The Kentuckian (Bernard Herrmann)

L'Amérique pionnière

Disques • Publié le 03/02/2009 par

The KentuckianTHE KENTUCKIAN (1955)
L’HOMME DU KENTUCKY
Compositeur :
Bernard Herrmann
Durée : 19:22 | 1 piste
Éditeur : Preamble

 

4 out of 5 stars

Autant Garden Of Evil (Le Jardin du Diable), composé par Bernard Herrmann l’année précédente, est un western sombre, psychologique et violent, au ton resserré, autant The Kentuckian (L’Homme du Kentucky), réalisé par Burt Lancaster en 1955, repose sur un mythe ancré dans la culture américaine, celui de l’homme honnête, courageux, idéaliste et proche de la Nature, en proposant une approche traditionnelle, proche du conte. Herrmann traite le film de manière totalement différente, à la fois dans la quantité de musique et dans la manière de conter l’histoire. D’une façon générale, le compositeur laisse place aux scènes de dialogue : il introduit une scène et il la conclut, ne voulant pas souligner les échanges entre les personnages. Cette approche théâtrale n’est pas systématique, mais elle domine tout de même le dosage musical, plus présent que dans Garden Of Evil, et favorise aussi les transitions d’une scène à l’autre.

 

La thématique exposée dès le Prelude nous présente un motif à l’image du personnage interprété par Burt Lancaster, Elias Wakefield : un thème volontaire, masculin, qui fait appel au folklore américain et souligne les qualités d’un homme droit. L’association de la musique du Prelude, ses rythmes entêtants, avec ces images du père et du fils traversant forêts et rivières, incarnent l’esprit idéaliste du pionnier. Ainsi, le compositeur s’attache à ces personnages symboles d’une vision positive de l’Amérique, le père bien sûr mais aussi son fils, qui bénéficie d’une véritable trame musicale élaborée, de séquences plus longues que l’approche théâtrale évoquée plus haut. Le cor de chasse étant un symbole fort de la condition de chasseur, mais aussi de sa liberté et de la transmission du père au fils, Herrmann n’hésite pas à lui confier un rôle dominant dans l’orchestre. Soulignons cependant que le thème d’exposition n’est pas un motif récurrent en tant que tel, mais qu’il intervient seulement à des moments clefs. Les liens tissés avec les personnages féminins sont aussi soulignés, ils permettent les séquences musicales les plus douces, les plus élégantes, surtout lorsqu’il s’agit de décrire la sophistication de Miss Susie, l’institutrice qu’Elias semble destiné à épouser, par le chant de la clarinette, du hautbois ou des cordes.

 

Burt Lancaster

 

La rencontre avec la civilisation « corruptrice » s’exprime par l’autre facette du compositeur, celle de la musique sombre, macabre ou brutale, celle des cuivres bouchés, des longues notes tenues aux attaques vives, des notes graves, caverneuses des vents ou du martèlement des percussions. Que ce soit pour les affrontements de Prideville, la présence des frères Fromes, l’humiliation que subit Elias face au cynisme de certains habitants de Humility, de la confrontation avec Bodine ou du dénouement final. Cependant, à l’image du film, qui se veut de large audience, cet aspect qui pouvait dominer logiquement le récit de Garden Of Evil ne s’impose pas ici inutilement, mais uniquement lorsque c’est indispensable, dans les moments les plus intenses se situant vers la fin du film.

 

Le traitement musical essentiel de The Kentuckian est réservé aux personnages les plus attachants et à leur évolution. Les séquences les plus longues sont celles où les liens se renforcent ou se tendent fortement entre Elias, son fils, Hannah (et Susie). Il s’agit du trio originel, formé dès le début et qui sera perturbé tout au long de l’intrigue avant de se reconstituer à la fin. Enfin, l’aspect folklorique est notable lorsque nous sont présentés Elias et son fils : il sous tend le caractère des personnages. Mais c’est surtout lors de l’arrivée du bateau à vapeur texan qu’il joue un rôle en tant que tel. La musique prend alors la voie qu’avait tracé Aaron Copland dans ses ballets des années 20 et dépeint avant tout l’âme de l’Amérique pionnière : conquête, courage et promesse de succès.

  Burt Lancaster

David Hocquet
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