Entretien avec Maximilien Mathevon

Visite guidée de la Hammer avec le compositeur de Terreur & Glamour

Interviews • Publié le 01/09/2017 par

Voilà plusieurs années maintenant que nous suivons de près la carrière de Maximilien Mathevon. Entre engagements télévisuels et albums personnels (le dernier, Fly Away, est paru en avril), le compositeur français a su intelligemment mener sa barque pour se faire connaître, en France comme hors de nos frontières, engrangeant notamment de régulières nominations aux Jerry Goldsmith Awards depuis 2013. La diffusion, le 6 août dernier, du documentaire Terreur & Glamour : Montée et Déclin du Studio Hammer était à l’évidence pour nous une occasion plus que stimulante de plonger un peu plus avant dans son processus créatif.

Ce n’est pas la première fois que tu travailles avec le réalisateur Jérôme Korkikian…

Jérôme et moi nous sommes rencontrés en 2009 sur son documentaire Dans les Coulisses d’un Palace Flottant, qui avait pour sujet le Queen Mary 2. Il avait entendu plusieurs de mes musiques pour d’autres documentaires et souhaitait travailler avec moi. Nous nous sommes d’emblée parfaitement entendus au niveau musical. Il est, comme moi, grand amateur de musique de film et de musiques électroniques, notamment celles de groupes tels que Tangerine Dream. Nous avons ça en commun. Depuis, nous avons souvent retravaillé ensemble.

 

Quelle a été ta première réaction lorsqu’on t’a proposé de composer pour ce documentaire ?

De l’enthousiasme ! Je ne croyais pas à ma chance. J’aime les films de la Hammer et, musicalement, les univers de l’horreur et du fantastique m’ont toujours attiré.

 

Quel est ton point de vue sur le travail des compositeurs qui officiaient pour le studio Hammer ?

J’ai énormément de respect pour eux, en particulier Harry Robinson dont j’adore le score pour Twins Of Evil (Les Sévices de Dracula). Le Main Title au style gothique avec de faux airs de western est, pour moi, tout simplement exceptionnel. J’aime aussi beaucoup les partitions de James Bernard pour les différents Dracula ainsi que pour The Devil Rides Out (Les Vierges de Satan).

 

The Devil Rides Out

 

Tu sembles pourtant avoir puisé l’inspiration dans les styles musicaux des films des réalisateurs intervenants. Pourquoi ce choix ? Était-ce une instruction de Jérôme ?

C’était en effet une volonté commune de se démarquer stylistiquement de la musique des films de la Hammer, dont les extraits seraient nombreux au sein du documentaire. Le choix d’une musique électronique est venu de notre passion commune pour ce genre et, quand j’ai pris connaissance des intervenants – John Carpenter, Dario Argento, Mick Garris – il m’a semblé logique d’illustrer le film avec leurs couleurs musicales, d’étendre en quelque sorte leur présence et leur point de vue à la musique. Etant moi-même grand fan de la musique de Carpenter et, entre autres, de Goblin, ce fut un vrai plaisir de composer dans ces styles. C’était également pour moi l’occasion de travailler une musique électro gothique, en jouant sur des sonorités d’orgue, de clavecin ou de boîte à musique.

 

N’as-tu pas été tenté au moins un temps de « coller » au style musical de la Hammer ?

En fait, cette nécessité est apparue à un stade de la production pour illustrer certains extraits de films. J’ai ainsi composé deux ou trois morceaux dans le style Hammer. Certains sont restés, d’autres ont disparu du fait de changements dans le montage. Ils sont présents sur l’album, il s’agit essentiellement du morceau Hammer Suite 1. L’un dans l’autre, c’était très amusant à composer !

 

As-tu attendu un montage quasi définitif ou as-tu composé en amont ?

Comme souvent, j’ai composé des morceaux en amont, en discutant avec Jérôme de ses intentions et de ce qu’exigerait le film. Puis, en parallèle du montage, j’ai illustré des séquences à l’image : s’est alors instauré une sorte de « ping-pong » entre Jérôme et moi, lui changeant le montage de ces séquences et intégrant mes morceaux, et moi adaptant la musique. Pour ce projet, comme c’est souvent le cas, la musique était donc achevée dès le montage terminé.

 

A-t-il été compliqué de trouver ta place entre les nombreux extraits de films et interventions ?

Oui. C’est un film dont la bande son est très chargée : il y a le commentaire, les interviews et les extraits de films. Cela laisse peu de place à la musique originale qui doit venir en appui des interventions et passer à l’arrière-plan, être utile par sa présence mais suffisamment effacée pour ne pas déséquilibrer la bande son.

 

Captain Kronos, Vampire Hunter

 

Et finalement, quelle a été pour toi la principale difficulté ?

Ça a justement été de faire cohabiter ma musique avec les autres éléments de la bande son. La séquence de présentation, au début du film, en est un très bon exemple : elle énumère le contenu du documentaire en enchaînant rapidement interviews et extraits de films. Pourtant, il y a de la musique originale tout du long. La difficulté était de mettre en avant la musique quand il était utile qu’elle soit audible et de faire en sorte qu’elle s’efface lors des extraits où la bande son des films prenait le relais. Un jeu de montagnes russes pas toujours évident ! Sur l’album, il s’agit du morceau intitulé Schizophrenic Opening.

 

Il y a une allusion très notable au Halloween de Carpenter. As-tu glissé d’autres petits clins d’œil ?

Les autres étaient plus stylistiques : comptines destinées à l’origine à Dario Argento, électro Carpenterienne pour John Carpenter… Le clin d’œil à la musique d’Halloween était une idée commune de Jérôme et moi, un petit hommage !

 

As-tu participé au mixage final ?

Pas cette fois-ci malheureusement, ce qui est dommage car c’est une étape à laquelle j’essaie généralement de me rendre. Comme je travaille souvent la musique en amont et pendant le montage, c’est parfois mon premier aperçu du film quasi-définitif et de la façon dont la musique fonctionne réellement dans la continuité.

 

En tout combien de temps as-tu passé sur ce projet ?

C’est difficile à dire… Vu que j’ai travaillé avant le montage et ponctuellement tout au long de celui-ci, je dirais que la durée a du s’étendre à deux mois et demi au total.

 

Tu sembles avoir pris un soin particulier à concevoir l’album. C’est important pour toi ?

Très important. C’est une occasion pour la musique d’exister en dehors du film, une possibilité de montrer de façon plus évidente ce que j’essaie de faire. L’album contient quasiment tous les morceaux que j’ai pu composer pour ce projet, ce qui inclut ceux qui n’ont pas été utilisés. J’ai tenté de les arranger de façon à offrir un confort d’écoute maximum à l’auditeur et non par ordre chronologique. Et comme souvent, ce sont mes amis de Plaza Mayor Company qui éditent l’album.

 

Des projets en cours ou en vue pour ces prochains mois ?

Oui, je travaille actuellement sur un documentaire pour France 3, encore une fois réalisé par Jérôme, et qui se situe en Afrique avec pour sujet les éléphants. C’est un projet très différent du précédent, et tout aussi excitant !

 

Raquel Welch dans One Million Years B.C.

 

Entretien réalisé en août 2017 par Florent Groult
Transcription : Florent Groult
Chaleureux remerciements à Maximilien Mathevon pour sa disponibilité estivale.
L’album Terreur & Glamour : Montée et Déclin du Studio Hammer est disponible sur les plateformes iTunes, Amazon Music et Spotify.

Florent Groult
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