The Hills Run Red (Frederik Wiedmann)

Moi, moche et méchant

Disques • Publié le 07/03/2012 par

The Hills Run RedTHE HILLS RUN RED (2009)
THE HILLS RUN RED
Compositeur :
Frederik Wiedmann
Durée : 45:31 | 24 pistes
Éditeur : Varèse Sarabande

 

3.5 out of 5 stars

Tandis que les vétérans John Frizzell et John Ottman se réservent les sorties cinéma avec respectivement Whiteout et Orphan (Esther), le jeune Frederik Wiedmann semble être devenu le nouveau compositeur attitré du studio Dark Castle Entertainment pour les productions vidéo. Poulain de Frizzell révélé au public en 2007 avec Return To House On Haunted Hill et passé depuis par l’école du documentaire, du drame et du film d’action, il enchaîne tout naturellement sur The Hills Run Red, non sans signer en parallèle la musique additionnelle de Whiteout. On se souvient que son score pour Return To House On Haunted Hill, loin d’être infamant, s’avérait efficace mais sans plus, dénué de moments véritablement inspirés et accusant encore trop de similitudes avec le style de son mentor. Un nouveau film horrifique comme The Hills Run Red représentait donc un défi à double tranchant : soit Wiedmann allait prouver qu’il était capable de s’améliorer, soit il allait confirmer qu’il n’était vraiment pas fait pour ce genre de travail…

 

Tout d’abord, force est de reconnaître que cette nouvelle bande originale, comme la majorité des musiques de films de terreur écrites par des gens un tant soit peu respectueux du genre, est parfaitement appropriée aux images et distille savamment l’angoisse durant tout le long-métrage. Mais, plus important encore pour les béophiles, elle peut s’apprécier en écoute isolée, ce qui n’était pas gagné au départ. Certes, les scènes de tension, de poursuites et d’horreur sont nombreuses et pourront rebuter les plus timorés ; il faut rappeler que Wiedmann, crédité sur plusieurs albums de John Frizzell en tant qu’electronic score producer, a sans doute joué un rôle déterminant dans les expérimentations effectuées par ce dernier et cela se ressent à l’écoute de The Hills Run Red, score également saturé d’effets sonores étranges et dérangeants.

 

Bouh !

 

Sursauts fréquents, ruptures de ton en tous genres, cisaillements de cordes torturées à l’infini, sonorités électroniques agressives, cuivres grondants, lourdes percussions et cloches stridentes, rythmes stressants : tout est fait pour que le spectateur / auditeur frôle l’arrêt cardiaque ! Cela dit, à aucun moment l’on a l’impression d’écouter une énième redite de Saw (Charlie Clouser), ce qui est tout de même très appréciable. Le compositeur préfère piocher dans ses propres travaux en matière de musique expérimentale et semble citer, via une abondance de violons reptiliens et de bourdonnements d’insectes, Primeval ou encore The Reaping (Les Châtiments), partitions de Frizzell auxquelles il a collaboré. Le résultat, illustrant à merveille l’avancée inexorable du tueur et annonçant la fin catastrophique de ses victimes, est incontestablement beaucoup plus nerveux et prenant que le soporifique Return To House On Haunted Hill.

 

Le meilleur de The Hills Run Red est cependant contenu dans les pistes plus mystérieuses, élégiaques et mélancoliques qui émaillent l’album (environ 20 min sur 45, proportion idéale), sortes d’échappées vers le rêve permettant de souffler entre deux séjours aux enfers. Dès In 1982…, les violons et le piano succèdent aux sonorités graves et menaçantes du début pour introduire une mélodie nostalgique fort agréable à écouter, surtout lorsqu’elle est reprise par une flûte vibrante et une voix féminine aux accents envoûtants. Cette mélodie et ces orchestrations seront réemployées à plusieurs reprises afin de conférer à la partition un lyrisme désespéré propre au genre du survival et qui a donné lieu à des réussites certaines dans The Hills Have Eyes (La Colline a des Yeux), Frontière(s) ou encore The Descent, le décalage entre l’horreur des situations et la beauté de la musique – censée refléter l’état intérieur de l’héroïne, comme dans Female Bondage – s’avérant toujours fort efficace dans ces cas-là.

 

La tonalité atmosphérique et frileuse d’un morceau comme Alexa, porté par le chant poignant du violoncelle, s’accorde parfaitement aux décors de forêt glacés et automnaux du film, emprunts d’une saveur typiquement slave rappelant les Hostel d’Eli Roth et rapprochant la musique de Frederik Wiedmann de celles, très réussies, de Nathan Barr. Deux titres sortent clairement du lot : Desiderio, scène durant laquelle Alexa se livre à un numéro de strip-tease torride, mélange de violon classique et d’orchestre rock (guitare électrique, basse, batterie) transcendé par la voix sensuelle de la chanteuse soliste qui porte l’ensemble jusqu’à des sommets orgasmiques ; et Phantasmagorical Holocaust, complainte hypnotique voyant le héros basculer dans la folie au son d’harmonies démoniaques renvoyant à The Ninth Gate (La Neuvième Porte) de Wojciech Kilar. Finalement, toute la profondeur et la vénéneuse beauté que l’on aurait aimé trouver dans le film est présente dans la musique, étonnamment sophistiquée. Voilà qui rassure quant au talent du compositeur…

 

Petit bondage entre amis

Gregory Bouak
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