renoncement à la vie. Le motif dominant cette partie est un long accord dissonant associé à la souffrance d’un personnage devenue quadraplégique. La plus belle scène du film, celle du souvenir filmé en noir et blanc où l’on voit Ken dessiner sa compagne répétant pour un ballet, et qui est aussi la seule séquence monochrome tolérée par le producteur, alors que Badham avait proposé que le film sorte intégralement sous cette forme, prolonge ce souvenir en filmant la jeune femme sur une scène de ballet onirique, son corps dénudé dans des mouvements d’une grâce infinie. Très tôt, Rubinstein a composé la musique de cette scène pour le piano, afin de travailler la chorégraphie (que l’on peut entendre dans Montage,  la dernière piste du CD). Elle fut retravaillée et orchestrée pour le film, mais la présence centrale et envoûtante du piano a été conservée.

 

Cette excellente première édition discographique de ce score par Film Score Monthly offre une présentation complète de la partition (pas mal de passages inédits complètent ce qui est resté dans le film), avec une qualité sonore qui fait oublier l’insatisfaction qu’avait éprouvé le compositeur vis-à-vis du mixage au moment de l’enregistrement. Un score fortement recommandé si vous aimez Rubinstein et souhaitez découvrir un autre aspect de sa personnalité. Le film tient une place à part dans la filmographie de Badham et reste un excellent souvenir pour les deux artistes. A noter que l’édition du film en DVD aux Etats-Unis est accompagnée d’un commentaire audio des deux complices, qui se sont connus sur les bancs de Yale en 1957.

 

David Hocquet
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