Hommage à James Horner (1)

Premier volet de notre hommage à James Horner

Portraits • Publié le 07/07/2015 par et

« All is lost » Ainsi titraient nos amis de l’association James Horner Film Music à l’heure où se propageait sur les réseaux sociaux l’attristante nouvelle : un cri du cœur bien compréhensible de la part de ceux qui ont dédié et, on leur souhaite, dédieront encore longtemps avec ferveur leur site à la vie et à l’œuvre du compositeur disparu soudainement le 22 juin dernier. Tout est perdu… Tout ? Non ! Car selon la formule consacrée, à UnderScores comme ailleurs, y a-t-il quelqu’un pour douter que sa musique résistera encore et toujours aux assauts de l’oubli ? Le passionné n’a-t-il pas la mémoire longue ?

 

Pour autant, il ne saurait non plus être question de tomber dans le piège d’une turpide béatification. En vérité, quoi de plus écœurant en la circonstance que de succomber sous le coup de l’émotion à un angélisme du plus mauvais goût qui tendrait à réévaluer à la hausse une œuvre que chacun a pu par le passé déjà juger perfectible. Alors comment rendre un hommage sincère et digne à un artiste dont on reconnaîtra facilement aussi, quoi qu’on en pense par ailleurs, qu’il fut un temps à la fois l’un des plus incontournables mais aussi l’un des plus clivants de sa génération ?

 

Sur le prétexte d’une sélection de seulement dix partitions tirées de son importante filmographie, ceux d’entre nous qui ont ainsi décidé de le faire ont choisi la manière qui leur convenait le mieux. Sans chichi. Sans effusion. Sans faux-semblant. Tout simplement vrai.

FLORENT GROULT

 

 

OLIVIER DESBROSSES | Rédacteur en chef d’UnderScores depuis 2008


C’est à l’adolescence que j’ai découvert la musique de James Horner. J’ai grandi avec du Horner plein les oreilles, enchanté par la richesse évocatrice de ses compositions. À ses côtés, j’ai piloté l’Enterprise, affronté des Aliens, chargé la baïonnette au clair, survécu à une embuscade à Bogota, combattu pour la liberté de l’Ecosse, coulé avec le Titanic, couru aux côtés des Na’vi dans les forêts de Pandora… Je n’ai jamais rencontré l’homme. Pourtant, j’ai l’impression d’avoir entrevu au fil des années ce qui l’animait, d’avoir partagé certaines de ses émotions les plus profondes. Et c’est presque comme si lui aussi savait lire en moi, faisant vibrer avec lyrisme une corde que seuls quelques rares musiciens ont su toucher avec une telle justesse.

 

Bien sûr, j’ai parfois râlé, fatigué de son exploration un peu trop systématique du répertoire, ou des ses figures de style remises cent fois sur l’écheveau de ses compositions. Mais je n’ai jamais vraiment cessé de m’émerveiller devant l’expression d’une personnalité musicale aussi forte, aussi riche, aussi entière que celle de James Horner. Aujourd’hui, 33 ans plus tard, à l’annonce de sa brutale disparition, j’ai le sentiment d’avoir perdu un vieil ami, quelqu’un avec qui j’ai grandi, vécu, vieilli. Quelqu’un qui était toujours là, en tout cas jamais très loin. Même lorsque que nous nous perdions de vue, je savais que nous finirions toujours par nous retrouver. Bien sûr, sa musique reste, et restera pour très longtemps, mais sa voix s’est éteinte, et je sais qu’il va terriblement me manquer, comme il va manquer, cruellement, aux films qu’il a si souvent magnifiés de sa musique. So long, my friend…

 

STAR TREK II: THE WRATH OF KHAN (LA COLÈRE DE KHAN) (1982)

Horner emboite brillamment le pas à Goldsmith pour nous emporter au gré d’une flamboyante aventure aux envolées épiques qui ne dépareillerait pas sur les images en Technicolor d’un film de pirates. Les pièces qui illustrent les séquences de dogfight, au suspense martelé et aux frénétiques saillies d’action, restent encore, plus de trente ans de carrière plus tard, parmi les meilleures jamais écrites par un Horner qui n’avait pourtant que 28 ans.

 

GORKY PARK (1983)

Bien plus complexe qu’elle n’y parait, l’approche synthético-orchestrale de James Horner sur une poignée d’actioners 80’s, de 48 Hrs. à Commando, a trouvé sa maturité à l’occasion de ce polar glacial. Cuivres et synthétiseurs s’y marient à merveille, générant suspense, tension et une excitation ultra-punchy, ce qui n’empêchera pas pour autant le compositeur de proposer aussi un somptueux love theme qui n’est pas sans évoquer l’âme russe qui lui était si chère.

 

COCOON (1985)

Solaires, graciles et profondément humaines : les mélodies écrites pour Cocoon comptent parmi les plus belles du compositeur, qui aborde ici avec la même délicatesse le crépuscule d’une vie et la renaissance lumineuse d’une autre. Il y a beaucoup de cœur dans la manière dont il traite la thématique du film, mais aussi une pertinence époustouflante à l’image, et la naissance de ce lyrisme si caractéristique, cette approche émotionnelle si primordiale dans son œuvre.

 

ALIENS (ALIENS, LE RETOUR) (1986)

Prenant encore une fois la suite de Goldsmith, Horner ajoute à son arc une corde horrifique aux dissonances parfaitement maitrisées qui louche autant vers Khachaturian que du côté de Krzysztof Penderecki, mais trouve aisément sa place dans le film de Cameron. Les ébouriffantes séquences d’action, martiales et infatigables, sont parmi les plus radicales écrites par le compositeur, et leur puissance laissera l’auditeur non prévenu pantois et essoufflé, mais heureux.

 

GLORY (1989)

La guerre, c’est moche, mais l’héroïsme, c’est beau, semble nous dire Horner au détour de chaque note de cette magnifique partition élégiaque aux accents tragiques. Rehaussé par un chœur, son thème principal prend systématiquement aux tripes à chacune de ses apparitions, avant de céder la place à un vigoureux pastiche de Carmina Burana qui sublime le climax du film. Encore une fois, Horner colle avant tout aux émotions.

 

THE ROCKETEER (1991)

C’est encore une fois par la mélodie qu’Horner nous prend par la main pour nous raconter une histoire pleine de rebondissements au doux parfum de comic books et de serials. D’abord introduit au piano, le thème très malléable de Rocketeer s’envole, virevolte et tournoie avec une vivacité et une richesse orchestrale foudroyantes, au sein d’une jubilatoire partition d’aventure comme on n’en fait littéralement plus aujourd’hui.

 

LEGENDS OF THE FALL (LÉGENDES D’AUTOMNE) (1994)

Legends Of The Fall contient tout simplement le plus beau thème jamais écrit par le compositeur. Mais ce n’est pas tout : alors que tout à l’image est excessif et sur-dramatisé, la musique coule avec l’aisance d’un fleuve tantôt puissant impétueux, tantôt paisible et chatoyant. Horner croit dur comme fer à cette légende de cœurs brisés et d’actes mythiques, et à l’écoute de sa partition, on aurait presque envie de faire de même…

 

THE MASK OF ZORRO (LE MASQUE DE ZORRO) (1998)

De la même façon que ses nombreux emprunts au répertoire classique n’ont jamais vraiment embarrassé Horner, l’usage des clichés les plus éculés n’a jamais constitué un frein à sa créativité. Pour preuve, ce Zorro qui ferraille au rythme des claquettes et de trompettes hispanisantes intégrées avec un art consommé à une partition flamboyante qui, encore une fois, rappelle l’âge d’or de Steiner et Waxman.

 

 

THE PERFECT STORM (EN PLEINE TEMPÊTE) (2000)

C’est avec un parfait équilibre entre emphase et retenue qu’Horner reprend son rôle de conteur musical pour nous faire partager cette tragique histoire vraie de héros ordinaires, restant toujours à hauteur d’homme pour mieux nous entrainer du vertigineux sommet de vagues déchainées jusqu’aux tréfonds d’un océan terrible et impitoyable, ne laissant flotter à la surface qu’une émotion prégnante et irrésistible de sincérité.

 

AVATAR (2009)

Main dans la main avec son vieux complice, Horner a brillamment relevé le défi de créer de toutes pièces un univers entier, absorbant au passage une multitude d’influences pour en tirer un canevas musical scintillant de mille couleurs, privilégiant encore une fois l’émotion brute, qu’elle soit épique, pastorale, romantique, guerrière ou tragique. L’émotion avant tout donc, le maitre mot qui résume mieux qu’aucun autre l’entière carrière de James Horner.

 

 

 

BAPTISTE BRYLAK – Rédacteur pour UnderScores depuis 2014


STAR TREK II: THE WRATH OF KHAN (LA COLÈRE DE KHAN) (1982)

Impossible de passer à côté de ce coup de maître. Il fallait en avoir pour passer derrière Goldsmith, et Horner en avait de belles (mélodies). Une oeuvre indispensable qui m’a toujours laissé sur le cul.

 

 

 

 

SOMETHING WICKED THIS WAY COMES (LA FOIRE DES TÉNÈBRES) (1983)

Peut-être trop souvent oublié, ce petit bijou mélodique représente le merveilleux à l’état pur. Gamin, il m’a fait rêver tout autant que frissonner, avec ses coeurs d’entre deux mondes.

 

 

 

 

KRULL (1983)

L’un des scores les plus habités et mythiques pour l’un des plus mauvais films de tous les temps. On ne saura jamais ce qu’Horner a bien pu voir dans Krull, mais on s’en moque vu tout ce que se prennent nos oreilles. Sublime, fantastique, merveilleux, étrange, épique, tout est là.

 

 

 

AN AMERICAN TAIL (FIEVEL ET LE NOUVEAU MONDE) (1986)

Bon sang de bois, Horner savait passer d’une mélodie douce et chaude au drame poignant, tout en passant par des pistes d’action et d’aventure inspirées et endiablées. Qui n’a pas été ému par Fievel, qui ?

 

 

 

 

GLORY (1989)

L’atrocité d’une guerre, de ceux qui la font, la peur aussi, mais surtout le courage de certains… Tout se trouve dans les mélodies et variations de cet album passionné. Souvenirs émus…

 

 

 

 

PATRIOT GAMES (JEUX DE GUERRE) (1992)

Des deux films tirés de Clancy qu’il a mis en musique, c’est sans doute le plus inspiré d’Horner. Le chant irlandais, envoûtant et tragique, restera pour toujours dans ma tête, notamment en regardant les attaques terroristes aux infos. Puissant.

 

 

 

 

BICENTENNIAL MAN (L’HOMME BICENTENAIRE) (1999)

Si le film réussit à toucher, outre le jeu de Williams, c’est bien grâce aux mélodies fragiles et douces qui parcourent cette partition. Un disque « bisounours » qui me donne toujours cette impression d’être orphelin après l’écoute. Il était doué, le monsieur, on vous dit.

 

 

 

TROY (TROIE) (2004)

C’était bien le maître des choeurs exotiques. Mille fois repompé (parfois par lui-même), jamais égalé. Et Horner n’était pas que douceur et mystère comme le prouve ce Troy prêt à en découdre et bourré de morceaux de bravoure.

 

 

 

 

AVATAR (2009)

Une sorte de quintessence du travail hornerien. Tout est là : l’exotisme, la douceur, le mystère et le bourrinage épique pur et simple. Une sorte de suite à son travail sur Krull et Troy. Attention, l’écoute des trois à la suite rend extatique.

 

 

 

 

WOLF TOTEM (LE DERNIER LOUP) (2015)

Dernier album de James Horner à m’avoir tiré des larmes. Qui coulent encore. Il est peut être encore trop tôt pour le dire, mais je pense que ce disque résonnera encore longtemps dans nos coeurs. Merci James… Monde de merde…

 

 

 

 

 

Olivier Desbrosses
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