John Paul Jones / Parrish (Max Steiner)

Swashbuckler et glamour

Disques • Publié le 25/01/2009 par

John Paul JonesJOHN PAUL JONES / PARRISH (1959 / 1961)
JOHN PAUL JONES / LA SOIF DE LA JEUNESSE
Compositeur :
Max Steiner
Durée : 71:30 | 24 pistes
Éditeur : Film Score Monthly

 

4 out of 5 stars

Après avoir privilégié les inédits ou les versions expanded, le label de Lukas Kendall (ici épaulé par Craig Spaulding de Screen Archives) semble s’orienter de plus en plus vers la ressortie d’éditions LP de scores pas forcément très connus des compositeurs les plus illustres de l’Âge d’Or hollywoodien. Une louable entreprise, comparable à celles effectuées par Elmer Bernstein et Charles Gerhard dans les années soixante-dix, dont le collectionneur sort gagnant puisqu’on lui propose en général deux albums pour le prix d’un (un titre «vendeur» et un autre moins connu). Cette fois, c’est Max Steiner qui est à l’honneur, avec une partition (gentiment) swashbuckler et une autre (très) mélo. On sait à quel point le style terriblement daté du compositeur peut s’avérer difficile à apprécier de nos jours, si ce n’est sous un angle purement historique, a fortiori quand il s’agit d’un score original et non rejoué. Pourtant, certaines de ses œuvres ont bien traversé les décennies, et le choix de FSM est ici malin puisque celles-ci en font indéniablement partie. Produit par Samuel Bronston deux ans avant El Cid (Le Cid) avec la bénédiction financière d’illustres fortunes américaines et de l’amiral Nimitz lui-même, John Paul Jones, réalisé par l’ex-officier de Marine John Farrow (l’excellent western Ride, Vaquero [Vaquero] avec Robert Taylor et The Sea Chase [Le Renard des Océans] avec John Wayne), mettait en vedette Robert Stack, futur incorruptible de la télévision, dans le rôle du père fondateur de l’US Navy, face à Peter Cushing en master and commander d’un navire de la flotte Britannique.

 

Venu d’Ecosse après y avoir pourfendu un marin lors d’une mutinerie, Jones combattit non seulement pour l’Amérique mais aussi pour Louis XVI et Catherine de Russie, avant d’être mis à la retraite forcée et de mourir à Paris en 1792 (inutile de ratisser les cimetières de la capitale : ses cendres furent rapatriées à l’Académie Navale d’Annapolis en 1913). Habitué à recycler les hymnes nationaux et autres airs traditionnels des pays où se déroulent les films qu’il illustre, Steiner n’en fait pourtant guère usage ici, même s’il cite tout de même Yankee Doodle et God Save The Tsar. L’accent est donc mis sur les exploits maritimes et amoureux de ce fier héros de la Guerre d’Indépendance, et la musique s’en trouve allégée autant que revigorée. Après une ouverture où le thème principal est exposé sous la forme d’une marche militaire (il sera soumis à de multiples variations par la suite), le ton est donné avec le nautique Growing Up (on appréciera le clin d’œil involontaire à Superman), où résonne toute la fascination d’un jeune homme pour les fastes que déploie l’océan sous ses yeux.

 

John Paul Jones

 

Altière et dramatique (Dangerous Waters/The First Landing Of The U.S. Marines n’est pas sans évoquer Plymouth Adventure de Miklos Rozsa), la musique se fait plus romantique dès lors qu’elle épouse les femmes qu’a aimé John Paul Jones au cours de sa vie, comme dans l’élégant menuet de Dorothea et la valse d’Aimee, allant même jusqu’à rappeler les couleurs Sudistes de Gone With The Wind (Autant en Emporte le Vent) dans l’espiègle Horse-Play. Riche en trompettes martiales, The Surrender précède les orchestrations slaves de Catherine The Great et la fanfare très «chasse à courre» de The Golden Sword, suivie de royales reprises des thèmes de Jones et d’Aimee et d’un final lyrique marqué par un ultime sursaut patriote. Editée par Warner Records à la sortie du film en 1959 et reprise en LP par Varèse en 1981, cette version album du score, à la stéréo impeccable, méritait donc amplement d’être exhumée et fait regretter que la bande originale du film ait été perdue.

 

Quant à la musique «à découvrir», il s’agit de celle de Parrish (La Soif de la Jeunesse) qui, deux ans plus tard, s’éloignait des côtes pour plonger dans les terres où l’on cultive le tabac et où le soleil embrase les passions. Langoureuse jusqu’au jazzy (on pense parfois à John Barry), radieuse et généreuse en violons, la partition nous est offerte en deux chapitres reflétant chaque face de son édition LP : la première avec les versions orchestrales pour album du score (l’un des thèmes a été composé par l’un des acteurs du film), l’autre avec des réinterprétations estampillées «concertos pour piano» (celui de Spellbound ayant clairement servi d’inspiration, Rozsa encore), le clavier étant caressé par George Greeley (futur compositeur du thème de My Favorite Martian et d’épisodes de la série télé inspirée par The Ghost & Mrs. Muir). Le tout est complété par des versions instrumentales des chansons inspirées par les thèmes de Gone With The Wind et de A Summer Place (Ils n’ont que vingt ans). Un Steiner mineur, certes, mais joliment glamour et agréable à l’écoute. Comme toujours chez FSM, le booklet est passionnant (malgré une erreur de mise en page sur le tracklisting de John Paul Jones) et le CD possède toutes les qualités pour séduire ceux que le style de Steiner a jusqu’ici laissés de marbre. Souhaitons qu’un jour soient édités les somptueux Helen Of Troy (Hélène de Troie) et King Richard & The Crusaders (Richard Cœur de Lion).

 

John Paul Jones

Cedric Delelee
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