Psycho III (Carter Burwell)

Le Motel en Folie

Disques • Publié le 09/09/2010 par

Psycho IIIPSYCHO III (1986)
PSYCHOSE III
Compositeur :
Carter Burwell
Durée : 30:39 | 10 pistes
Éditeur : MCA Records

 

2 out of 5 stars

À la recherche d’un compositeur pour mettre en musique son OVNI cinématographique, Anthony Perkins écarte d’emblée l’éventualité d’un score symphonique à l’ancienne tel que l’avaient conçu Herrmann et Goldsmith, autant par manque d’argent que par désir de s’éloigner de choix musicaux qu’il juge trop traditionnels. Conquis par la musique de Blood Simple (Sang pour Sang), premier film de Joel et Ethan Coen, il fait appel au jeune Carter Burwell qui signera avec Psycho III (Psychose III) la troisième composition de sa carrière. Autant dire que le musicien en est à ses premiers balbutiements et que cela s’entend… Aussi éloigné que possible de ses prédécesseurs, créant une rupture un peu gênante (on ne retrouve plus rien de l’univers musical habituellement associé à Norman Bates), le score de Psycho III est entièrement réalisé au synthétiseur et fleure bon les années 80, avec tout ce que cela implique d’effets kitsch et de ringardises ! La saga des Psycho se rapproche alors de celle des Friday The 13th (Vendredi 13), identifiée par des musiques synthétiques datées au possible, hautement risibles mais somme toute très attachantes. Ici, Burwell va jusqu’à écrire une chanson (Scream Of Love) qui donnera lieu à un clip qu’il interprète lui-même et dans lequel Anthony Perkins s’en donne à cœur joie, assumant totalement le côté second degré de l’entreprise.

 

Jeff Fahey

 

Moquerie affectueuse mise à part, le score de Burwell contient toutefois quelques bonnes idées. Le thème associé à Maureen, la jeune héroïne, s’avère suffisamment mémorable pour apporter une certaine cohérence à la partition. De même, l’emploi d’une chorale féminine (remixée ensuite au synthétiseur) lui confère une dimension solennelle et religieuse qui n’est pas désagréable. Le morceau Maureen In The Desert est un pur moment de road movie planant et hypnotique, déjà bien caractéristique du style que Burwell développera pour les frères Coen. Cette dimension atmosphérique se retrouvera également dans d’autres passages marqués par la mélancolie et la fatalité qui s’abattent sur les personnages (Mother ?). L’angoisse pointe le bout de son nez lors de déchaînements très brefs (Before And After Shower, au titre évocateur) et d’avalanches de sonorités bizarres et dérangeantes, mélanges d’expérimentations synthétiques et d’incantations sataniques (Bad Boys And Body Bags). Dans sa dernière partie, le score parvient à créer un climat malsain approprié aux images et il faut alors savoir gré au compositeur d’avoir osé un renouvellement complet sans pour autant perdre de vue les impératifs horrifiques de l’affaire.

 

Le pire – ou le meilleur, c’est selon – intervient dans des pistes comme Dirty Street, Sisters – Catherine Mary et Electroshock Waiting Room, sévèrement atteintes du « syndrome des années 80 » et rappelant toute la production cinématographique et musicale de cette glorieuse décennie. À grands coups de boîtes à rythme et de sonorités bontempi, on oscille entre les premières partitions de John Carpenter et les hits de la pop music dus aux groupes à la mode en ce temps-là. On pense notamment à tous les artistes qu’on entendra un an plus tard dans la bande originale de The Lost Boys (Génération Perdue) et surtout à l’inénarrable Alice Cooper, présent dans les Friday The 13th. Tout cela est fort sympathique mais sonne terriblement daté et n’a rien à voir avec l’univers de Psycho, qui se doit d’être intemporel.

 

Par ses choix d’orchestrations, par son pouvoir d’évocation et d’abstraction exceptionnel, Herrmann avait signé un chef-d’œuvre éternel et incontournable ; grâce à son génie pour les atmosphères terrifiantes et dramatiques, Goldsmith avait à son tour composé un excellent score de thriller ; quant à Carter Burwell, il livre avec Psycho III une musique tout aussi insolite que le film qu’elle accompagne, touchante dans sa sincérité et son inventivité mais tellement associée à une époque révolue et passée de mode qu’elle en devient difficilement appréciable aujourd’hui, hormis pour les fans.

 

Psycho III

Gregory Bouak
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