Robin Hood (Marc Streitenfeld)

Plus d'une corde à son arc

Disques • Publié le 19/05/2010 par

Robin HoodROBIN HOOD (2010)
ROBIN DES BOIS
Compositeur :
Marc Streitenfeld
Durée : 51:06 | 22 pistes
Éditeur : Varèse Sarabande

 

4 out of 5 stars

En trois films avec Ridley Scott, Marc Streitenfeld, ex-collaborateur de Hans Zimmer et Harry Gregson-Williams, n’était pas encore parvenu, loin s’en faut, à égaler les réussites de ses glorieux aînés pour le cinéaste britannique. On nourrissait donc de sérieux doutes quant à ses capacités, voire à sa légitimité sur un projet de l’envergure de Robin Hood : se mesurer à des scores aussi prestigieux que Gladiator et Kingdom Of Heaven semblait être un combat perdu d’avance pour un compositeur aussi peu expérimenté. On imagine d’ailleurs sans peine la pression subie par Streitenfeld, sachant en outre que Zimmer, qui épaula jadis Jeff Rona sur White Squall (Lame de Fond), est ici aux abonnés absents. Très tôt dans sa carrière, Streitenfeld se retrouve donc ici promu capitaine d’un imposant navire dont il est le seul à pouvoir maintenir le cap.

 

Le résultat est à la fois une très belle surprise et un grand soulagement. Alors qu’on s’attendait, au mieux, à du sous-Zimmer et au pire, à un score anecdotique ou purement textural comme le furent respectivement American Gangster et Body Of Lies (Mensonges d’Etat), le jeune compositeur se risque à jouer dans la cour des grands et la musique, si elle ne possède pas la splendeur du dyptique évoqué plus haut, épouse idéalement le propos du film. Robin Hood a beau être un grand spectacle, il ne se veut pas épique : c’est avant tout d’une aventure humaine qu’il s’agit, et Streitenfeld capte parfaitement cet aspect via un traitement orchestral à la thématique précise et au lyrisme profond mais sans esbroufe.

 

La partition s’articule autour de quatre thèmes. Le premier, qui fait appel aux chœurs ou au chant et baigne dans de funèbres accents religieux, est associé aux Croisés : la guerre a fait d’eux des impies. Ainsi, on le retrouve sur le texte d’ouverture situant l’action dans le temps (Destiny), lors de la mort du bras droit de Richard Cœur de Lion (Pact Sworn In Blood) et du meurtre d’un des personnages-clefs du film (Killing Walter), mais aussi lors du pillage de Nottingham (Nottingham Burns, qui fait écho à l’évocation du massacre des civils de Saint-Jean d’Acre) et du débarquement des troupes françaises (Landing Of The French). Le deuxième, dont la mélodie héroïque et volontaire évoque vaguement le thème de Transformers, est lié à l’Aventure et à Robin Longstride (Fate Has Smiled Upon Us, Charge) : il s’éteindra doucement lorsque la bataille fera de l’archer un hors-la-loi (The Final Arrow). On y trouve les germes du troisième et principal thème qui, d’abord développé sous la forme d’un love theme dont la délicatesse et les couleurs médiévales évoquent immédiatement Georges Delerue (Sherwood Forest, Walter’s Burial), devient celui de Robin Hood (Robin Speaks, Landing Of The French) jusqu’à un final où il se déploie sous sa forme la plus romantique, la plus solaire et la plus noble (The Legend Begins).

 

Robin Hood très fâché

 

Ces trois axes thématiques sont complétés par un entraînant thème celtique (Planting The Fields, illuminé par un sublime essor de cordes) que vient harmoniser celui de Longstride (Merry Men), tandis que plusieurs motifs interviennent : un ostinato reptilien pour flûte (Godfrey) et cordes (John Is King) associé à l’âme damnée du Prince Jean, et un faux air de comptine entonné par des voix enfantines secondées par des cordes et des bois nocturnes et mystérieux lorsque apparaissent les jeunes fripouilles de Sherwood (Creatures). Quant au matériau d’action employé lors des scènes de batailles qui ouvrent et clôturent le film (Destiny, Siege, Clash), il fait appel à un orchestre certes trop peu massif mais qui s’agite avec force glissandi de bois et vagues de cordes déferlant sur un rythme martial, les cuivres allant jusqu’à faire sonner un galvanisant motif héroïque et emprunter des accents parfois inspirés de façon évidente par Lord Of The Rings (toutes proportions gardées).

 

Il convient également de signaler la richesse des orchestrations de Benjamin Wallfisch qui, en faisant appel à de nombreux instruments celtiques (bodhran, flûte, cornemuse, sans oublier la voix de Kathleen MacInnes) et du Moyen-Age (harpe, viole, guimbarde…), achèvent de faire de Robin Hood un score non seulement captivant de bout en bout mais aussi terriblement séduisant, plus proche de Rob Roy que de Braveheart. On regrettera que la chronologie des morceaux ne soit pas respectée sur le CD, mais l’essentiel est là : Marc Streitenfeld est désormais un compositeur digne de ce nom, n’en déplaise aux béophiles passéistes. Comme quoi, nul besoin d’un grand orchestre symphonique pour se voir adoubé.

 

Robin Hood très amoureux

Cedric Delelee
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